Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 mai 2019 Mme A... D..., représentée par
Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 mars 2019 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 3 mai 2017 ;
3°) d'enjoindre au centre hospitalier George Sand de prendre un arrêté fixant le montant de la part variable de sa rémunération à 65 % ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier George Sand le versement de 3 800 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car il n'est pas signé et il est entaché d'une contradiction de motifs ;
- la décision contestée a été prise sans qu'elle ait pu au préalable s'expliquer sur sa manière de servir et elle n'a pas été invitée à consulter son dossier individuel, en méconnaissance de l'article 18 alinéa 3 de la loi du 13 juillet 1983 ;
- cette décision repose sur des faits erronés ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 juillet 2019, le centre hospitalier George Sand conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme D... au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen tenant à la légalité externe de la décision contestée n'est pas recevable car il a été présenté pour la première fois en appel ;
- les autres moyens invoqués par Mme D... ne sont pas fondés.
L'instruction a été close le 29 décembre 2019, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire a été produit par Mme D... le 10 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 30 avril 2003 relatif à l'organisation et l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé ;
- l'arrêté du 14 octobre 2010 relatif au montant et aux modalités de versement de la rémunération des praticiens recrutés par les établissements publics de santé en application du 3° de l'article L 6152-1 du code de la santé publique.
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant le centre hospitalier George Sand.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... D..., médecin psychiatre, a été recrutée en qualité de clinicien hospitalier par le centre hospitalier George Sand de Bourges à compter du 4 juillet 2016, par un contrat du 20 avril 2016 conclu sur le fondement des dispositions de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique, pour une durée de 2 ans renouvelable. Ce contrat fixait, en son article 3, les modalités de sa rémunération, laquelle comportait une part fixe et une part variable subordonnée à la réalisation d'engagements et d'objectifs mentionnés au contrat, initialement fixée à 65 %, et révisable annuellement. Au terme de son entretien d'évaluation, intervenu le 26 avril 2017, sa cheffe de pôle a proposé de fixer le montant de sa part variable à 20 %. Par un arrêté du 3 mai 2017, le directeur du centre hospitalier a arrêté le montant de la part variable de sa rémunération, pour la période comprise entre sa prise de fonctions et le terme de son contrat résultant de sa démission, soit le 15 mai 2017, à 20 %. Par un jugement du 19 mars 2019, dont Mme D... relève appel, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Aux termes de l'article R. 741-10 du même code : " La minute des décisions est conservée au greffe de la juridiction pour chaque affaire, avec la correspondance et les pièces relatives à l'instruction (...) ". Il résulte en outre de l'article R. 751-2 du même code que l'expédition du jugement délivrée aux parties ne comporte pas la signature des magistrats mais seulement celle du greffier en chef.
3. Il résulte des pièces du dossier que sont apposées sur la minute du jugement attaqué les signatures manuscrites du président de la formation de jugement, du magistrat rapporteur et du greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré du défaut de signature du jugement doit être écarté.
4. Par ailleurs, si la requérante soutient que les premiers juges ont entaché leur jugement d'une contradiction de motifs, un tel moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif, est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 3 mai 2017 :
5. Aux termes de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique alors applicable : " Le personnel des établissements publics de santé comprend, outre les agents relevant de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière et les personnels enseignants et hospitaliers mentionnés à l'article L. 952-21 du code de l'éducation : ( ) / 3°) Des médecins, ( ) recrutés par contrat sur des emplois présentant une difficulté particulière à être pourvus ( ) ". Selon le 2ème alinéa de l'article L. 6152-3 de ce code " La rémunération contractuelle des praticiens bénéficiant d'un contrat mentionné audit 3° comprend des éléments variables qui sont fonction d'engagements particuliers et de la réalisation d'objectifs quantitatifs et qualitatifs conformes à la déontologie de leur profession. ( ) ". Aux termes de l'article R. 6152-706 du code " Le contrat précise : ( ) 2° La nature des fonctions occupées ainsi que les obligations de service incombant au praticien exprimées en demi-journées, notamment en ce qui concerne sa participation à la continuité des soins ou à la permanence pharmaceutique sur place et, le cas échéant, la réalisation de périodes de travail au-delà des obligations de service ; / 3° Les engagements particuliers souscrits par le praticien, les objectifs quantitatifs et qualitatifs qui lui sont assignés et dont la réalisation détermine les éléments variables de rémunération, les délais qui lui sont impartis pour y parvenir ainsi que le rythme de révision éventuelle de ces objectifs et engagements ; ( ) ". Enfin, aux termes de l'article R. 6152-711 de ce même code : " L'évaluation de l'activité, et notamment de la réalisation des engagements particuliers et des objectifs prévus au contrat, est conduite par le chef de pôle. / L'évaluation repose sur un entretien entre le chef de pôle et le praticien. Celui-ci donne lieu à un compte rendu écrit, qui comporte un bilan des résultats atteints au regard des objectifs assignés. Ce compte rendu est signé par le chef de pôle et le praticien qui en reçoit un exemplaire. / Le chef de pôle transmet le compte rendu de l'entretien d'évaluation accompagné d'une proposition de montant de la part variable au directeur de l'établissement. Ce dernier en arrête le montant. / (...) ".
