Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 mai 2020, Mme E..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui accorder le bénéfice du regroupement familial et de délivrer des titres de séjour à Aminata B... et André Garcia dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande ;
- ses ressources sont suffisantes pour faire bénéficier ses deux enfants du regroupement familial ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 26 août 2020, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les observations de Me F..., représentant Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante de la République du Congo, née le 15 mars 1986, entrée en France le 6 mars 2010 et titulaire d'une carte de résident en qualité de parent d'un enfant mineur français valable jusqu'en 2024, a présenté, le 15 septembre 2013, une demande de regroupement familial au profit de ses autres enfants mineurs, C... B... et André Garcia, de nationalité congolaise, nés respectivement en 2003 et 2007 de deux unions différentes. Par une décision du 31 octobre 2013, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté la demande au motif que les bénéficiaires de la demande étaient déjà présents sur le territoire français. Par un jugement du 30 septembre 2015, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision au motif que le préfet s'était à tort, estimé en situation de compétence liée pour refuser le regroupement familial sur place et a enjoint au préfet de réexaminer la demande de Mme E.... Cette demande a été renouvelée le 4 décembre 2015 par l'intéressée. Par une décision du 29 mai 2017, le préfet a rejeté sa demande aux motifs que les enfants étaient déjà présents en France et que la requérante ne disposait pas de ressources suffisantes pour pourvoir aux besoins de la famille. Le tribunal administratif de Nantes a rejeté, par un jugement du 13 novembre 2019, dont Mme E... relève appel, sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas procédé à un examen particulier de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
3. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins un an, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-6 du même code : " Peut être exclu du regroupement familial : (...) / 3° Un membre de la famille résidant en France. ".
4. Il est constant que les enfants mineurs de Mme E... résident en France depuis juillet 2012. Dès lors, le préfet de la Loire-Atlantique, pour refuser le regroupement familial au profit des enfants, a pu retenir, comme premier motif, leur résidence en France sans commettre une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que Mme E... soutient que les enfants n'ont plus d'attache avec leur pays d'origine ni de contact avec leurs pères respectifs et que le préfet a pu indiquer dans une précédente décision du 25 novembre 2015 qu'il admettait les deux enfants au séjour.
5. Aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de la demande réitérée : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. (...). ". Aux termes de l'article R. 421-4 du même code : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces suivantes : (...) / 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, ainsi que le dernier avis d'imposition sur le revenu en sa possession, dès lors que sa durée de présence en France lui permet de produire un tel document, et sa dernière déclaration de revenus. La preuve des revenus non salariaux est établie par tous moyens (...) ".
6. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles R. 411-4 et R. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période, même si, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible, pour le préfet, de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande.
7. Comme il a été dit au point 1, Mme E... a renouvelé sa demande de regroupement familial auprès du préfet de la Loire-Atlantique le 4 décembre 2015. La période de référence s'étend donc de décembre 2014 à novembre 2015. Mme E... n'apporte aucun élément relatif au mois de décembre 2014. Il résulte de l'avis d'imposition des revenus perçus par Mme E... en 2015 qu'ils ont été de 4 002 euros, soit 333,50 euros par mois. Ce montant est inférieur à 1 135,99 euros qui est le montant du salaire minimum de croissance mensuel net pour 35 heures de travail par semaine. Ainsi, le préfet pouvait légalement retenir, comme second motif, l'insuffisance de ses ressources pour refuser, sur le fondement de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le regroupement familial sollicité en faveur de ses deux enfants.
8. Un refus de regroupement familial " sur place " en France opposé à un enfant mineur ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de l'enfant ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que ce refus n'a pas pour effet de contraindre l'enfant à être séparé de la personne titulaire de l'autorité parentale. En effet, le statut de mineur ne fait pas obligation de détenir un titre de séjour pour pouvoir séjourner sur le territoire français. Dès lors, les moyens invoqués par Mme E... et tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais liés au litige doivent être écartés.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. D..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
J.-E. D...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01470