Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 août 2020 sous le n°20NT02376, et un mémoire enregistré le 4 juin 2021, M. E..., agissant en qualité de représentant légal I... D..., représenté par Me Ngounou Rigobert, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 juin 2020 ;
2°) d'enjoindre à l'autorité consulaire française au Cameroun de réexaminer la demande de visa d'entrée et de long séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il abandonne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ;
- le refus de visa est illégal dès lors que le regroupement familial avait été autorisé par le préfet du Nord ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 mars 2021 et le 8 juin 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Douet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant camerounais, a formulé une demande de regroupement familial en faveur de son épouse Mme B... J... E..., de leur fils K... F... C... E... et I... D..., né le 8 juin 2002 à Yaoundé, qu'il présente comme son fils et celui de Mme H... D.... Le préfet du Nord a autorisé le regroupement sollicité pour ces trois personnes. Par une décision en date du 29 novembre 2018, l'autorité consulaire française à Yaoundé a délivré des visas de long séjour à Mme B... E... et au jeune K... F... C... mais a refusé de délivrer un visa d'établissement à Junior Brice D.... Le recours formé contre cette décision devant la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, réceptionné le 8 août 2019, a été implicitement rejeté. M. E... relève appel du jugement du 4 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour des motifs d'ordre public au nombre desquels figure le défaut de valeur probante des actes d'état civil produits.
3. Le ministre de l'intérieur soutient dans ses écritures en défense de première instance et d'appel que le refus de visa est fondé sur le fait que les actes d'état civil produits n'ont pas de valeur probante et que l'identité du demandeur et son lien de filiation avec le regroupant ne sont pas établis.
4. Ont été produits, à l'appui de la demande un jugement de reconstitution d'AN n°233/TPD du 14 juillet 2017 du tribunal de première instance de Bertoua, qui ne comporte pas de mention de la filiation paternelle, ainsi qu'un acte de naissance dressé le 28 juillet 2017 sous le n°2017/ES1601/N/12921. Puis, a été versé aux débats devant le tribunal un nouvel acte de naissance du demandeur, dressé le 21 juin 2019 portant le n° 2019/ES/1601/N/1337. Enfin, M. E... produit, avec ses dernières écritures devant la cour, un jugement supplétif d'acte de naissance du tribunal de première de Bertoua en date du 14 août 2020 ainsi qu'un nouvel acte de naissance dressé le 23 octobre 2020 sur la base de ce jugement.
5. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
6. Le ministre de l'intérieur fait valoir que ce dernier jugement supplétif est inauthentique et ne saurait établir la filiation de M. G... D... dès lors qu'il coexiste avec le précédent jugement du 28 juillet 2017 qui ordonnait déjà la reconstitution de l'acte de naissance de l'intéressé, de sorte que l'état civil de M. G... D... fait l'objet de deux jugements exécutoires. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le jugement rendu le 28 juillet 2017 indiquait que l'acte de naissance de l'enfant, bien qu'ayant existé, était non authentifié car inexistant dans la souche du registre alors que le jugement supplétif du 14 août 2020 juge que les précédents actes de naissance n'ont pas été faits dans les délais légaux et ont donc été établis en violation de la loi. En outre, le jugement du 14 août 2020 comporte de nombreuses erreurs matérielles en ce qu'il mentionne trois dates d'audiences différentes (17 janvier 2020, 20 septembre 2019 et " audience du 14 2020 "). L'ensemble de ces éléments sont de nature à révéler le caractère frauduleux du jugement supplétif du 14 août 2020.
7. Enfin, les preuves de voyages du requérant au Cameroun, les échanges sur les réseaux sociaux, postérieurs à la décision attaquée de même que les rares preuves de transfert d'argent ne suffisent pas à établir, par la possession d'état, le lien de filiation allégué. Par suite, c'est sans erreur de droit et sans avoir fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu refuser de délivrer à M. G... D... le visa qu'il sollicitait.
8. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent, en l'absence d'établissement du lien familial allégué, également être écartés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
10. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, présidente assesseur,
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2021.
La rapporteure,
H. DOUET
Le président,
A. PÉREZ
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02376