Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 juillet 2014, M.A..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 juin 2014 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008 et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le contrat d'agent commercial qu'il avait passé avec la société PSB à compter de 2002 et qui a été résilié avec effet au 31 décembre 2007 moyennant le règlement d'une indemnité de résiliation constitue un élément incorporel de l'actif immobilisé de sorte que l'indemnité relative à sa résiliation peut être exonérée au titre des plus values professionnelles à long terme ;
- un tel contrat a une valeur patrimoniale ; le versement de l'indemnité de rupture de contrat d'agent commercial compense la perte de la valeur patrimoniale que représente ce contrat ; il s'agit d'une perte d'actif et non d'une perte de recettes dès lors que ce contrat est le support indispensable de l'activité de l'agent ;
- le critère permettant d'apprécier la patrimonialité du contrat est la stabilité des relations juridiques entre l'agent et son mandant ; la durée du préavis ne saurait à elle seule être prise en compte ; le montant de la commission en cas de cessation atteste de la pérennité du contrat ; cet élément justifie que l'indemnité versée en cas de rupture du contrat d'agent commercial soit qualifiée d'actif incorporel immobilisé ;
- la décision de rescrit n° 2006/26 du 28 mars 2006 admet expressément l'application du régime des plus-values professionnelles aux indemnités de cessation d'un contrat d'agent commercial ; en conséquence, une telle indemnité est un élément de l'actif immobilisé et la disparition du contrat entraîne l'apparition d'une plus-value soumise au régime des plus-values professionnelles éligible à l'exonération prévue par l'article 151 septies du code général des impôts.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 décembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. A...n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.
1. Considérant que M. C...A...a, de 2002 à 2007, exercé l'activité d'agent commercial en vertu d'un contrat conclu avec la société PSB le 24 juillet 2002 ; qu'il a été mis fin à ce contrat à compter du 31 décembre 2007 par un accord transactionnel conclu entre les parties le 25 septembre 2007, moyennant le versement à l'intéressé d'une indemnité totale de 189 267 euros répartie à concurrence de 30 000 euros et 159 267 euros entre les années 2007 et 2008 ; que, parallèlement, M. A...a signé un protocole transactionnel résiliant le contrat d'agent commercial qu'il avait conclu avec M. B...A...en lien avec l'exécution de son propre contrat d'agent commercial, moyennant le versement d'une indemnité de 10 208,41 euros ; que M. C...A...a en conséquence déclaré au titre des années 2007 et 2008 la somme totale de 179 059 euros dont il a estimé qu'elle relevait du régime fiscal d'exonération des plus values professionnelles prévu à l'article 151 septies du code général des impôts ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les bénéfices non commerciaux réalisés par M. A...au cours des exercices clos en 2006, 2007 et 2008, l'administration fiscale a remis en cause cette exonération et a imposé l'indemnité en cause comme un produit courant, auquel elle a cependant appliqué le taux réduit d'imposition tel que prévu par la décision de rescrit n° 2006/26 du 28 mars 2006 ; que M. A...relève appel du jugement du 5 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des année 2007 et 2008 ;
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article de l'article 93 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. Sous réserve des dispositions de l'article 151 sexies, il tient compte des gains ou des pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle. " ; qu'aux termes de l'article 93 quater du même code : " I. Les plus-values réalisées sur des immobilisations sont soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies. " ; qu'en vertu de l'article 39 quindecies de ce code : " I. 1. Sous réserve des dispositions des articles 41, 151 octies et 210 A à 210 C, le montant net des plus-values à long terme fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 16 %. " ; que selon l'article 151 septies dudit code : " (...) II. - Les plus-values de cession soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies (...) sont, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, exonérées pour : / 1° La totalité de leur montant lorsque les recettes annuelles sont inférieures ou égales à : (...) b) 90 000 euros s'il s'agit d'autres entreprises ou de titulaires de bénéfices non commerciaux (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 134-12 du code de commerce : " En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi (...) " ;
4. Considérant que le requérant soutient que la circonstance que, par détermination de la loi, d'une part, la rupture d'un contrat d'agent commercial doive être accompagnée du versement à cet agent d'une indemnité et que, d'autre part, cet agent soit titulaire d'un droit de présentation de son successeur, justifie que ce contrat soit regardé comme un élément incorporel d'actif de sorte qu'en cas de cessation des relations contractuelles le montant de l'indemnité compensatrice versée en application des dispositions de l'article L.134-12 du code de commerce devrait être imposé selon le régime des plus-values professionnelles défini aux articles 39 duodecies à 39 quindecies du code général des impôts et, le cas échéant, exonéré en vertu des dispositions de l'article 151 septies précité de ce code ;
