Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 mars 2021 sous le n°21NT00700, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 février 2021 ;
2°) de rejeter la demande de Mme E....
Il soutient que :
- Mme E... ne démontre pas être à la charge de son fils de nationalité française ; ce dernier n'a envoyé de 2006 à 2013 que des sommes modestes ; le montant plus conséquent envoyé en 2017 présente un caractère opportun ; en outre, les pièces produites ne permettent pas d'apprécier les revenus du fils A... la requérante et révèlent que le logement de celui-ci ne comporte qu'une seule chambre ; Mme E... n'a produit aucune relevé bancaire ni pension de reversement démontrant qu'elle serait dépourvue de ressources dans son pays d'origine ;
- le fils de B... E... n'est pas dans l'incapacité de rendre visite à sa mère au Maroc, et celle-ci a déjà bénéficié par le passé de plusieurs visas de court séjour ; la décision attaquée ne porte donc pas au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme E... une atteinte disproportionnée aux buts dans lesquels elle a été prise ;
- la décision attaquée est suffisamment motivée.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Douet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... E..., ressortissante marocaine née le 1er janvier 1951, a sollicité, le 6 juillet 2017, la délivrance d'un visa de long séjour en qualité d'ascendante à charge d'un ressortissant français. Sa demande a été rejetée par les autorités consulaires françaises à Casablanca. Mme E... a contesté cette décision devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, qui a rejeté son recours par une décision du 7 décembre 2017. Par un jugement du 26 février 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours et a enjoint à l'administration de délivrer le visa sollicité. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement
2. Lorsqu'elle est saisie d'un recours tendant à la délivrance d'un visa de long séjour au bénéfice d'un ressortissant étranger qui fait état de sa qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France peut légalement fonder sa décision de refus sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant dès lors qu'il dispose de ressources propres lui permettant de subvenir aux besoins de la vie courante dans des conditions décentes, que son descendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.
3. Pour refuser la délivrance d'un visa de long séjour à Mme E... en qualité d'ascendante à charge d'un ressortissant français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur ce que la demanderesse n'établissait pas être sans ressources, ni être bénéficiaire de virements financiers consistants et réguliers de la part de son fils de nationalité française, M. F... D..., depuis une période significative et continue et sur ce qu'elle avait en outre sollicité en 2012 et 2015 des visas en qualité d'ascendante non à charge.
4. Si Mme E... alléguait, dans ses écritures de première instance, être dans une situation précaire, elle n'apportait aucun justificatif de son niveau de ressources ou de l'absence de celles-ci. La seule circonstance que ses enfants résidant en France ou en Espagne lui aient versé des sommes d'argent ne peut suffire à attester de sa situation d'indigence au Maroc alors en outre qu'elle a sollicité en 2012 et 2015 soit deux ans et cinq ans avant la demande de visa en litige, des visas de long séjour en qualité d'ascendante non à charge. Par suite, et à supposer même que son fils de nationalité française disposerait de revenus suffisants pour prendre en charge sa mère en France, la commission de recours, en estimant que Mme E... ne pouvait être regardée comme étant à charge de son fils de nationalité française pour obtenir un visa de long séjour en qualité d'ascendante à charge d'un ressortissant français, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Dès lors le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 7 décembre 2017.
5. Il appartient, cependant, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E... devant le tribunal administratif de Nantes.
6. D'une part, eu égard à ce qui a été dit au point 3, la commission de recours a suffisamment motivé sa décision.
7. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme E..., âgée de 66 ans à la date de la décision contestée, a toujours vécu dans son pays d'origine, y compris après le décès de son époux intervenu en 1982. Dès lors, la décision contestée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 7 décembre 2017 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de délivrer à Mme E... un visa de long séjour.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 février 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C... E....
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, présidente assesseur,
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2021.
La rapporteure,
H. DOUET
Le président,
A. PÉREZ
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00700