Par une décision nos 423681, 423721 du 18 décembre 2019 le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 28 juin 2018 en tant qu'il a limité à hauteur de 50 % la part de responsabilité de la commune de L'Aiguillon-sur-Mer et qu'il a limité à 76 211 euros le préjudice subi par la société LDA au titre de l'indemnisation des frais d'acquisition des parcelles et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour administrative d'appel de Nantes, au greffe de laquelle elle a été enregistrée sous le no 19NT04943.
Procédure devant la cour :
Par un mémoire enregistré le 2 juin 2020, la commune de L'Aiguillon-sur-Mer, représentée par son maire en exercice, par Me B... de la SELARL MRV avocats, demande à la cour, à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er mars 2016, de rejeter la demande de la société LDA et de mettre à la charge de cette société la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- concernant le lotissement " La Petite Jetée I ", le préjudice indemnisable ne porte, en réalité, que sur les parcelles cadastrées section AM nos 570 et 571 ; toutefois, la parcelle cadastrée section AM n°570, formant le lot V1, destinée à la voirie et à être incorporée dans l'espace commun du lotissement projeté, ne saurait excéder la somme d'un euro dès lors qu'elle devait être rétrocédée à ce prix à l'association syndicale ; le préjudice indemnisable concerne, dans ces conditions, la seule parcelle cadastrée section AM n°571 (lot 4), d'une surface de 323 m², qui a été revendue par la société LDA au prix de 4 845 euros en août 2016 ;
- concernant le lotissement " La Petite Jetée II ", formé de la parcelle cadastrée section AM n°573, devenue depuis AM n°s 614 et 615, le permis d'aménager délivré le 19 juillet 2018 n'a jamais été mis en oeuvre de sorte qu'aucun lot n'a été détaché ; dans ces conditions, la parcelle étant déjà bâtie sur le lot n°9 projeté, aucune perte vénale ne peut être retenue puisqu'elle pouvait être revendue au prix du terrain bâti ; la société LDA ne saurait utilement se prévaloir de la division de la parcelle dès lors qu'elle est intervenue, et sans autorisation, postérieurement à sa demande indemnitaire ;
- pour le calcul de la valeur résiduelle, il ne saurait être tenu compte du prix de la terre agricole mais de la valeur vénale des parcelles section AM n°s 571 et 614, revendues au prix de 15 euros le m², de sorte que la valeur résiduelle des lots 4, 6, 7 et 8, qui représentent une surface totale de 1 451 m², doit être estimée à 21 765 euros. Le préjudice indemnisable, en tenant compte des ventes des parcelles AM 570 et 614, ne saurait, dans ces conditions, excéder la somme de 50 010 euros ;
- compte-tenu des éléments dont elle avait connaissance et des moyens dont elle disposait, la société LDA a commis une imprudence fautive de nature à exonérer totalement, ou tout au moins à hauteur de 50 %, la commune de toute responsabilité.
Par des mémoires en défense enregistrés le 9 janvier 2020 et le 17 juin 2020, la société LDA, représentée par Me E... de la SELARL Publi-Juris, conclut :
1°) au rejet de la requête de la commune de L'Aiguillon-sur-Mer ;
2°) au titre de l'appel incident, à la réformation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er mars 2016 en tant qu'il a limité son préjudice à la somme de 158 546,20 euros et à la condamnation de la commune de L'Aiguillon-sur-Mer à lui verser la somme de 280 373,80 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2011 et la capitalisation de ces intérêts ;
3°) à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à la commune de L'Aiguillon-sur-Mer de procéder au versement de cette somme à compter de la date de notification du jugement du 1er mars 2016 ;
4°) à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de L'Aiguillon-sur-Mer la somme de 13 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les écritures de la commune de L'Aiguillon-sur-Mer enregistrées le 2 juin 2020, sont inopérantes en tant qu'elles concluent au rejet de l'intégralité de la requête de première instance et qu'elles retiennent, pour diminuer le préjudice indemnisable, la plus-value réalisée lors de la vente de certains lots dès lors qu'elles méconnaissent l'autorité absolue de la chose jugée ;
- le préjudice qu'elle a subi au titre des frais d'acquisition des parcelle doit être estimé à la somme de 168 201,83 euros ;
- aucune faute ne peut lui être imputée dès lors qu'elle n'était pas en mesure de détecter l'inexactitude des informations communiquées par la commune. Subsidiairement, la part de sa faute retenue par les premiers juges ne pourra être revue qu'à la baisse ;
- il résulte de ce qui précède, et eu égard à l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat, que la commune de L'Aiguillon-sur-Mer doit être condamnée à lui verser la somme totale de 280 373,80 euros en réparation de son entier préjudice.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...'hirondel, premier conseiller,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., substituant Me B..., représentant la commune de L'Aiguillon-sur-Mer et de Me E..., représentant la société LDA.
