Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 février 2016, Mme D..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 24 septembre 2015 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 11 mai 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loir-et-Cher de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de réexaminer son dossier dans le délai d'un mois et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que toute sa famille proche vit en France depuis longtemps ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est dépourvue de base légale dès lors que le refus de titre de séjour est illégal ; elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et sur celle de sa famille : elle et son époux disposent chacun d'une promesse d'embauche, elle n'a pas d'attaches en Espagne et risque d'y vivre en situation de précarité eu égard à la situation économique de ce pays.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2016, le préfet de Loir-et-Cher conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 21 décembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Millet.
1. Considérant que Mme D..., ressortissante marocaine, relève appel du jugement du 24 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2015 par lequel le préfet du Loir-et-Cher lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'accord franco-marocain et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de MmeD... ; qu'il mentionne également les conditions d'entrée et de séjour sur le territoire français de MmeD..., indique que l'intéressée est titulaire d'une carte de résident espagnole et que la cellule familiale composée du couple et de trois enfants peut se reconstituer en Espagne ; que par suite, l'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté doit être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " I.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ... 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si la belle-famille de Mme D... est établie en France, où vivent ses beaux-parents, beaux-frères et belles-soeurs, où est né son dernier enfant en 2013, et où ses trois enfants sont scolarisés, l'intéressée est entrée pour la première fois sur le territoire français à l'âge de 31 ans en 2013, titulaire d'une carte de séjour valable jusqu'en juillet 2013 délivrée par l'Espagne, pays où elle a vécu jusqu'en 2013 et dans lequel il n'est pas établi que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer dès lors que son conjoint, de même nationalité, en situation irrégulière sur le territoire français, fait également l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'il n'est pas davantage établi que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer au Maroc, pays dont M. et Mme D...ont la nationalité et que l'intéressée est dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour contesté porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis et méconnaîtrait par suite les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;
5. Considérant, en troisième lieu, que, dès lors que la décision de refus de séjour opposée à Mme D... n'est pas illégale, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision d'obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990, " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
7. Considérant que la requérante n'établit pas que ses enfants seraient dans l'impossibilité d'être scolarisés en Espagne ou dans son pays d'origine ; que rien ne s'oppose à ce qu'ils repartent avec elle et son époux en Espagne ou au Maroc, où leur scolarité pourra être poursuivie ; que, dès lors, le préfet du Loir-et-Cher n'a pas méconnu les stipulations précitées ;
8. Considérant, en dernier lieu, que MmeD..., titulaire d'une carte de séjour espagnole, a vécu en Espagne avec sa famille jusqu'en 2013 ; que dans ces conditions, le préfet n'a pas entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire française d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de MmeD... ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
10. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme D..., ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...épouse D...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet du Loir-et-Cher.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président assesseur,
- Mme Buffet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 décembre 2016.
Le rapporteur,
J-F. MILLETLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 16NT004492