6. Le contrat conclu le 20 avril 2016 par Mme D... avec le centre hospitalier George Sand prévoit, en son article 1er, que l'intéressée est recrutée sur un emploi présentant une difficulté particulière à être pourvu au sein du Pôle intra hospitalier du centre hospitalier spécialisé George Sand du Cher. L'article 2 de ce contrat précise que le docteur D... " a la charge de l'unité d'hospitalisation Chopin et est référente institutionnelle sur l'unité Musset en soutien du praticien exerçant sur cette unité. En fonction des nécessités de service, elle pourra être appelée à contribuer au fonctionnement des unités du court séjour /. (...) (Elle) participe au fonctionnement du service, à la permanence et à la continuité des soins conformément au tableau de service. ". Ces derniers objectifs sont repris à l'article 5 du contrat.
7. En premier lieu, d'une part, il ne résulte d'aucun texte législatif ou réglementaire, ni d'aucun principe, que les agents susceptibles de bénéficier d'une part variable qui tient compte de leur manière de servir doivent, avant que cette décision ne soit prise, être destinataires d'un courrier ou d'une note de service les alertant sur leur manière de servir et les conséquences susceptibles de découler de leurs absences. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux constituerait une décision prise en considération de la personne intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière à défaut pour Mme D... d'avoir été destinataire d'une information sur sa manière de servir ou d'être assistée du défenseur de son choix doit être écarté.
8. D'autre part, la décision par laquelle l'autorité qui en est chargée détermine le montant de la part variable d'un agent au regard de sa manière de servir ne revêt en
elle-même aucun caractère disciplinaire. Par suite, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige constituerait une sanction déguisée ou aurait été prise à la suite d'un abandon de poste de la part de l'intéressée, le moyen tiré du vice de procédure faute pour le centre hospitalier George Sand d'avoir mis en oeuvre la procédure relative à la procédure disciplinaire ou celle liée à l'abandon de poste ne peut qu'être écarté. En tout état de cause, la procédure prévue par les dispositions précitées du code de la santé publique a été mise en oeuvre. En effet, Mme D... a bénéficié, le 26 avril 2017, d'un entretien avec son chef de pôle ayant donné lieu à un compte-rendu écrit comportant une proposition de montant de part variable, que l'intéressée a au demeurant refusé de signer, et qui a été transmis au directeur du centre hospitalier.
9. En deuxième lieu, l'article 5 du contrat signé par Mme D... définit ses objectifs professionnels liés à l'attribution de la part variable. Au titre de ceux-ci figurent en particulier le soin de rédiger les courriers de fin d'hospitalisation, l'évaluation des résultats par rapport au délai d'envoi réglementaire et aux éléments nécessaires à la coordination et la participation à la permanence de soins.
10. Il ressort des pièces du dossier que l'agence régionale de santé a, le 7 mars 2017, attiré l'attention du centre hospitalier sur la nécessité de respecter les délais et procédures des soins psychiatriques sous contrainte et en particulier sur la nécessité pour le Dr D... de respecter les délais de transmission des documents médicaux. En outre, alors que cette dernière devait prendre en charge 18 gardes sur place qui lui avaient été attribuées, elle s'est faite remplacer, à sa seule initiative, par d'autres praticiens pour 17 d'entre elles. Enfin, il n'est pas sérieusement contesté que le docteur D... s'est fréquemment absentée de manière inopinée, et qu'elle a pris durant la période considérée un nombre de jours de congé supérieur à celui qui était autorisé. La matérialité de ces faits n'est pas sérieusement remise en cause par la requérante.
11. La circonstance que les compétences professionnelles de la requérante, attestées par plusieurs de ses collègues, n'aient pas été remises en cause par le centre hospitalier ne faisait pas obstacle à ce que ce dernier puisse tenir compte de son comportement, préjudiciable au bon fonctionnement de l'établissement de soins, pour déterminer le niveau de la part variable pouvant lui être accordée. De même, le fait que le centre hospitalier connaisse des difficultés particulières de recrutement ne pouvait, en tout état de cause, dispenser le Dr D... du respect de ses obligations professionnelles. Dans ces conditions, c'est sans entacher sa décision d'erreurs de faits et sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le directeur du centre hospitalier George Sand a réduit à 20 % le montant de la part variable attribuée à Mme D....
12. Enfin, à supposer même que la requérante ait entendu, arguant que le centre hospitalier chercherait à faire des économies sur sa part variable, invoquer un moyen tiré du détournement de pouvoir, ce moyen ne peut, en l'espèce, qu'être rejeté.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché de contradiction de motifs, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Dès lors, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier George Sand, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme D... d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
15. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme D... une somme de 800 euros qui sera versée au centre hospitalier George Sand au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Mme D... versera au centre hospitalier George Sand une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au centre hospitalier George Sand.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot président de chambre,
- Mme C..., président-assesseur,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 5 février 2021.
Le rapporteur
C. C...
Le président
I. Perrot
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19NT01852