2°) d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé devant elle contre la décision datée du 1er mars 2015 du consul général de France à Addis-Abeba (Ethiopie) par laquelle il a rejeté la demande de visa de long séjour présentée par M. D... en tant que membre de famille d'un réfugié statutaire ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité ou, subsidiairement de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé sous astreinte de 100 par jour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me C..., au titre des frais exposés en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- l'autorité administrative n'a pas procédé à un examen approfondi de la situation de M. D... ;
- le tribunal administratif a commis une erreur de fait ;
- la décision contestée méconnaît l'article L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- une erreur manifeste d'appréciation a été commise.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 juin 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Mme E... F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
-la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... F..., ressortissante érythréenne née le 10 février 1978, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié le 27 juillet 2011. La demande de visa de long séjour présentée le 14 octobre 2015 par M. A... D..., son fils allégué, né le 21 janvier 1998, a été rejetée par le consul général de France à Addis-Abeba (Ethiopie) par une décision portant la date du 1er mars 2015. Le recours formé le 11 avril 2016 par Mme E... F... et M. D... a été implicitement rejeté par la commission de recours contre les refus de visas. Par un jugement du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le recours dirigé contre la décision de la commission de recours contre les refus de visas. Mme E... F... et M. D... relèvent appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familial. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié (...) peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. (...) / II.- Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. / La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. / Les membres de la famille d'un réfugié (...) sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) " et aux termes de l'article L. 411-4 du même code : " L'enfant pouvant bénéficier du regroupement familial est celui qui répond à la définition donnée au dernier alinéa de l'article L. 314-11. / Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 411-1 à L. 411-3. Un regroupement partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. "
3. Le principe d'unité de la famille, principe général du droit applicable aux réfugiés résultant notamment des stipulations de la convention de Genève du 28 juillet 1951, impose, en vue d'assurer pleinement au réfugié la protection prévue par cette convention, que la même qualité soit reconnue aux enfants mineurs de ce réfugié. Si en principe, la réunification familiale doit concerner l'ensemble de la famille du réfugié qui demande à en bénéficier, une réunification partielle peut être autorisée si l'intérêt de l'enfant au bénéfice duquel la mesure est sollicitée le justifie. Un tel visa ne peut être refusé que pour un motif d'ordre public au titre desquels figurent le défaut de valeur probante des documents destinés à établir le lien de filiation entre le demandeur du visa et le membre de la famille qu'il projette de rejoindre sur le territoire français ainsi que le caractère frauduleux des actes d'état civil produits
4. Mme E... expose que le caractère partiel de la demande de réunification familiale est justifié par le fait que le jeune A..., qui effectuait son service national dans les rangs de l'armée érythréenne a, en 2015, pu sortir du pays à la faveur d'une affectation près de la frontière éthiopienne et que ses trois autres enfants étaient alors confiés à la garde de sa mère puis, après le décès de celle-ci survenu le 16 septembre 2014, à sa soeur ainsi qu'il en est attesté par cette dernière le 7 février 2019.
5. Le ministre ne conteste ni la valeur probante des documents fournis par Mme E... pour établir le lien de filiation avec le jeune A..., ni la teneur de l'acte de naissance de ce dernier, ces documents étant en concordance avec les indications portées dans la fiche familiale d'état civil destinée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Par ailleurs, l'intéressée, outre la production de quelques photographies, justifie avoir envoyé de nombreux mandats à l'attention de son fils et avoir effectué un voyage en Ethiopie en octobre 2015. Ainsi, la circonstance que la demande de visa n'ait concerné que le fils aîné de la requérante, séparé de sa fratrie et qui d'ailleurs s'est vu délivrer en 2010 selon le calendrier éthiopien par le service de renseignement national et sécurité pour l'administration des affaires des réfugiés/rapatriés, une attestation précisant qu'il a le statut de réfugié Erythréen et peut résider en Ethiopie jusqu'en 2011, toujours selon ce calendrier, pour effectuer des démarches de regroupement familial en vue de partir à l'étranger, ne saurait légalement, eu égard au motif retenu par la décision de la commission de recours contre les refus de visas en litige, régulièrement justifier le refus de visa opposé.
6. Il résulte de ce qui précède, alors qu'aucun autre moyen n'est de nature à entraîner l'annulation de la décision contestée, que Mme E... F... et M. D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard au motif de l'annulation prononcée, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, que le ministre de l'intérieur, délivre à M A... D..., dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, un visa de long séjour.
Sur les frais liés au litige :
8. Mme E... F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de celui-ci, le versement à Me C... de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 décembre 2018 et la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visas née le 11 juin 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, de délivrer à M. A... D... un visa de long séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me C..., une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... E... F..., à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019, où siégeaient :
- M. Perez, président de chambre,
- Mme B..., président assesseur,
- M. Giraud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 septembre 2019
Le rapporteur,
C. B...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT00639