Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er août 2018, 22 janvier 2020 et 4 mars 2020, Mme B... D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 4 de ce jugement ;
2°) de prononcer, à titre principal, la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2010 et restant à sa charge.
3°) de prononcer, à titre subsidiaire, la décharge de la somme de 6 384,25 euros au titre des revenus distribués ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière en raison du défaut de motivation de la proposition de rectification ;
- à titre principal, les dépenses de travaux réalisées par la société à responsabilité limitée (SARL) LGB ne sauraient être regardées comme des revenus distribués au sens de l'article 109 du code général des impôts, mais constituent un supplément de loyer imposable dans la catégorie des revenus fonciers en application de l'article 29 du code général des impôts ;
- ces revenus fonciers n'avaient pas à être déclarés et ne sont pas imposables, comme le rappelle le paragraphe n° 60 de l'instruction administrative BOI-RFPI-BAS-10-20 ;
- à titre subsidiaire, ces travaux correspondaient seulement à une réfection partielle de la toiture du bâtiment exploité par la SARL LGB ; de tels travaux ne sauraient être qualifiés de " grosses réparations " au sens de l'article 606 du code civil et incombaient de ce fait au locataire.
Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés les 23 avril 2019 et 28 janvier 2020 et 25 mars 2020, le ministre chargé des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL LGB ne sont pas fondés et, à titre subsidiaire, qu'il est possible de procéder à une substitution de base légale et d'imposer la somme de 13 176,70 euros dans la catégorie des revenus fonciers, en application de l'article 29 du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,
- et les observations de Me C... représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la société à responsabilité limitée (SARL) LGB, qui exerce, à Guingamp, une activité de solderie dans des locaux qui sont la propriété de Mme D..., l'administration a remis en cause, au niveau de l'entreprise, la déduction de travaux, regardés comme des travaux de grosses réparations, réalisés en 2010 sur ces locaux et pris en charge par la SARL LGB. Parallèlement, dans le cadre d'un contrôle sur pièces, elle a estimé que le montant de ces travaux constituait pour Mme D... des revenus distribués en application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Après mise en recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales découlant de ce contrôle, Mme D... a formé une réclamation qui a été partiellement rejetée le 5 février 2016. Mme D... a alors demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des impositions demeurant à sa charge. Par un jugement n° 1601689 du 30 mai 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Mme D... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ".
3. Mme D... fait valoir que le service aurait dû joindre à la proposition de rectification une copie des factures réglées par la SARL LGB et que cette proposition de rectification est, de ce fait, insuffisamment motivée. Toutefois, cette proposition de rectification précise que les constatations opposées à Mme D... ont été effectuées dans le cadre du contrôle de la SARL LGB. Dans ce document, le vérificateur a en outre rappelé les dates et les montants de ces factures, ainsi que la nature détaillée des travaux. Dans ces conditions, le vérificateur, qui n'était pas tenu de joindre les factures en cause, a suffisamment motivé sa proposition de rectification, et a ainsi mis à même Mme D... d'engager utilement une discussion contradictoire sur ce point. Au demeurant, il est constant que Mme D... n'a jamais, au cours de cette discussion, demandé la communication de ces factures, comme le lui permettaient les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu :
4. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) / Les sommes imposables sont déterminées pour chaque période retenue pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés par la comparaison des bilans de clôture de ladite période et de la période précédente selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. ".
5. Aux termes de l'article 29 du code général des impôts : " Le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires. Les subventions et indemnités destinées à financer des charges déductibles sont comprises dans le revenu brut. ".
6. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que, pour que des réparations prises en charge par le locataire puissent être regardées comme un supplément de loyer imposable dans la catégorie des revenus fonciers, ces dépenses doivent avoir été mises à la charge du locataire par le biais d'une convention.
7. En l'espèce, il est constant que le contrat de bail locatif conclu entre Mme D... et la SARL LGB stipulait, dans ses conditions générales, que les grosses réparations visées à l'article 606 du code civil restaient à la charge du bailleur. Mme D... fait cependant valoir qu'elle a conclu un accord oral avec le locataire. Elle précise que cet accord aurait été conclu dans l'urgence, à la suite de la tempête Xinthia. Pour justifier de l'existence d'un tel accord, Mme D... fait valoir qu'une baisse de loyer a été consentie à la société en échange de la réalisation de ces travaux. Toutefois, Mme D... n'établit pas la réalité de cette baisse de loyer. En effet, si, sur les 11 220 euros de loyer annuel, seuls 8 415 euros ont été versés en 2010, cela ne signifie pas que les 2 805 euros restant auraient été abandonnés par la propriétaire. Il est d'ailleurs constant que la SARL LGB a porté en charge l'intégralité des 11 220 euros de loyer. Enfin, la somme de 2 805 euros est sans commune mesure avec le coût des travaux, qui s'élève à 11 017 euros hors taxe. Dans ces conditions, Mme D... ne justifie pas de l'existence d'un accord oral conclu avec la SARL LGB. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que ces dépenses de travaux constituent un supplément de loyer imposable dans la catégorie des revenus fonciers. Dès lors, c'est à bon droit que le service a fait application des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Enfin, à supposer que Mme D... ait entendu se prévaloir du paragraphe 40 de l'instruction administrative BOI-RFPI-BASE-10-20, cette instruction ne comporte pas d'interprétation différente de l'article 29 du code général des impôts.
8. En second lieu, Mme D... fait valoir que les travaux en cause ne constituaient pas de " grosses réparations " au sens de l'article 606 du code civil et incombaient de ce fait au locataire. Toutefois, si Mme D... soutient que ces travaux ne portaient que sur une réparation partielle de la toiture du bâtiment, elle ne produit aucune pièce au soutien de ses allégations. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.
Le rapporteur,
H. A...Le président,
F. Bataille
La greffière,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 18NT029722