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de L'Aiguillon-sur-Mer a délivré, le 13 juillet 2006, une autorisation de lotir six lots, dont cinq à usage d'habitation, sur des terrains situés au lieu-dit " Les Caves " dans l'estuaire du Lay, en vue de la création du lotissement dit de " La Petite Jetée ". Par un arrêté du 9 août 2007, il a transféré cette autorisation de lotir à la société LDA, nouveau propriétaire de ces terrains. Le 19 juillet 2008, le maire de L'Aiguillon-sur-Mer a ensuite délivré à cette société une seconde autorisation de lotir quatre nouveaux lots afin de créer le lotissement dit " La Petite Jetée II " puis, le 31 décembre 2009, un permis de construire une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section AM n°571, formant le lot n° 4 du lotissement de " La Petite Jetée ". Cette dernière autorisation a été retirée, le 9 mars 2010, suite au passage de la tempête Xynthia, dans la nuit du 27 au 28 février 2010 sur le territoire de la commune. Par la suite, deux certificats d'urbanisme négatifs ont été délivrés à la société le 3 juin 2011 par le maire de L'Aiguillon-sur-Mer au motif tiré du caractère non réalisable d'opérations de construction de maisons individuelles sur le lot n° 4 du lotissement " La Petite Jetée " et sur l'ensemble des lots formant le lotissement " La petite Jetée II ". Par un jugement du 1er mars 2016, le tribunal administratif de Nantes a condamné la commune de L'Aiguillon-sur-Mer à payer à la société LDA une indemnité de 158 546,20 euros à titre de réparation des préjudices résultant pour cette société de l'impossibilité de réaliser ses projets de lotissement et a condamné l'Etat à garantir la commune à hauteur de 60 % de la condamnation ainsi prononcée. Par un arrêt du 28 juin 2018, la cour administrative d'appel de Nantes, faisant partiellement droit aux appels formés par la commune de L'Aiguillon-sur-Mer et par la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer contre ce jugement, a réduit à 94 191,90 euros le montant de l'indemnité que la commune de L'Aiguillon-sur-Mer a été condamnée à verser à la société LDA. Par une décision du 18 décembre 2019, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt en tant qu'il a limité à hauteur de 50 % la part de responsabilité de la commune de L'Aiguillon-sur-Mer et qu'il a limité à 76 211 euros le préjudice subi par la société LDA au titre de l'indemnisation des frais d'acquisition des parcelles et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la cour administrative d'appel de Nantes.
Sur la faute que la société LDA aurait commise :
2. La commune de L'Aiguillon-sur-Mer fait valoir que les documents annexés à l'acte de vente du 12 juin 2007, à savoir un état des risques fondé sur les informations mises à disposition par le préfet et le dossier communal d'information, étaient de nature à permettre à la société LDA d'appréhender les risques de submersion marine auxquels les terrains, objet de la vente, étaient exposés.
