Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 mars 2020 et le 19 juillet 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 janvier 2020 en tant qu'il n'a pas fait droit aux conclusions de sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer des visas de long séjour aux jeunes Diarou Oumou B..., Fatimata Baraye B..., Alhassane B... et Alhoussainy B... ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer ces visas ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'a cessé de jouir de sa qualité de Français depuis le 16 novembre 1987 ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la circonstance qu'a été engagée une procédure tendant à l'annulation de sa déclaration de nationalité ne fait pas obstacle à ce qu'il soit fait droit à sa demande d'injonction dès lors que sa possession d'état de Français ne saurait, au regard des dispositions de l'article 21-13 du code civil, être remise en cause.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'en regardant les conclusions de la demande comme dirigées contre la décision du ministre de l'intérieur du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Nantes s'est mépris sur l'objet des conclusions dont il était saisi.
Des observations présentées par M. B... ont été enregistrées le 7 septembre 2020.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur la régularité du jugement attaqué :
1. Le 7 décembre 2017, les autorités consulaires françaises en poste à Dakar ont refusé de délivrer des visas de long séjour aux jeunes Diarou Oumou B..., Fatimata Baraye B..., Alhassane B... et Alhoussainy B... que le requérant présente comme ses enfants. Par une décision du 15 mars 2018, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre ces refus de visa. M. B... a introduit devant le tribunal administratif de Nantes une demande, enregistrée sous le n° 1804106, tendant à l'annulation de cette décision du 15 mars 2018. Il a également saisi le juge des référés, lequel a, par une ordonnance n° 1902517 du 29 mars 2019, ordonné, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision litigieuse et enjoint au ministre de l'intérieur de statuer, à l'issue d'un nouvel examen, sur les demandes de visa présentées pour les jeunes Diarou Oumou B..., Fatimata Baraye B..., Alhassane B... et Alhoussainy B.... En exécution de cette ordonnance, le ministre de l'intérieur a, par une décision du 11 avril 2019, opposé un refus à ces demandes.
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais ". Aux termes de l'article L. 521-1 du même code : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais ".
3. Saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative d'une demande tendant à ce qu'il prononce, à titre provisoire et conservatoire, la suspension de l'exécution d'une décision administrative, le juge des référés procède, dans les plus brefs délais, à une instruction succincte, distincte de celle au vu de laquelle le juge saisi du principal statuera, pour apprécier si les préjudices que l'exécution de cette décision pourrait entraîner sont suffisamment graves et immédiats pour caractériser une situation d'urgence et si les moyens invoqués apparaissent, en cet état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision. Il se prononce par une ordonnance qui n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée et dont il peut lui-même modifier la portée au vu d'un élément nouveau invoqué devant lui par toute personne intéressée.
4. Ainsi qu'il a été dit, la demande de M. B..., enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nantes sous le n° 1804106, tendait à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 15 mars 2018. Si le ministre de l'intérieur a, sur injonction du juge des référés, pris une nouvelle décision le 11 avril 2019, celle-ci ne revêt qu'un caractère provisoire et ne s'est pas substituée à la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France dont seule l'exécution a provisoirement été suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué au principal sur les conclusions tendant à son annulation. Par suite, en s'abstenant de statuer sur les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 15 mars 2018 et en regardant cette demande comme tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Nantes s'est mépris sur la décision attaquée devant lui et a entaché son jugement d'irrégularité.
5. Il suit de là que le jugement attaqué doit être annulé. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Nantes pour qu'il statue de nouveau sur la demande de M. B....
Sur les frais liés au litige :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. B... demande, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1804106 du tribunal administratif de Nantes du 29 janvier 2020 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Nantes.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B..., au titre de la présente instance, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... B..., à Mme F... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.
Le rapporteur,
K. C...
Le président,
A. PEREZLe greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01039