Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 novembre 2015, M. C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er octobre 2015 ;
2°) d'annuler la décision du 23 avril 2013 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder la nationalité française sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2400 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- le ministre n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation, en ce que son identité avait été usurpée et qu'il n'avait pu être l'auteur de la fraude reprochée, ce que le ministre a reconnu ; que la proposition de substitution de motifs du ministre, selon lequel il avait méconnu ses obligations déclaratives auprès de la mutualité sociale agricole, puisque l'un de ses salariés ne bénéficiait d'aucune couverture sociale, doit être écartée, dès lors d'une part, que la cour administrative d'appel de Bordeaux a, par arrêt du 12 novembre 2013, annulé la décision refusant sa demande d'introduction de main d'oeuvre étrangère compte tenu d'un défaut d'application de la réglementation sociale par l'employeur, d'autre part, qu'il n'a été nommé gérant que postérieurement aux faits reprochés, le 1er décembre 2008.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2015, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et renvoie à ses écritures de première instance qu'il reprend subsidiairement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Millet.
1. Considérant que M. C..., ressortissant marocain, relève appel du jugement du 1er octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 avril 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;
3. Considérant que pour maintenir la décision de rejet de la demande de naturalisation de M. C..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé avait été l'auteur d'une fraude le 2 mars 2007 au profit d'un salarié d'une société dont il était le gérant non-salarié ;
4. Considérant qu'il ressort d'un courrier du 2 septembre 2011 du procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Auch que l'enquête pénale diligentée à l'encontre du requérant a été classée sans suite, M. C...ayant été victime d'une usurpation d'identité ; que, par suite, le motif de rejet de la demande de naturalisation retenu par le ministre de l'intérieur est entaché d'erreur de fait ;
5. Considérant toutefois que le ministre a demandé aux premiers juges que soit substitué un nouveau motif, tiré de ce que le comportement de M.C..., en sa qualité de gérant, était sujet à critiques au regard de la législation du travail et de la protection sociale ; que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision, sous réserve toutefois que la substitution de motifs ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;
6. Considérant qu'il est reproché au requérant d'avoir méconnu ses obligations déclaratives auprès de la Mutualité Sociale Agricole ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier et notamment de l'historique des inscriptions modificatives au registre du commerce et des sociétés par le greffe du tribunal de commerce d'Auch, produit pour la première fois en appel, que M. C...n'a exercé la qualité de gérant de la société Compagnie Gasconne des Bois et Forêts qu'à compter du 1er décembre 2008, soit postérieurement aux faits reprochés ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant que le présent arrêt implique que le ministre de l'intérieur se prononce à nouveau sur la demande présentée par M. C... ; qu'il y a lieu, dès lors, d'adresser une injonction en ce sens au ministre de l'intérieur, qui disposera d'un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt pour procéder à un nouvel examen de cette demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 1er octobre 2015 et la décision du 23 avril 2013 du ministre de l'intérieur sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de naturalisation de M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. C...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président assesseur,
- Mme Buffet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 décembre 2016.
Le rapporteur,
J-F. MILLETLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 15NT03637