5. Considérant, cependant, que ne doivent suivre le régime fiscal des éléments incorporels de l'actif immobilisé d'une entreprise que les droits constituant une source régulière de profit, dotés d'une pérennité suffisante et susceptibles de faire l'objet d'une cession ; que l'indemnité versée au titre de la cessation d'un contrat d'agent commercial ne peut représenter le prix d'un élément d'actif, dès lors notamment que l'agent n'est pas propriétaire de sa clientèle ; qu'en l'absence de stipulations contractuelles ou de circonstances de fait permettant d'escompter la poursuite de l'exécution du contrat sur une assez longue période, le préavis de trois mois prévu au contrat de M. A...ne permet pas notamment de regarder un tel contrat comme disposant d'une pérennité suffisante pour emporter la qualification d'élément incorporel de l'actif immobilisé, quel que soit l'objet du contrat ou le montant de la commission versée en cas de cessation, dès lors que la société PSB pouvait, comme elle l'a fait, décider de mettre un terme à tout moment et unilatéralement au contrat qui la liait avec M. A...; que ni la circonstance que les dispositions citées au point 2 ne s'opposent pas à ce qu'un agent commercial puisse céder son contrat avec l'accord du mandant, ni celle, prévue à l'article L. 134-12 du même code, que les ayants droit de l'agent commercial bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent, ne sont susceptibles d'avoir une incidence sur la nature non pérenne d'un tel contrat, qui ne dépend, quand bien même il serait conclu à durée indéterminée et en l'absence d'autres stipulations contractuelles, que de la durée du préavis ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que la somme perçue par le requérant en contrepartie de la cessation de l'exercice de sa profession, devait être regardée comme un bénéfice non commercial imposable dans les conditions de droit commun prévues au 1 de l'article 93 du code général des impôts, et non comme la contrepartie de la perte d'un élément incorporel de l'actif immobilisé relevant du régime des plus-values professionnelles ;
Sur l'application de la doctrine administrative :
6. Considérant que la décision de rescrit n° 2006/26 du 28 mars 2006, qui a été publiée au BOFIP, prévoit que : " Dès lors qu'il agit comme mandataire au nom et pour le compte de son mandant, l'agent commercial n'est pas titulaire d'une clientèle qui lui est propre. / Il en résulte que l'indemnité perçue de son mandant à l'occasion de la rupture unilatérale de son contrat (en application des dispositions prévues à l'article L. 134-12 du code de commerce) ne constitue pas, en principe, la contrepartie de la perte d'un élément de l'actif incorporel, mais a seulement pour objet de réparer le préjudice consécutif à la perte de son activité. / Par conséquent, ce versement, qui représente pour l'agent commercial l'indemnisation de la perte de ses recettes professionnelles à la suite de la rupture de son contrat, doit être, en principe, imposé comme un produit courant. / Toutefois, eu égard aux critères posés par la jurisprudence, il a paru possible d'admettre que l'indemnité de résiliation perçue de son mandant à titre individuel par un agent commercial pourra bénéficier d'une taxation au taux réduit en tant que plus-value professionnelle à condition que le contrat ait été conclu depuis au moins deux ans. / Cette solution est applicable aux contentieux en cours ou à naître. Il convient de préciser que les sommes perçues à l'occasion de la cession à un tiers par un agent commercial, après accord de son mandant du droit de présentation attaché au contrat d'agence (en application des dispositions prévues à l'article L. 134-13 du code de commerce), bénéficient d'ores et déjà du régime d'imposition des plus-values professionnelles. " ;
7. Considérant que si M. A...a entendu invoquer, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscale, le bénéfice de la doctrine citée au point 6, il résulte de l'instruction que l'administration en a fait application en soumettant l'indemnité compensatrice en litige au régime d'imposition à taux réduit des plus-values professionnelles ; qu'aucune autre disposition de la doctrine ainsi invoquée, qui doit être interprétée de manière stricte et ne saurait avoir pour effet de lui donner le sens de l'interprétation dont se prévaut l'intéressé, ne permet d'estimer, comme le soutient M.A..., que le régime d'exonération des plus-values professionnelles tel qu'il est défini par les dispositions précitées de l'article 151 septies du code général des impôts serait également applicable, par dérogation à la loi fiscale, à l'indemnité compensatrice de la rupture d'un contrat d'agent commercial telle que celle qui est en litige dans la présente espèce ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 11 février 2016 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Lemoine, premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 mars 2016.
Le rapporteur,
F. Lemoine
Le président,
I. Perrot
Le greffier,
A. Maugendre
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT02057