Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2017, MmeB..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 février 2017 ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision du ministre est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 juin 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeB..., ressortissante marocaine née le 20 février 1961, relève appel du jugement du 8 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 4 mars 2015 ajournant à deux ans sa demande de naturalisation ;
2. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; que l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé énonce que : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation (...) sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'autonomie matérielle du postulant, apprécié au regard du caractère suffisant et durable des ressources propres lui permettant de demeurer en France ;
4. Considérant que pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation présentée par MmeB..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'examen du parcours professionnel de la postulante, apprécié dans sa globalité depuis son entrée en France, ne permettait pas de considérer qu'elle avait pleinement réalisé son insertion professionnelle, dès lors qu'elle ne bénéficiait pas de ressources suffisantes et stables ;
5. Considérant que, ainsi que le reconnaît d'ailleurs le ministre, Mme B...établit fournir de nombreux efforts en vue de son insertion professionnelle et de son autonomie matérielle en dépit des divers problèmes de santé qu'elle rencontre ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que, à la date de la décision contestée, la requérante était employée, dans le cadre de travaux agricoles saisonniers, sous couvert de contrats de travail à durée déterminée d'un mois voire de quelques jours seulement ; qu'elle a déclaré, au titre de l'année 2013, 3 491 euros de revenus professionnels et le ministre fait valoir sans être contredit que ces revenus s'élevaient en 2010, 2011 et 2012 à, respectivement, 2 163, 2 809 et 3 313 euros ; que Mme B...bénéficiait, par ailleurs, du revenu de solidarité active et de l'aide personnalisée au logement ; que si la commission départementale des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de Maine-et-Loire lui a reconnu un taux d'incapacité inférieur à 50 %, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé ferait obstacle à l'exercice de toute activité professionnelle lui permettant de réaliser une insertion professionnelle pérenne et subvenir durablement à ses besoins ; que, dans ces conditions, le ministre, a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, estimer que Mme B...n'avait pas pleinement réalisé son insertion professionnelle et décider, pour ce seul motif et alors même que se situerait en France le centre des attaches familiales de l'intéressée, laquelle maîtrise la langue française et n'a jamais fait l'objet de condamnation pénale, d'ajourner pour deux ans, sa demande de naturalisation ;
6. Considérant, en dernier lieu, que la décision par laquelle est ajournée une demande de naturalisation n'est pas, par nature, susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme inopérant ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...épouse B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M.A...'hirondel, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 avril 2018.
Le rapporteur,
K. BOUGRINELe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02014 2
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