Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 mai 2019, Mme E... B..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 avril 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 21 novembre 2018 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre à l'administration de délivrer sans délai à Mme E... B... le visa qu'elle a sollicité ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
pour contester l'authenticité des actes d'état civil, il ne peut être opposé la circonstance qu'ils ont été délivrés 18 ans après sa naissance dès lors qu'ils ont été sollicités dans le cadre de la demande de visa en l'absence de possession de ces documents ;
les erreurs constatées par l'administration concernant les dates et lieux de naissance et la méconnaissance de l'article 175 du code civil guinéen ont été, par la suite, corrigées par le tribunal de première instance de Conakry II ;
le nombre de demandes répétées d'actes de naissance s'explique par les diligences qu'elle a effectuées pour obtenir un acte régulier afin de corriger les erreurs commises par l'administration guinéenne relevées dans le cadre de l'instruction de la demande de visa. Les derniers actes produits, en l'occurrence le jugement supplétif n°30708 du 28 décembre 2018 et sa transcription par la commune de Dixinn le 5 mars 2019, comportent les informations manquantes opposées par la commission de recours ;
la transcription de l'acte de naissance a bien été effectuée, en dernier lieu, dans la commune du lieu de résidence ;
l'absence de motivation des jugements supplétifs ne doit pas être regardée comme portant atteinte à l'authenticité des documents ;
le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il appartient à l'administration de démontrer sa mauvaise foi, le dernier acte d'état civil ne souffrant d'aucune contestation ;
en cas de doute, il est demandé à la cour à ce que sa mère, Mme F... B..., soit autorisée à effectuer des tests ADN afin d'établir le lien de filiation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...'hirondel,
- et les observations de Me C..., représentant Mmes B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... B..., ressortissante guinéenne née en 1974, est arrivée en France le 26 février 2007. Elle a déposé le 24 mai 2017 une demande de regroupement familial auprès des services de la préfecture du Var pour sa fille alléguée, Mme E... B..., née le 26 février 1999. Le 12 décembre 2017, le préfet du Var a donné son accord à cette demande. Dans le cadre de cette procédure, Mme E... B... a alors déposé une demande de visa de long séjour auprès de l'autorité consulaire française à Conakry (Guinée) qui a refusé d'accorder le visa sollicité le 7 août 2018. Par une décision du 21 novembre 2018, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre ce refus. Mme E... B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 avril 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.
2. Pour rejeter le recours de Mme B..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les motifs tirés, d'une part, de ce que l'acte de naissance n°8621 a été établi 17 ans après l'évènement suivant jugement supplétif n°24415 et, d'autre part, de ce que l'acte de naissance produit n'est pas conforme à l'article 175 du code civil. Elle a également retenu qu'en l'absence de tout élément de prise en charge par la regroupante pourtant en France depuis 2007, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'étaient pas méconnues. Si la venue de Mme E... B... en France a été autorisée au titre du regroupement familial, cette circonstance ne fait cependant pas obstacle à ce que l'autorité administrative rejette la demande de visa dont elle est saisie à cette fin pour des motifs d'ordre public, au nombre desquels figure le défaut de valeur probante des actes de filiation produits.
3. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
5. En premier lieu, un jugement supplétif d'acte de naissance n'ayant d'autre objet que de suppléer l'inexistence, la perte ou la destruction de cet acte, la commission ne pouvait utilement retenir, compte tenu de la nécessité de présenter un tel acte à l'appui de la demande de visa, le motif tiré de ce que celui contenu dans cette demande a été établi tardivement.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que pour établir le lien de filiation avec Mme F... B..., la requérante a été en possession de deux jugements supplétifs rendus par le tribunal de première instance (TPI) de Conakry II, successivement les 26 janvier 2017 (n°2029) et 22 décembre 2017 (n°32916), ainsi que des actes de naissance transcrits à leur suite, les 27 janvier 2017 et 26 décembre 2017. Il n'est pas contesté que le second jugement supplétif et l'acte de naissance qui s'en est suivi ont été rendus sans l'intervention préalable d'un jugement en annulation ou rectification des premiers actes. L'intéressée a, ensuite, produit deux jugements du 22 octobre 2018 rendus par le même tribunal, l'un sous le n°2653, annulant les jugements supplétifs et les extraits d'acte de naissance précités, l'autre, sous le n°24415, valant jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance et qui a donné lieu à l'acte de naissance transcrit le 6 novembre 2018 sous le n°8621 par l'officier de l'état civil de la commune de Ratoma. Pour écarter comme non probants ce dernier jugement et l'acte de naissance résultant de sa transcription, la commission a retenu la non-conformité de l'acte de naissance à l'article 175 du code civil guinéen en l'absence de mention des dates et lieux de naissance du père et de la mère. La requérante ne saurait utilement alléguer que la commission aurait commis une erreur d'appréciation dès lors qu'elle a elle-même sollicité, à la suite du rejet de son recours, l'annulation du jugement supplétif n°24415 du 22 octobre 2018 et la transcription de l'acte de naissance du 6 novembre 2018, sa requête ayant été jugé recevable et ces actes annulés par un jugement n°3199 du TPI de Conakry II du 27 décembre 2018 pour le même motif que celui retenu par la commission. Il ressort des pièces du dossier que la commission aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif.
7. En cours d'instance devant le tribunal administratif de Nantes, Mme E... B... a par ailleurs produit, outre ce dernier jugement et acte de naissance, un jugement supplétif n°30708 du 28 décembre 2018 rendu par le TPI de Conakry II et sa transcription tenant lieu d'acte de naissance n°968 du 17 janvier 2019 établie par l'officier de l'état civil de la commune de Ratoma. Ce dernier acte a été annulé par un jugement n°530 du même tribunal du 4 mars 2019 pour avoir été réalisé par une commune incompétente. Mme E... B... a alors produit la transcription du jugement supplétif n°3078 valant acte de naissance délivré par le maire de la commune de Dixinn le 5 mars 2019 sous le n°1983. Toutefois, compte tenu de la production successive par Mme E... B... de quatre jugements supplétifs et trois jugements d'annulation rendus par le même tribunal ainsi que de cinq actes de naissance différents en l'espace de 26 mois, les derniers documents d'état civil fournis, en l'absence de tout autre élément permettant, au moins, de présumer du lien de filiation allégué, ne sauraient, en l'espèce, être regardés comme présentant une force probante suffisante alors même que l'administration ne contesterait pas qu'ils respectent, en leur forme, le droit guinéen. Par suite, en estimant que la preuve du lien de filiation n'est pas apportée, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
8. En troisième lieu, s'il est toujours loisible à la requérante de faire établir la preuve du lien de parenté dont elle se prévaut à l'égard de Mme F... B... par l'utilisation de tests génétiques menés dans le cadre d'une procédure garantissant leur fiabilité et leur authenticité, il n'appartient pas à la Cour d'ordonner qu'il soit procédé à de tels examens.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- Mme Brisson, président assesseur,
- M. A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 novembre 2019.
Le rapporteur,
M. D...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01811