Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire et des mémoires enregistrés les 20 septembre 2016, 21 novembre 2016, 15 février 2017 et 3 janvier 2019, Mme D...F..., représentée par Me B..., demande à la cour en l'état de ses dernières écritures :
1°) d'annuler ce jugement du 20 juillet 2016 ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 3 avril 2014 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, au consul général de France à Yaoundé de délivrer le visa de long séjour sollicité à son fils allégué, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
l'acte de naissance de son fils Raymond Leonel C...a été reconstitué par un jugement supplétif du 26 août 2011 du tribunal de première instance de Djoum ;
contrairement à ce qu'a retenu la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, le lien de filiation est établi conformément aux dispositions de l'article 41 de l'ordonnance n°81-02 du 29 juin 1981 portant organisation de l'état civil au Cameroun ;
la possession d'état est établie dès lors qu'elle contribue à l'entretien et à l'éducation de son fils ainsi qu'en attestent les pièces communiquées ;
si la cour l'estime utile, elle est prête à se soumettre et à prendre à ses frais une expertise génétique destinée à établir le lien de filiation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme F...n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code civil ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeF..., de nationalité camerounaise, a formé, le 4 mars 2014 un recours devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contre le refus opposé par les autorités consulaires françaises à Yaoundé à la demande de délivrance d'un visa de long séjour à M. H...C..., né le 9 octobre 1997 à Djoum (Cameroun), qu'elle présente comme son fils. Le recours de l'intéressée devant la commission a fait l'objet d'une décision de rejet du 3 avril 2014. Mme F... relève appel du jugement du 20 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande dirigée contre cette dernière décision.
2. En premier lieu, l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
3. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
4. Aux termes de l'article 34 de l'ordonnance n° 81/02 du 29 juin 1981 portant organisation au Cameroun de l'état civil et diverses dispositions relatives à l'état des personnes physiques : " (1) L'acte de naissance doit énoncer : / - les date et lieu de naissance ; / - les noms et prénoms, âge, profession, domicile ou résidence du père et de la mère ; /- éventuellement les noms, prénoms et domicile ou résidence des témoins. (...) / (3) Lorsque les informations relatives au père ou à la mère ne sont pas connues, aucune mention n'est portée à la rubrique correspondante de l'acte de naissance (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de la demande de visa faite au nom du jeune H...C...a été produit l'acte de naissance n°1276/2011 dressé le 21 décembre 2011 par l'officier d'état civil de Djoum-Ville au vu du jugement supplétif n°3578/P.D/S.P/ rendu le 26 août 2011 par le tribunal de première instance de Djoum. Toutefois, et ainsi que le fait valoir le ministre, l'acte de naissance n'est pas conforme au jugement qu'il vise pour comporter des mentions qui sont inexistantes dans ce jugement, telles la date de naissance, la profession et le domicile de la mère. En outre, Mme F...a également produit plusieurs autres actes de naissance de l'enfant, dont l'un, qui porte le n°1220/2011, a été dressé le même jour et par le même officier d'état-civil, au vu d'un autre jugement supplétif, portant le n°3017/P.D/S.P/, rendu le 25 août 2011 par le même tribunal de première instance de Djoum. Selon le jugement de ce tribunal du 4 septembre 2014, transmis par la requérante, tant le jugement supplétif du 25 août 2011 que l'acte de naissance n°1220/2011 sont des faux. Par ailleurs, Mme F... a aussi produit un jugement supplétif n°1220/PD du 21 décembre 2011 portant reconstitution de l'acte de naissance rendu, là encore, le 21 décembre 2011. Toutefois, le retour de levée d'acte des autorités consulaires a permis d'établir que le jugement portant ce numéro concerne une tierce personne et, par suite, son caractère inauthentique. Dans ces conditions, eu égard, d'une part, à la discordance entre l'acte de naissance et le jugement supplétif qui lui sert de fondement et, d'autre part, la présentation de deux actes de naissance dressés le même jour par le même officier d'état civil, dont le caractère inauthentique de l'un est au moins avéré, l'acte de naissance n°1276/2011 ne saurait établir de manière suffisamment probante la filiation de l'enfant avec la requérante.
6. En second lieu, Mme F...soutient qu'elle doit être regardée comme justifiant de l'existence d'une possession d'état. Toutefois, les éléments qu'elle a produits, à savoir trois photographies du jeune H...C..., et des preuves d'envois d'argent au Cameroun à compter de 2008 à une fréquence variable au bénéfice de MmeE..., qu' elle présente, sans l'établir, comme la tante de l'enfant qui l'aurait accueilli suite à son départ, ne suffisent pas, en tout état de cause, à établir à son profit l'existence d'une possession d'état, laquelle se doit de présenter notamment un caractère continu, dès lors que Mme F...réside en France depuis octobre 2004. Pour le même motif, les relevés de communication via Internet entre Mme F...et son fils allégué, qui commencent à compter de 2012, ne peuvent davantage établir le maintien d'une relation continue entre eux. Enfin, les attestations insuffisamment circonstanciées produites par des personnes qui l'ont connue pendant sa grossesse ou qui auraient assisté à son accouchement, ne sont pas de nature à établir cette preuve. Par suite, Mme F... ne peut, contrairement à ce qu'elle soutient, être regardée comme justifiant d'une possession d'état.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et alors qu'il n'appartient pas au juge administratif d'ordonner une expertise génétique destinée à établir le lien de filiation, que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...F...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pérez, président,
M. A...'hirondel, premier conseiller,
M. Giraud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 juin 2019.
Le rapporteur,
M. G...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT03201