Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 mars 2019 et 15 octobre 2019, la SARL ESC, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de lui octroyer le remboursement de l'intégralité des frais exposés dans la présente procédure, en première instance et en appel.
Elle soutient que :
- l'avis de mise en recouvrement a été adressé à l'adresse personnelle du gérant ; cette irrégularité doit entraîner la décharge des impositions litigieuses ;
- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs aux prestations effectuées au profit de clients suédois ne sont pas justifiés dès lors qu'elle a émis des factures complémentaires correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée relative aux factures initiales ; c'est donc à tort que le service a calculé la taxe sur la valeur ajoutée " en dedans " ;
- c'est à tort que le service a estimé que les frais relatifs aux dépenses de M. D... A... n'étaient pas déductibles ;
- la retenue à la source n'est pas justifiée dès lors que la prestation n'a pas été utilisée en France ;
- elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 230 et 250 de l'instruction administrative référencée BOI-IR-DOMIC-10-10 du 12 septembre 2012.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 16 septembre 2019 et 23 septembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL ESC ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Evolution Sport Conseil (ESC) a fait l'objet, en 2015, d'une vérification de comptabilité, qui a porté sur la période du 1er juillet 2011 au 30 septembre 2013. A l'issue de ce contrôle, le service lui a adressé une proposition de rectification l'informant de son intention de mettre à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et d'appliquer une retenue à la source. Après mise en recouvrement et rejet de la réclamation de la société, celle-ci a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013, de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er juillet 2011 au 30 septembre 2013. La société relève appel du jugement du 16 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. La SARL ESC reprend en appel le moyen, qu'elle avait invoqué en première instance et tiré de ce que la procédure d'imposition est irrégulière en raison de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement à l'adresse personnelle du gérant. Il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption du motif retenu à bon droit par le tribunal administratif de Rennes.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
3. La taxe sur la valeur ajoutée dont est redevable un vendeur ou un prestataire de services est un élément qui grève le prix convenu avec le client et non un accessoire du prix. En vertu des dispositions des articles 266 et 267 du code général des impôts, l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée est égale au prix convenu entre les parties, diminué notamment de la taxe exigible sur cette opération. Par suite, lorsqu'un assujetti réalise une affaire moyennant un prix convenu dans des conditions qui ne font pas apparaître que les parties seraient convenues d'ajouter au prix stipulé un supplément de prix égal à la taxe sur la valeur ajoutée applicable à l'opération, la taxe due au titre de cette affaire doit être assise sur une somme égale au prix stipulé, diminué notamment du montant de cette taxe.
4. En l'espèce, l'administration a constaté que la SARL ESC avait réalisé deux prestations de service pour des clubs de football suédois non assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et qu'elle leur avait adressé des factures de 8 000 euros et 12 000 euros ne mentionnant pas de taxe sur la valeur ajoutée, alors que ces opérations ne pouvaient pas être regardées comme des livraisons intracommunautaires. Elle a estimé que le prix facturé était ferme et définitif et a mis à la charge de la société requérante des rappels de taxe sur la valeur ajoutée calculés " en dedans " de ce prix. La SARL ESC a reconnu lors du contrôle que ces opérations auraient dû être assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée. Elle fait valoir qu'elle a cherché à corriger cette erreur en adressant des factures complémentaires correspondant au montant de taxe sur la valeur ajoutée calculée sur la base des factures initiales. S'agissant de la facture de 12 000 euros, la société n'a cependant émis qu'une facture complémentaire correspondant à la moitié de la taxe. Surtout, la circonstance que des factures complémentaires ont été émises ne saurait permettre de considérer que les parties avaient expressément convenu de faire supporter la charge de la taxe sur la valeur ajoutée au client en cas d'assujettissement de l'opération à cette taxe. En outre, l'exception au principe du calcul de taxe sur la valeur ajoutée " en dedans " invoquée par la SARL ESC ne joue que lorsque l'exigibilité de la taxe se fait au moment de l'encaissement, ce qui n'est pas le cas des prestations de service. Dès lors, c'est à bon droit que le service a calculé la taxe sur la valeur ajoutée " en dedans " en ce qui concerne à la fois les factures initiales et les factures complémentaires.
