Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aubert,
- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.
1. Considérant que, par la voie de l'appel principal, le ministre chargé du budget relève appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 28 janvier 2014 en tant qu'il a fait droit à la demande de la société à responsabilité limitée (SARL) Belliard, qui exerce une activité de travaux agricoles, tendant à la décharge en droits, pénalités et intérêts de retard, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er avril 2007 au 31 mars 2009, à l'exception de la décharge, en droits et intérêts de retard, d'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée s'élevant à 3 724 euros en droits ; que, par la voie de l'appel incident, la SARL Belliard demande l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et intérêts de retard, de ce rappel de taxe d'un montant de 3 724 euros ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'acquisition d'un bec à maïs huit rangs de marque Kemper :
2. Considérant que l'administration a mis à la charge de la SARL Belliard un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 1 176 euros au motif qu'elle a cédé à la société Belliard Mesnil Centre un bec à maïs huit rangs de marque Kemper au prix de 6 000 euros hors taxe (HT) et 7 176 euros toutes taxes comprises (TTC) sans comptabiliser et reverser la taxe ainsi collectée ; que ce rappel est fondé sur l'inscription d'une créance de 7 176 euros au débit du compte de tiers ouvert dans les comptes de la société Belliard au nom de la société Belliard Mesnil Centre et sur le fait que cette société a indiqué au service, dans le cadre de l'exercice du droit de communication, être en possession de ce matériel ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. (...) " ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ayant émis, le 3 avril 2012, un avis portant notamment sur ce rappel de taxe, il appartient à l'administration d'apporter la preuve de son bien-fondé ;
4. Considérant qu'il résulte du grand-livre de la comptabilité de la SARL Belliard que le compte fournisseur de la société Bellamy, avec laquelle elle est également en relations d'affaires, a été crédité de la somme de 20 000 euros correspondant à la reprise du bec à maïs huit rangs de marque Kemper par cette société ; que la reprise de ce matériel par son vendeur est corroborée par les bons de commande, que la SARL Belliard a produits en première instance, successivement établis le 18 septembre 2007 lors de l'acquisition et le 8 septembre 2008 lors de la reprise à l'occasion de l'acquisition d'un autre bec à maïs ; qu'en outre, la société soutient sans être contredite que la société Belliard Mesnil Centre, qui dispose de plusieurs becs à maïs huit rangs, a pu commettre une erreur sur le matériel au sujet duquel le service l'a interrogée dans le cadre de l'exercice du droit de communication ; que, dans ces conditions, les faits mentionnés au point 2 du présent arrêt dont se prévaut l'administration ne sont pas de nature à établir que le bec à maïs huit rangs a été cédé à la société Belliard Mesnil Centre ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient le ministre, les premiers juges ont prononcé à bon droit la décharge de ce rappel de taxe ;
En ce qui concerne l'acquisition d'un bec à maïs huit rangs de marque Krone :
5. Considérant que le service a mis à la charge de la SARL Belliard un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 11 760 euros au motif qu'elle avait comptabilisé à tort cette somme au titre de la taxe sur la valeur ajoutée déductible au titre de l'exercice clos le 31 mars 2009 correspondant, selon les écritures comptables, à l'acquisition, le 30 septembre 2008, d'un bec à maïs huit rangs de marque Krone au prix de 71 760 euros TTC (60 000 euros HT) alors qu'à la clôture de cet exercice l'opération d'acquisition de ce matériel avait été annulée, ainsi que le vendeur l'a confirmé dans le cadre de l'exercice du droit de communication, que la taxe sur la valeur ajoutée avait été simultanément comptabilisée au titre de la taxe sur la valeur ajoutée déductible en attente et que le bien ne figurait pas à l'actif de la société ; que les premiers juges ont déchargé la SARL Belliard de ce rappel de taxe sur la valeur ajoutée au motif qu'elle était en possession, à la date de clôture de l'exercice, de la facture relative à cet achat ;
