4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a pas disposé du temps nécessaire pour préparer les observations qu'elle entendait formuler devant la commission départementale de la nature, des paysages et des sites qui s'est réunie le 16 juin 2020 et a, ainsi, été privée d'une garantie ;
- le préfet de l'Orne s'est à tort cru lié par l'avis de l'architecte des bâtiments de France et ainsi méconnu l'étendue de sa compétence ;
- il ne pouvait se fonder sur l'avis émis le 17 janvier 2019 par la présidente du parc naturel régional Normandie Maine, lequel ne reflète que l'avis personnel de cette dernière et non le résultat d'une décision collective ;
- les motifs de l'arrêté tenant à la circonstance que seules quatre communes concernées par le projet ont émis un avis favorable et au sens défavorable de l'avis émis, sous l'influence de l'association " la colère d'Eole ", par l'une des deux communes d'implantation témoignent de l'opposition de principe du préfet et de son manque d'objectivité évident ;
- l'appréciation de l'impact du projet sur le château de Carrouges et son domaine ainsi que de l'atteinte portée au paysage, aux corridors écologiques, à la biodiversité et aux espèces protégées est erronée ;
- contrairement à ce qu'a estimé le préfet, les mesures de compensation prévues par le projet sont suffisamment précisées quant à leurs modalités de mise en oeuvre ;
- il appartenait à l'autorité préfectorale de prescrire elle-même, si elle l'estimait nécessaire, les mesures complémentaires propres à assurer la mise en oeuvre effective de ces mesures de compensation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2020, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la société Ferme éolienne du Germancé.
Une note en délibéré présentée par la société Ferme éolienne du Germancé a été enregistrée le 1er février 2021.
Considérant ce qui suit :
1. La société Ferme éolienne du Germancé a déposé, le 17 août 2018, une demande d'autorisation unique portant sur la création d'un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs et deux postes de livraison sur le territoire des communes de Ciral et Saint-Ellier-des-Bois. Par un arrêté du 26 juin 2020, le préfet de l'Orne a rejeté sa demande. La société Ferme éolienne du Germancé demande à la cour d'annuler cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 341-25 du code de l'environnement : " " Lorsque la commission ou l'une de ses formations spécialisées est appelée à émettre un avis sur une affaire individuelle, la personne intéressée est invitée à formuler ses observations. (...) ".
3. D'une part, il résulte de l'instruction que, par un courrier adressé par voie électronique le 5 juin 2020 puis un second courrier adressé le 8 juin 2020 également par voie électronique, la pétitionnaire a été informée, d'une part, de la réunion de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites prévue le 16 juin suivant et, d'autre part, de la possibilité de s'y faire entendre et de formuler des observations. La société Ferme éolienne du Germancé a eu connaissance de ces courriers au plus tard le 11 juin 2020, date à laquelle son représentant a signé le coupon réponse renvoyé au secrétariat de la commission. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que n'ayant reçu, par la voie postale, le courrier ci-dessus mentionné du 8 juin 2020 que le 15 juin 2020, soit la veille de la séance, elle n'aurait pas été mise à même de préparer utilement les observations qu'elle entendait formuler devant la commission.
4. D'autre part, alors que le compte-rendu de la réunion de la commission fait apparaître que M. C... et M. A..., représentant la pétitionnaire, se sont exprimés à plusieurs reprises devant les membres de la commission, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction qu'il ne leur aurait pas été permis de commenter le support visuel qu'ils avaient transmis au secrétariat, lequel a été communiqué aux membres de la commission.
5. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas de la circonstance que l'arrêté attaqué se réfère dans ses motifs à l'avis consultatif défavorable de l'Architecte des Bâtiments de France (ABF) et est, en partie, motivé exactement dans les mêmes termes que ceux de cet avis, que le préfet de l'Orne se serait abstenu de porter une appréciation propre sur les impacts du projet sur le patrimoine et le paysage. Le moyen tiré de ce qu'il aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence doit, dès lors, être écarté.
