Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 juin 2020, M. I... N... D..., représenté par Me Pronost, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 avril 2020 ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 20 mars 2019 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de délivrer au jeune I... O... D... le visa de long séjour sollicité, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, de lui enjoindre, dans les mêmes conditions, de réexaminer la demande de visa ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier pour avoir omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur de droit ;
- la décision contestée est entachée d'une insuffisante motivation ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance du 23 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 octobre 2020 à 12 heures en application de l'article R. 613-1 du code justice administrative.
Un mémoire a été présenté par le ministre de l'intérieur, enregistré le 5 novembre 2020, après la clôture de l'instruction.
M. I... N... D... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code civil ;
le code des relations entre le public et l'administration ;
la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. L'hirondel,
- et les observations de Me Neve, substituant Me Pronost, représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. I... N... D..., ressortissant guinéen né le 3 juillet 1986, a déclaré être entré le 3 septembre 2011 en France et s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 10 décembre 2011. Le 17 avril 2018, le jeune I... O... D..., né le 6 octobre 2003, de nationalité guinéenne, qui se présente comme son fils, a sollicité un visa de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié. Par une décision du 28 novembre 2018, les autorités consulaires françaises à Conakry ont rejeté sa demande. Par une décision du 20 mars 2019, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par M. I... N... D... contre cette décision consulaire. Le requérant a contesté cette dernière décision devant le tribunal administratif de Nantes. Par un jugement du 6 avril 2020, le tribunal administratif a rejeté sa demande. M. I... N... D... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les requérants ont soutenu que, pour l'application des dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision contestée était entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au motif notamment que ces dispositions n'interdisent pas le regroupement partiel. Les premiers juges, après avoir cité cet article ainsi que l'article L. 411-4 du même code qui n'autorise, notamment, le regroupement partiel que dans l'intérêt de l'enfant, ont retenu que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'avait entaché sa décision d'aucune erreur d'appréciation dès lors qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qu'il était de l'intérêt du jeune I... O... D... d'être séparé de sa mère et de son jeune frère. Par suite, les premiers juges, qui ont fondé leur décision sur les dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ont également implicitement mais nécessairement écarté le moyen tiré de l'erreur de droit. Il suit de là que le jugement attaqué n'est pas entaché de l'irrégularité alléguée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. Pour refuser de délivrer le visa sollicité par le jeune I... O... D..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, après avoir cité les textes pertinents sur lesquels elle se fondait, sur les motifs tiré de ce que l'acte de naissance présenté à l'appui de la demande de visa présentait un caractère apocryphe et de ce que la demande méconnaissait le principe de l'unité familiale faute d'intégrer l'enfant N... D... et la concubine du requérant. Ainsi cette décision, qui comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement est suffisamment motivée.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) II. - Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 411-4 du même code : " Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 411-1 à L. 411-3. Un regroupement partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. ". Selon l'article R. 421-3 de ce code : " Dans le cas où le regroupement sollicité n'est que partiel, la demande comporte en outre : / 1° L'exposé des motifs, tenant notamment à la santé ou à la scolarité du ou des enfants ou aux conditions de logement de la famille, qui justifient, au regard de l'intérêt du ou des enfants, que le regroupement familial ne soit pas demandé pour l'ensemble de la famille ; / 2° La liste de ceux des membres de la famille pour lesquels le regroupement familial est demandé ".
6. Il ressort des pièces du dossier que la mère du jeune I... O... D..., Mme J... M... B..., née le 8 août 1986, ainsi que son frère cadet, N... D..., né le 1er avril 2007 vivent également en Guinée alors qu'aucune demande de visa, au titre du regroupement familial, n'a été déposée les concernant. Si M. D... fait valoir que le jeune I... O... D... ne vivait plus, depuis six ans, avec sa mère et son frère et a été confié à un oncle paternel, M. H... D..., il n'apporte au soutien de son allégation aucun élément de nature à en établir le bien-fondé. En particulier, ni les attestations de Mme E... B... et de M. G... D..., qui ne sont pas circonstanciées et accompagnées d'aucun justificatif, ni les circonstances que l'engagement de la vérification d'état civil par les autorités consulaires françaises à Conakry a été notifié à M. H... D... et que la demande de jugement supplétif d'acte de naissance de l'enfant a été engagée par M. I... N... D... ne permettent d'établir que l'enfant a été pris en charge par son oncle depuis plus de 6 ans alors, qu'au surplus, l'enfant a mentionné, dans sa demande de visa, une adresse identique à celle de sa mère. En outre, selon le jugement de délégation d'autorité parentale du tribunal de première instance de Conakry 2 du 23 mars 2018, l'action a été engagée au seul motif que Mme B... ne dispose pas de ressources suffisantes pour subvenir aux besoins essentiels de ses enfants sans que le nom de M. H... D... apparaisse. Alors même que le requérant et Mme B... auraient refait leur vie chacun de leur côté et que Mme B... a délégué l'autorité parentale sur l'enfant suivant le jugement précité du tribunal de première instance de Conakry 2, dont il ne ressort pas au demeurant qu'elle aurait été déchue de l'autorité parentale, M. D... n'expose aucun motif pour lequel il serait dans l'intérêt de l'enfant d'être séparé de sa mère et de son frère cadet et d'être éloigné de son pays d'origine dans lequel il a toujours vécu. Notamment, alors que le jeune I... O... D... a indiqué dans sa demande de visa, comme activité professionnelle, être intérimaire, le requérant n'établit pas les conditions précaires dans lesquelles il vivrait en Guinée et ne justifie pas, en outre, avoir gardé depuis son arrivée en France des liens affectifs avec l'enfant à défaut de produire, par exemple, des échanges épistolaires ou électroniques, ou de justifier avoir contribué à son éducation et à son entretien de manière continue, les premiers transferts d'argent présentés comptant à courir à partir du 11 décembre 2018. Il suit de là que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu, sans faire une inexacte application des dispositions précitées ni méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rejeter la demande de visa litigieuse au motif qu'elle rompait le principe d'unité familiale. Il résulte de l'instruction que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision en ne se fondant que sur ce seul motif.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E:
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. I... N... D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pérez, président,
Mme Douet, présidente-assesseur ;
M. L'hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 janvier 2021.
Le rapporteur,
M. L'HIRONDELLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01731