- le projet n'est conforme ni à l'objectif d'aménagement du territoire ni à celui de développement durable, prévus à l'article L. 752-6 du code de commerce ; il présente des risques en termes de sécurité ;
- aucun des éléments avancés par la société La Rochefortaise ne justifie que lui soit infligée une amende pour recours abusif.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 octobre 2018 et le 15 novembre 2018, la société civile immobilière (SCI) La Rochefortaise, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête, à la mise à la charge de la société requérante d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'à sa condamnation à payer l'amende, prévue à l'article R. 741-12 de ce code, pour un montant de 3 000 euros.
Elle fait valoir que :
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;
- le requête formée présente un caractère abusif justifiant la condamnation de son auteur à payer l'amende prévue à l'article R. 741-12 du code de justice administrative.
Un mémoire en production de pièces, présenté par la commission nationale d'aménagement commercial, a été enregistré le 28 août 2018.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office et tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la SCI La Rochefortaise tendant à la condamnation de la société requérante au paiement de l'amende prévue à l'article R. 742-12 du code de justice administrative.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
- les observations de MeA..., substituant Me D...et représentant la SAS Sud B...Distribution et les observations de MeE..., substituant Me C...et représentant la SCI La Rochefortaise.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Sud B...Distribution demande à la cour d'annuler la décision du 7 juin 2018 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la société civile immobilière (SCI) La Rochefortaise à exploiter, dans des locaux autrefois affectés à des magasins de commerce de détail dont l'activité a depuis lors cessé, deux cellules commerciales d'une surface de vente respective de 1000 et 700 mètres carrés, au sein de la zone d'activités économiques de Saint-Médard-des-Prés située sur le territoire de la commune de Fontenay-le-Comte (B...).
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / 1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ; / 2° L'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet. (...) ; / 3° Tout changement de secteur d'activité d'un commerce d'une surface de vente supérieure à 2 000 mètres carrés. (...) ; / 4° La création d'un ensemble commercial tel que défini à l'article L. 752-3 et dont la surface de vente totale est supérieure à 1 000 mètres carrés ; / 5° L'extension de la surface de vente d'un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet ; / 6° La réouverture au public, sur le même emplacement, d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés dont les locaux ont cessé d'être exploités pendant trois ans (...) ; 7° La création ou l'extension d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile. (...). ".
3. L'article L. 750-1 du code de commerce dispose : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés. ". En application des dispositions de l'article L. 752-6 de ce code, les commissions d'aménagement commercial examinent, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1, les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Il leur appartient alors d'apprécier la conformité du projet aux objectifs énoncés par le législateur aux articles L. 750-1 et L. 752-6 au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
En ce qui concerne l'aménagement du territoire :
4. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " (...) / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / (...) ".
5. D'une part, l'autorisation attaquée porte sur l'exploitation de deux cellules commerciales au sein d'un bâtiment commercial existant et, en partie, vacant, implanté dans la zone d'activités économiques de Saint-Médard-des-Près, située au sud de la commune de Fontenay-le-Comte. Ce secteur, classé en zone Uec du plan local d'urbanisme, accueille plusieurs commerces dont un hypermarché ainsi que des services. Les habitations les plus proches sont distantes de 500 et 750 mètres du projet et plusieurs équipements publics se situent à moins d'un kilomètre. Le projet, qui porte sur la réhabilitation d'une friche commerciale, est de nature à redynamiser une zone commerciale connaissant un taux de vacance de plus de 8 %, tout en évitant un étalement ou une dispersion de l'équipement commercial sur le territoire.