6. Considérant, toutefois, que l'existence d'une telle facture ne résulte pas de l'instruction ; que la SARL Belliard, qui admet n'avoir acquis ce matériel qu'au cours de l'exercice suivant, ne peut invoquer le fait qu'il lui avait été livré dès lors que la vente a été annulée après la livraison ; qu'en l'absence de facture d'achat, elle n'est pas davantage fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 271 du code général des impôts relatives aux rectifications pouvant être apportées à une facture ; qu'il suit de là que, ainsi que le soutient le ministre, c'est à tort que le tribunal a prononcé la décharge de ce rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 11 760 euros ;
7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de ce rappel de taxe ; que la SARL Belliard n'invoque aucun autre moyen s'y rapportant ;
En ce qui concerne l'acquisition d'un bec à maïs six rangs :
8. Considérant qu'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 3 724 euros a été mis à la charge de la SARL Belliard au motif qu'elle n'a pas déclaré la taxe collectée lors de la revente à la société Bellamy, le 22 novembre 2007, d'un bec à maïs six rangs au prix de 22 724 euros TTC (19 000 euros HT) ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ayant émis, le 3 avril 2012, un avis portant notamment sur ce rappel de taxe, il appartient à l'administration d'apporter la preuve de son bien-fondé ; qu'il est constant que la taxe sur la valeur ajoutée afférente à cette vente n'a pas été déclarée ; qu'en se bornant à se prévaloir de la compensation entre la taxe d'un montant de 3 724 euros collectée au titre de la vente du bec à maïs six rangs et la taxe d'un montant de 4 900 euros acquittée au titre de l'acquisition, le même jour et auprès de la même société, d'un bec à maïs huit rangs au prix de 29 900 euros TTC (25 000 euros HT), la société ne justifie pas de l'absence de déclaration s'y rapportant ; qu'il suit que là que, contrairement à ce qu'elle soutient, les premiers juges ont estimé à bon droit que ce rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 3 724 euros est fondé ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a fait droit à la demande de la SARL Belliard tendant à la décharge en droits du rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 11 760 euros relatif à l'acquisition d'un bec à maïs huit rangs de marque Krone ; qu'en revanche, la SARL Belliard n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal a rejeté sa demande tendant à la décharge en droits d'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 3 724 euros relatif à la cession d'un bec à maïs six rangs ;
Sur les intérêts de retard :
En ce qui concerne l'échéance de l'intérêt de retard :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I. Toute créance de nature fiscale, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt, s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. /(...)/ IV. 1. L'intérêt de retard est calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'impôt devait être acquitté jusqu'au dernier jour du mois de son paiement./ (...) / 4. Lorsqu'il est fait application de l'article 1729, le décompte de l'intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois de la proposition de rectification (...) " ; qu'aux termes de l'article 1729 du même code : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40% en cas de manquement délibéré ; (...) " ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1727 et 1729 du code général des impôts que, même dans le cas où est appliqué l'article 1729, le décompte de l'intérêt de retard arrêté au dernier jour du mois de la proposition de rectification est celui qui porte sur l'impôt dû qui n'a pas encore été payé à cette date ;
11. Considérant qu'il est constant que la SARL Belliard a acquitté de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant en partie aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été notifiés par une proposition de rectification du 20 avril 2011 et auxquels la majoration pour manquement délibéré a alors été appliquée ; que ces paiements se sont élevés, en mai 2009 à 11 760 euros, en mars 2010 à 18 000 euros, en avril 2010 à 9 500 euros, en mai 2010 à 4 000 euros et en décembre 2010 à 10 495 euros ; que, s'agissant de la partie de ces rappels ayant donné lieu à paiement, le décompte de l'intérêt de retard ne devait pas être arrêté, ainsi que le soutient le ministre, au dernier jour du mois de la proposition de rectification, soit le 30 avril 2011, mais au dernier jour du mois de chaque paiement effectué, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges ;
En ce qui concerne l'intérêt de retard appliqué à la taxe sur la valeur ajoutée relative à l'achat d'une ensileuse :