6. En troisième lieu, d'une part, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction et notamment pas de la motivation de l'arrêté attaqué, que le préfet de l'Orne aurait manqué d'objectivité dans l'examen de la demande de la société requérante ni que sa décision serait fondée sur une opposition de principe au projet et non sur les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement dont il doit assurer la préservation. D'autre part, pour rejeter la demande d'autorisation de la société Ferme éolienne du Germancé, le préfet s'est notamment fondé sur les observations adressées au commissaire enquêteur par la présidente du Parc naturel régional (PNR) Normandie-Maine et sur l'avis défavorable émis par le conseil municipal de Saint-Ellier-les-Bois. La société requérante ne précise pas quelle disposition ou quel principe aurait fait obstacle à ce que la présidente du PNR présentât, spontanément et en cette qualité, des observations au cours de l'enquête publique, sans justifier d'un vote ou d'une décision collective émanant du parc. Ensuite, s'il résulte de l'instruction que la présidente du PNR Normandie-Maine a signé, en son nom personnel, une pétition s'opposant au projet de la pétitionnaire, cette seule circonstance ne suffit pas à regarder les observations formulées devant le commissaire enquêteur comme traduisant un parti pris personnel et non les intérêts défendus par le PNR. Par ailleurs, la société requérante fait valoir que trois des conseillers municipaux ayant délibéré sur l'avis recueilli auprès de la commune de Saint-Ellier-des-Bois sont les président, secrétaire et trésorier de l'association " Colère d'Eole ", opposée au projet et que cette association avait organisé une importante manifestation à ce sujet quelques jours avant la tenue du conseil municipal à l'issue duquel l'avis défavorable a été émis. Toutefois, ces éléments ne permettent pas, en l'espèce, de regarder l'avis en cause comme intervenu dans un climat de pression privant les membres du conseil municipal de la sérénité et de la liberté nécessaires à l'exercice de leur mandat. Il s'ensuit qu'en s'appuyant, pour apprécier les impacts du projet, sur les observations de la présidente du PNR Normandie-Maine et sur l'avis défavorable du conseil municipal de Saint-Ellier-les-Bois, le préfet de l'Orne n'a pas entaché sa décision d'illégalité. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Orne ne pouvait légalement se fonder sur des " avis inopérants " ne peut qu'être écarté.
7. En quatrième lieu, l'article L. 181-3 du code de l'environnement dispose que " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients (...) soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, (...) soit pour la conservation des sites et des monuments(...). ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. / L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. (...) ".
8. Pour statuer sur une demande d'autorisation d'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement, il appartient au préfet de s'assurer que le projet ne méconnaît pas, notamment, l'exigence de conservation des sites, des monuments ainsi que de protection des paysages, prévue par l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
9. D'abord, il résulte de l'instruction que la zone d'implantation potentielle du projet, constituée de parcelles agricoles, de prairies et d'espaces boisés, est située dans le coeur du PNR Normandie-Maine et est entourée de massifs boisés, dont la forêt d'Ecouves, la Butte Chaumont, la forêt de Multonne et la forêt de la Monnaie. Le " bassin visuel " formé par ces massifs accueille, en particulier, le Mont des Avaloirs, point culminant de l'ouest de la France et site emblématique du PNR Normandie-Maine, qui présente un belvédère depuis lequel s'ouvre une vue à 360 degrés sans discontinuité du paysage bocager. Ce territoire, qui correspond à l'aire intermédiaire retenue par l'étude d'impact, offre de nombreuses autres vues panoramiques. D'ailleurs, plusieurs chemins de grande randonnée le traversent avec, selon le volet paysager de l'étude d'impact, " quelques points de vue dégagés offrant des panoramas sur le paysage lointain ". En outre, le site est caractérisé par l'existence de plusieurs vallées, notamment la vallée du Sarthon qui forme un axe structurant du paysage. L'espace considéré, traversé de quelques infrastructures routières et électriques, n'est pas investi par l'éolien, le parc le plus proche se situant à plus de douze kilomètres et en dehors du bassin visuel mentionné ci-dessus dont les lignes de crêtes boisées barrent les vues lointaines.
