Le Conseil d'Etat a rendu son avis le 26 avril 2018.
Par un jugement n° 1704181 du 27 juin 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M.B....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 juillet 2018 M. B..., représenté par Me Le Verger, demande à la cour :
1°) de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 juin 2018 ;
3°) d'annuler la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine du 1er septembre 2017 ;
4°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée et révèle un défaut d'examen complet de sa situation particulière ;
- c'est à tort que le préfet d'Ille-et-Vilaine, se basant notamment sur les données VISABIO et sur des tests osseux, a estimé qu'il n'était pas mineur lors de son entrée en France ;
- les juridictions judiciaires ont toutes admis sa minorité ;
- les actes d'état civil et les autres documents officiels qu'il a produit sont authentiques et probants ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- le préfet a omis de se prononcer sur son droit au séjour sur le fondement des articles L. 313-11 (7°) et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il avait été saisi d'une demande en ce sens par un courrier du 3 mars 2017 ;
- la décision contestée a méconnu les dispositions des articles L. 313-11 (7°) et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée le 30 juillet 2018 au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Berthon,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen, entré irrégulièrement en France en 2013, a bénéficié d'une prise en charge par l'aide sociale à l'enfance d'Ille-et-Vilaine à partir du 13 juin 2013. Il a demandé, le 24 novembre 2016, un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 1er septembre 2017, le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté sa demande. M. B... relève appel du jugement du 27 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 septembre 2018. Par conséquent, sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Contrairement à ce que soutient M.B..., le jugement attaqué du 13 décembre 2017 expose de manière détaillée sa situation privée et familiale ainsi que son parcours individuel. Par suite, ce jugement est suffisamment motivé et n'est donc pas irrégulier.
Sur la légalité de la décision contestée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
4. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. ".
5. Par la décision contestée du 1er septembre 2017, le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé au requérant la délivrance d'un titre de séjour au motif que celui-ci avait usurpé l'identité d'un compatriote pour pouvoir bénéficier d'une prise en charge sociale en qualité de mineur et qu'il ne remplissait donc pas la condition d'âge lui permettant de bénéficier des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il est constant que M. B...a demandé, le 24 novembre 2016, un titre de séjour sur le seul fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, alors que sa demande faisait toujours l'objet d'une instruction par la préfecture d'Ille-et-Vilaine, son avocat a adressé à la préfecture un courrier tendant à ce que son droit au séjour soit également examiné sur le fondement des articles L. 313-11 (7°) et L. 313-14 du même code. En raison des termes employés dans ce courrier, celui-ci doit être regardé comme précisant et complétant la demande du 24 novembre 2016 et non pas comme introduisant une demande nouvelle. Il ne ressort d'ailleurs pas des pièces du dossier que le courrier du 3 mars 2017 aurait donné lieu à une instruction distincte de la part des services de la préfecture. Si le préfet d'Ille-et-Vilaine peut être regardé comme ayant également rejeté la demande de M. B... sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 dans la mesure où il a expressément écarté l'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, il n'a ni visé l'article L. 313-14 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni examiné si M. B... pouvait être admis exceptionnellement au séjour en raison de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels. Par suite sa décision est entachée d'illégalité et doit, pour ce motif, être annulée.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, l'annulation prononcée par le présent arrêt, eu égard au motif qui la fonde, implique seulement que le préfet d'Ille-et-Vilaine réexamine la situation administrative de M.B.... Il y a lieu d'adresser au préfet une injonction en ce sens et de fixer à deux mois le délai imparti pour son exécution.
Sur les frais de l'instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Le Verger, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat un somme de 1 200 euros à verser à Me Le Verger en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par M.B....
Article 2 : Le jugement n° 1704181 du tribunal administratif de Rennes du 27 juin 2018 est annulé.
Article 3 : La décision du 1er septembre 2017 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé à M. D...A..., se disant E...B..., un titre de séjour est annulée.
Article 4 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer la situation de M. B...dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à Me Le Verger la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 janvier 2019.
Le rapporteur
E. BerthonLe président
O. Coiffet
Le greffier
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18NT02857