12. Considérant que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 48 020 euros, résultant de la déduction au titre de l'exercice clos le 31 mars 2009, de la taxe afférente à l'acquisition par la SARL Belliard d'une ensileuse au prix de 293 020 euros TTC (245 000 euros HT), alors que l'achat de ce matériel avait été annulé à la clôture de l'exercice et remplacé par son acquisition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail conclu au cours de l'exercice suivant, n'a pas été contesté par la société ; qu'il s'ensuit que la somme de 48 020 euros constitue une créance de nature fiscale ouvrant au droit au versement de l'intérêt de retard prévu par l'article 1727 du code général des impôts en cas de retard de paiement ; que, dès lors, le tribunal ne pouvait pas prononcer la décharge de l'intérêt de retard dont cette somme a été augmentée au motif que ce rappel de taxe n'était pas, selon lui, fondé ;
13. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de l'application de cet intérêt de retard ; que la SARL Belliard n'invoque aucun autre moyen s'y rapportant ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a prononcé la décharge de l'intérêt de retard appliqué au rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 48 020 euros ;
Sur la majoration pour manquement délibéré :
15. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'application de la majoration de 40% pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts est motivée par l'importance des rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés à la SARL Belliard et par le caractère répété de l'insuffisance des déclarations et des erreurs commises dans l'exercice du droit à déduction de la taxe ; que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la SARL Belliard n'avait pas réglé la majeure partie de la taxe sur la valeur ajoutée rappelée, d'un montant total de 118 435 euros, lorsque les opérations de contrôle ont été engagées ; qu'en outre, le ministre justifie en appel, par la production de la proposition de rectification relative à la période du 1er avril 2000 au 31 mars 2004, du caractère répété des manquements de la société ; qu'il suit de là que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a prononcé, sur le fondement de la loi, la décharge de la majoration pour manquement délibéré ;
16. Considérant qu'il y a lieu de statuer immédiatement, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, sur l'autre moyen invoqué par la société au soutien de ces conclusions ;
17. Considérant que la SARL Belliard n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement des dispositions du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 84 de l'instruction administrative 13 N-1-07 du 19 février 2007 relatif à l'appréciation du manquement délibéré pour l'application de l'article 1729 du code général des impôts, qui ne comporte pas d'interprétation formelle de la loi fiscale ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant, d'une part, que les conclusions du ministre des finances et des comptes publics tendant à l'annulation de l'article 6 du jugement par lequel le tribunal administratif de Caen a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 750 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne sont assorties d'aucune précision permettant au juge d'appel d'en apprécier le bien-fondé ; qu'elles ne peuvent, dès lors, être accueillies ;
19. Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la SARL Belliard de la somme qu'elle demande en appel au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La décharge en droits des rappels de taxe sur la valeur ajoutée prononcée par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Caen du 28 janvier 2014 est ramenée de 12 936 euros à 1 176 euros en droits.
Article 2 : Les articles 2 et 4 du jugement sont annulés.
Article 3 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant total de 11 760 euros, l'intérêt de retard portant sur la somme de 48 020 euros et la majoration pour manquement délibéré appliquée aux rappels de taxe non déchargés sont remis à la charge de la SARL Belliard.
Article 4 : Le jugement est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : La demande présentée par la SARL Belliard devant le tribunal administratif de Caen tendant à la décharge d'un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 11 760 euros, de l'intérêt de retard appliqué au rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 48 020 euros et du surplus de la majoration pour manquement délibéré est rejetée.
Article 6 : Le surplus du recours du ministre des finances et des comptes publics et les conclusions d'appel de la SARL Belliard est rejeté.
Article 7: Le présent arrêt sera notifié à la SARL Belliard et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 4 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 février 2016.
Le rapporteur,
S. AubertLe président,
F. Bataille
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT00818 2
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