En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :
5. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
6. L'administration a remis en cause la prise en charge par la SARL Evolution Sport Conseil de frais divers générés par les déplacements de M. A..., agent de joueurs de football exerçant son activité au travers de la société MDN International, située au Cameroun, et de la société Global Consulting Agency AG, située en Suisse. Pour opérer cette remise en cause, le service s'est fondé sur le fait que M. A... n'était ni salarié, ni associé, ni dirigeant de la société, et que la société ne justifiait d'aucune contrepartie au paiement de ces factures. La société fait quant à elle valoir que M. A... est un agent de joueurs ne disposant pas de licence lui permettant de passer des contrats avec des clubs français. Elle précise que M. A... recrute des joueurs et fait ensuite appel à la société ESC afin que celle-ci signe le contrat avec le club français. Elle indique qu'en échange, M. A... perçoit une rétrocession d'honoraires et qu'il est ainsi pour elle un apporteur d'affaires. La société ESC fait valoir que la prise en charge de ces frais de déplacement est liée à cette qualité d'apporteur d'affaires de M. A.... Toutefois, la prise en charge de ces frais n'est pas prévue par les contrats qui lient les sociétés de M. A... et la société ESC. En outre, la société n'apporte aucune preuve de ce que les frais en question sont liés à des contrats signés par la SARL ESC. Enfin, si la société fait valoir que ces frais sont déduits des rétrocessions versées aux sociétés de M. A..., elle n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a remis en cause la déductibilité de ces factures.
En ce qui concerne la retenue à la source :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
7. Aux termes de l'article 182 B du code général des impôts : " I. - Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : (...) / c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France (...) ". Il résulte de ces dispositions que sont soumises à retenue à la source les sommes payées par une société qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés qui n'y disposent pas d'une installation professionnelle permanente en rémunération de prestations qui sont soit matériellement fournies en France, soit, bien que matériellement fournies à l'étranger, effectivement utilisées par le débiteur pour les besoins de son activité en France.
8. En l'espèce, la société ESC a perçu 9 % hors taxes du salaire annuel brut d'un joueur danois recruté par le club de Reims. Cette somme a été versée à la société ESC en rémunération de la prestation ayant consisté à négocier avec le joueur ce recrutement et à assister le club dans le suivi du joueur. La société ESC a ensuite reversé la moitié de cette somme sous la forme d'une rétrocession d'honoraires à la société danoise Elite Consulting en vertu d'un contrat signé entre ces deux sociétés. La société ESC fait valoir que cette rétrocession d'honoraires a été versée à la société Elite consulting car celle-ci était " propriétaire " du joueur et en raison du fait qu'elle a réalisé au Danemark les démarches nécessaires afin que le joueur puisse être transféré à un autre club. Toutefois, si la société ESC fait valoir que la société Elite consulting a réalisé l'ensemble des négociations au Danemark, il n'en demeure pas moins que cette prestation a été utilisée en France par la société ESC afin de conclure un contrat avec le club de Reims. Par suite, les conditions posées par l'article 182 B du code général des impôts étant remplies, c'est à bon droit que le service a appliqué une retenue à la source.
S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
9. La société ESC se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 230 et 250 de l'instruction administrative référencée BOI-IR-DOMIC-10-10 du 12 septembre 2012. Toutefois, le paragraphe 250 ne concerne pas la situation de la société ESC, puisqu'il fait référence aux prestations qui concourent à la réalisation d'opérations faites avec des clients étrangers. En l'espèce, la prestation de la société Elite consulting a concouru à une opération réalisée avec un client français, en l'occurrence le club de Reims. En outre, si le paragraphe 230 de l'instruction en question prévoit que la retenue à la source ne s'applique pas aux " rémunérations de démarches et diligences diverses effectuées à l'étranger ", les prestations réalisées par la société Elite consulting, sur lesquelles la société ESC n'apporte au demeurant que peu de précisions, constituent des prestations de négociation, voire de conseil, qui ne sauraient être qualifiées de " démarches et diligences diverses " au sens de cette instruction. Il suit de là que la société ESC n'est pas fondée à se prévaloir de l'interprétation administrative de la loi fiscale issue de cette instruction.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL ESC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL ESC est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée ESC et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.
Le rapporteur,
H. B...Le président,
F. Bataille
La greffière,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 19NT010826