6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la commune de Fontenay-le-Comte, qui constitue la principale commune de la zone de chalandise du projet, connaît, en particulier dans son centre ville, un phénomène de dévitalisation commerciale, caractérisé notamment par un taux de vacance commerciale de 11,7 %, qui a d'ailleurs justifié l'attribution entre 2011 et 2016 de subventions par le fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) ainsi que sa participation au programme national " Action Coeur de ville ", mis en place en 2018 et ayant pour objet de renforcer l'attractivité et le dynamisme des centres en ville. Par ailleurs, a été observée à Fontenay-le-Comte une diminution de la population de -1,1 % entre 1999 et 2015 et de - 5 % entre 2006 et 2015. Toutefois, en dépit de la fragilité certaine du tissu commercial de la commune, les éléments versés au dossier ne suffisent pas, compte tenu de la nature et de l'ampleur du projet, lequel porte sur l'ouverture d'un commerce de détail hard discount non alimentaire pour une surface de vente de 1 000 mètres carrés et d'une seconde cellule commerciale dédiée au secteur 2 non alimentaire, et alors que la population à l'échelle de la zone de chalandise a progressé de 10,9 % entre 1999 et 2015, à démontrer que celui-ci compromettrait les chances de succès des actions entreprises en vue de la sauvegarde de l'animation de la vie urbaine de Fontenay-le-Comte et du rétablissement d'équilibres territoriaux.
7. Enfin, s'il est constant que le projet ne prévoit ni l'aménagement de pistes cyclables et de cheminements piétonniers ni l'installation d'un garage pour les deux-roues et de stations de rechargement pour les véhicules électriques, il est toutefois accessible aux piétons, ainsi que le relève le rapport d'instruction de la commission nationale d'aménagement commercial, du fait de l'existence de trottoirs et de passages protégés le long des rues Louis Auber, Raymond Vinet et Louis Capelle.
8. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'objectif lié à l'aménagement du territoire doit être écarté.
En ce qui concerne le développement durable :
9. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " (...) / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / (...) / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / (...) ". Les projets concernés par les dispositions du 2° de l'article L. 752-1 portent sur l'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet.
10. Il résulte de ces dispositions que les critères relatifs à la qualité environnementale et à l'insertion paysagère et architecturale, énoncés aux a et b du 2° de l'article L. 752-6 du code de commerce, permettent d'apprécier la conformité à l'objectif de développement durable des projets d'implantation, extension ou transfert d'activités commerciales dont la réalisation implique l'édification d'une construction nouvelle ou d'une extension de surface de vente.
11. Le projet litigieux porte sur la réouverture au public de cellules commerciales au sein d'un bâtiment existant dont aucune extension n'est prévue. Par suite, la SAS Sud B...Distribution ne peut utilement invoquer la méconnaissance des a et b du 2° de l'article L. 752-6 du code de commerce.
En ce qui concerne la protection des consommateurs :
12. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " (...) / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. ".
13. D'une part, le projet, implanté au sein d'une zone commerciale qu'il vocation à redynamiser et situé à 500 et 750 mètres des habitations les plus proches, présente, contrairement à ce que soutient la requérante, une proximité suffisante par rapport aux lieux de vie. D'autre part, alors que le dossier de la demande d'autorisation indique que les livraisons auront lieu en dehors des horaires d'ouverture, la SAS Sud B...Distribution n'apporte aucun élément tangible de nature à établir que le projet présenterait un risque pour la sécurité des clients. Dès lors, la décision attaquée ne méconnaît pas l'objectif de protection des consommateurs.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Sud B...Distribution n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision de la commission nationale d'aménagement commercial du 7 juin 2018.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative :
15. En vertu de l'article R. 741-12 du code de justice administrative, le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende. La faculté prévue par cet article constitue un pouvoir propre du juge. Dès lors, les conclusions de la SCI La Rochefortaise tendant à ce que la SAS Sud B...Distribution soit condamnée à payer une telle amende ne sont pas recevables et doivent, par suite, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mise à la charge de la SCI La Rochefortaise, laquelle n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la SAS Sud B...Distribution au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière le versement à la SCI La Rochefortaise d'une somme de 1 000 euros au titre des frais de même nature qu'elle a supportés.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Sud B...Distribution est rejetée.
Article 2 : La SAS Sud B...Distribution versera à la SCI La Rochefortaise la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la SCI La Rochefortaise est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Sud B...Distribution, au ministre de l'économie et des finances (commission nationale d'aménagement commercial) et à la société civile immobilière La Rochefortaise.
Délibéré après l'audience du 5 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Brisson, président assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 mars 2019.
Le rapporteur,
K. BOUGRINE
Le président,
A. PEREZLe greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT02899