3. Toutefois, le dossier communal d'information établi en décembre 2005 qui renvoie au plan de prévention des risques naturels (PPRN) " Estuaire du Lay ", prescrit le 29 novembre 2001, classe en zone bleu clair les terrains objet de la vente. Dans cette zone, la constructibilité est, sous conditions et sauf pour certaines constructions ou aménagement, la règle générale dès lors que les submersions devraient vraisemblablement être d'une hauteur inférieure à cinquante centimètres du fait de l'étalement des eaux dans le marais et être d'une durée très limitée. En outre, ainsi qu'il résulte de l'instruction, notamment des écritures de première instance du préfet de la Vendée, ce PPRN a été établi après qu'aient été réalisées des études hydrauliques qui ont servi pour l'élaboration, en juin 2002, de l'atlas de l'aléa submersion marine qui classe le secteur des " Caves " en zone hors d'eau. De plus, le projet de plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) pour les communes de la Faute-sur-Mer et de L'Aiguillon-sur-Mer, approuvé par anticipation par le préfet de la Vendée suivant un arrêté du 8 juin 2007, soit quatre jour seulement avant la vente, a confirmé, pour le même motif, le classement des terrains en zone bleu clair en n'identifiant qu'un risque faible. Dans ces conditions, ni les informations mises à la disposition par le préfet, ni le dossier communal d'information n'étaient de nature à permettre à la société d'évaluer le risque encouru au regard du projet qu'elle entendait mettre en oeuvre, alors qu'avait été délivrée, le 13 juillet 2006 pour une partie des terrains, une autorisation de lotir six lots, dont cinq à usage d'habitation. Si la commune se prévaut également de la plaquette d'information du PPRI appliqué par anticipation, il n'est pas contesté qu'elle n'a été diffusée qu'à partir de juillet 2007, soit après la vente, alors qu'au surplus, elle ne contient pas d'informations autres que celles mentionnées dans ce plan. Si la commune fait enfin grief à la société d'avoir cherché à poursuivre illégalement son projet et de s'être abstenue de mettre en oeuvre le permis d'aménager délivré le 19 juillet 2008, ces circonstances sont sans incidence pour apprécier la faute d'imprudence que la société LDA aurait commise lors de d'acquisition des terrains. Par suite, compte tenu du sérieux des informations que le public est en droit d'attendre des documents précités établis par l'Etat, dont l'objet même est d'apprécier le risque encouru, qui étaient en outre récents et alors qu'aucun évènement de nature à remettre en cause la fiabilité de ces informations n'était survenu, la société LDA n'a commis aucune faute d'imprudence alors même qu'elle est un professionnel de l'immobilier et qu'elle s'est abstenue de solliciter un certificat d'urbanisme.
Sur le montant du préjudice lié au frais d'acquisition des parcelles :
4. La cour, dans son arrêt du 28 juin 2018, confirmé sur ce point par la décision de renvoi du Conseil d'Etat, a jugé que la société LDA avait subi un préjudice financier résultant de l'acquisition des parcelles cadastrées section AM n°s 497, 500, 502 et 504, constitutives notamment du lotissement " La Petite Jetée II " et présentant une surface cumulée de 3 692 m². Ces terrains ont été acquis pour la somme totale de 270 000 euros, soit 73,13 euros le mètre carré. Il résulte de l'instruction que la société a revendu entre mars et mai 2008, soit avant le passage de la tempête Xynthia, des terrains issus de ces parcelles pour une surface cumulée de 1 201 m² au prix moyen de 156,42 euros le mètre carré, réalisant ainsi une plus-value. Lorsqu'elle a saisi la commune d'une demande d'indemnisation après le passage de la tempête Xynthia, elle n'était ainsi plus propriétaire de terrains ne représentant qu'une surface de 2 491 m². Par suite, pour calculer le montant du préjudice indemnisable, seule cette dernière surface doit être prise en compte, le préjudice indemnisable étant alors égal à la différence entre le prix d'acquisition de ces 2 491 m² et leur valeur vénale à la suite du retrait du permis de construire du 31 décembre 2009, sans qu'il faille tenir compte dans ce calcul du montant de la plus-value réalisée en 2008. Il résulte également de l'instruction qu'en 2016, la société LDA a revendu les parcelles section AM n°571, formant le lot n°4 du lotissement, d'une surface de 323 m², et section AM n°614, d'une surface de 368 m², aux