Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 décembre 2019 et 5 janvier 2020 M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 7 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 2 août 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 15 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet d'Indre-et-Loire a commis une erreur de droit au regard des dispositions du
7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en retenant qu'il " n'établissait pas être dépourvu de liens personnels " au Cameroun alors que ces dispositions n'imposent pas que le demandeur soit isolé dans son pays d'origine ;
- l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, protégé par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet d'Indre-et-Loire a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement et n'est pas fondée sur un examen de sa situation particulière.
La requête a été communiquée au le préfet d'Indre-et-Loire qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant camerounais né le 25 août 1983, est entré en France en avril 2013. Il a demandé, en dernier lieu le 13 mars 2019, une carte temporaire de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 2 août 2019, le préfet d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office. M. A... relève appel du jugement du 7 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté son recours tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein
droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... vit depuis 2017 avec une compatriote en situation régulière, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2028, avec laquelle il s'est pacsé et a eu un enfant le 28 juillet 2017. M. A... justifie pour la première fois en appel, par la production de nombreux documents administratifs, de témoignages de proches et de photographies, de la réalité et de l'intensité de sa vie familiale avec sa compagne, avec les deux enfants qu'elle a eu de précédentes relations et avec leur enfant commun. Dans ces conditions, et alors même que M. A... n'établit pas être dépourvu d'attaches privées et familiales au Cameroun, l'arrêté contesté a porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, contraire aux dispositions et aux stipulations rappelées au point précédent. Cet arrêté doit donc, pour ce motif, être annulé.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, l'annulation prononcée par le présent arrêt, eu égard au motif qui la fonde, implique que le préfet d'Indre-et-Loire délivre à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'adresser au préfet d'Indre-et-Loire une injonction en ce sens et de fixer à deux mois le délai imparti pour son exécution. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette mesure d'exécution de l'astreinte demandée par le requérant.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1902930 du tribunal administratif d'Orléans du 7 novembre 2019 et l'arrêté du 2 août 2019 du préfet d'Indre-et-Loire sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Indre-et-Loire de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre
- Mme Brisson, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 octobre 2020.
Le rapporteur
E. B...Le président
I. PerrotLe greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04942