10. Il résulte de l'instruction que, compte tenu de son implantation sur un plateau relativement haut séparant la vallée du Gué Chartier et la vallée du Sarthon, au coeur du " bassin visuel " évoqué précédemment, le projet de parc éolien, composé de 5 aérogénérateurs d'une hauteur de 150 mètres en bout de pâle, impactera les vues panoramiques depuis les versants de ces vallées qui font face au plateau mais aussi depuis les vallées de la Doucelles et de l'Udon, vues qui constituent le paysage pittoresque du quotidien pour une partie des habitants des villages. En outre, le projet sera entièrement perceptible depuis le Mont des Avaloirs alors que le paysage qu'offre ce site est, dans la direction du projet, dépourvu de toute éolienne. Il est manifeste que le projet, qui est susceptible de devenir l'élément visuel le plus haut du site, constituera un " nouveau point d'appel dans le paysage ". Alors même que l'étude paysagère jointe à la demande conclut à l'absence d'effet d'écrasement sur les vallées et d'étalement depuis le Mont des Avaloirs et que la pétitionnaire aurait retenu l'axe de positionnement des éoliennes le mieux à même d'insérer le projet dans les lignes de force du paysage, en particulier les lignes de relief et les voies de communication, le projet porte une atteinte significativement dommageable aux paysages.
11. Ensuite, le Château de Carrouges, monument historique classé, ainsi que les jardins et les abords de ce château, inscrits à l'inventaire des sites, sont situés en fond de vallée, à environ 5,4 kilomètres à l'ouest du projet. Il résulte tant de l'étude d'impact que de l'avis de l'ABF que ces éléments patrimoniaux et le projet seront visibles en même temps depuis l'entrée ouest de Carrouges. Il résulte également de l'instruction que, contrairement aux conclusions de l'étude paysagère, la trame bocagère ne supprime pas véritablement l'intervisibilité depuis l'entrée ouest du hameau de l'Augrumière, entre le projet et le châtelet d'entrée particulièrement reconnaissable avec ses quatre tourelles circulaires. L'ABF a, en outre, indiqué dans son avis défavorable que ces monuments bénéficient d'un " cadre paysager actuel (...) très préservé, avec un panorama très large, avec une succession de plans qui créent une profondeur de champ, l'ensemble constituant un écrin remarquable pour le château ". Il résulte ainsi de l'instruction qu'en dépit d'une absence de concurrence visuelle, le projet induirait une rupture particulièrement dommageable dans la perception du Château et de ses abords.
12. Il suit de là que, compte tenu des inconvénients que présente le projet sur le paysage et la conservation des sites et monuments, du fait de sa localisation au sein d'un site présentant des qualités paysagères et patrimoniales remarquables et dont le relief spécifique rend la zone d'implantation particulièrement visible, en refusant de délivrer à la société Ferme éolienne du Germancé une autorisation environnementale, le préfet de l'Orne n'a pas fait une inexacte application des dispositions des articles L. 511-1 et L. 511-2 du code de l'environnement.
13. Enfin, il résulte de l'instruction que le préfet de l'Orne aurait, en se fondant sur les seules atteintes portées au patrimoine et au paysage, pris la même décision. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les moyens tirés des erreurs commises dans l'appréciation des impacts du projet sur la biodiversité et les espèces protégées et de la suffisance des mesures compensatoires prévues ni sur le moyen tiré de ce qu'il appartenait au préfet de prescrire les mesures propres à assurer la mise en oeuvre effective de ces mesures de compensation.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ferme éolienne du Germancé n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 26 juin 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins de délivrance de l'autorisation sollicitée, d'injonction sous astreinte et de mise à la charge de l'Etat d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Ferme éolienne du Germancé est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme éolienne du Germancé et au ministre de la transition écologique.
Copie sera en outre adressée pour son information au préfet de l'Orne.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pérez, président de chambre,
Mme Douet, président assesseur,
Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 février 2021.
Le rapporteur,
K. D...
Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02661