prix respectifs de 4 845 euros et 5 520 euros, soit quinze euros le mètre carré. Le préjudice financier résultant de l'acquisition de ces terrains par la société LDA, représentant une surface totale de 691 m², doit ainsi être estimé à 40 167,83 euros. Les terrains dont la société LDA est restée propriétaire, d'une surface totale de 1 800 m² à la date du présent arrêt, présentent des caractéristiques similaires à celles des parcelles AM n°571 et 614, situées dans le même secteur. Il ne résulte pas de l'instruction que ces terrains ne pourraient être vendus au même prix que ces dernières parcelles. Par suite, leur valeur vénale doit être fixée également à 15 euros le mètre carré. Il s'ensuit, pour le restant des terrains, un préjudice financier d'un montant de 104 634 euros. Il suit de là, et sans que la commune puisse utilement se prévaloir de la circonstance qu'un lot supportant un immeuble à usage d'habitation aurait pu être vendu en tant que tel, que le montant total du préjudice supporté par la société LDA du fait de l'acquisition des terrains s'élève à la somme totale de 144 801,83 euros.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et compte tenu de ce qui a été définitivement jugé dans l'arrêt du 28 juin 2018 aux points 10 à 12, que le montant total du préjudice subi par la société LDA doit être porté à la somme de 256 974,63 euros. Dans ces conditions, les conclusions de la commune de L'Aiguillon-sur-Mer devant la cour, qui tendent à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes qui l'a condamnée à verser à la société LDA la somme de 94 191,90 euros et au rejet de la demande de première instance de cette société ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu en revanche de faire droit aux conclusions d'appel incident de la société LDA en portant le montant des indemnités auxquelles elle a droit à la somme de 256 974,63 euros. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner la commune de L'Aiguillon-sur-Mer, qui, ainsi qu'il a été définitivement jugé par l'arrêt de la cour nos 16NT01402,16NT01453 du 28 juin 2018, sera garantie par l'Etat à hauteur de 60 % de sa condamnation, à verser à la société LDA la somme de 256 974,63 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2011, date de réception de sa demande par la commune de L'Aiguillon-sur-Mer. Les intérêts échus doivent être capitalisés à compter du 22 mars 2017, date à laquelle cette capitalisation a été demandée par la société LDA alors qu'il était dû au moins une année d'intérêts, puis à chaque échéance annuelle à partir de cette date, sans qu'il soit besoin pour la société LDA de formuler une nouvelle demande. Il y a lieu de réformer dans cette mesure le jugement attaqué.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
6. Aux termes du II de l'article L. 911-9 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office. (...) ". Dès lors que les dispositions précitées permettent à la société LDA, en cas d'inexécution du présent arrêt dans le délai prescrit, d'obtenir le mandatement d'office de la somme que la commune de L'Aiguillon-sur-Mer est condamnée à lui verser par cette même décision, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par la société LDA.
Sur les frais du litige :
7. L'arrêt de la cour nos 16NT01402,16NT01453 du 28 juin 2018 a définitivement statué sur les conclusions présentées par la commune de L'Aiguillon-sur-Mer et la société LDA sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions tendant au bénéfice de ces dispositions maintenues par les parties, après renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat, ne sauraient, dès lors, être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : La somme que la commune de L'Aiguillon-sur-Mer, qui sera garantie par l'Etat à hauteur de 60 % de cette condamnation, est condamnée à verser à la société LDA est portée à 256 974,63 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2011. Les intérêts échus à la date du 22 mars 2017 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er mars 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de L'Aiguillon-sur-Mer, à la société LDA et au ministre de la transition écologique.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme C..., présidente,
- M. A...'hirondel, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2021.
Le rapporteur,
M. F...La présidente,
H. C...
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04943