Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 novembre 2015, M. C...A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes du 2 octobre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2015 du préfet du Pas-de-Calais portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant son pays de renvoi et prononçant son placement en rétention administrative ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué, qui renverse la charge de la preuve en ce qui concerne le caractère contradictoire de la procédure, est entaché d'une erreur de droit ;
- l'arrêté contesté a été pris au terme d'une procédure irrégulière ;
- cet arrêté est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'absence de décision fixant son pays de renvoi entache d'illégalité la décision de placement en rétention administrative ;
- le recours systématique à la rétention est contraire à la directive 2008/11/CE du 16 décembre 2008 ;
- la décision portant placement en rétention administrative est contraire aux articles L. 551-1, L. 551-2 et L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2016, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 octobre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. C... A..., ressortissant se disant de nationalité soudanaise, relève appel du jugement du 2 octobre 2015 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 septembre 2015 du préfet du Pas-de-Calais portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant son pays de renvoi et prononçant son placement en rétention administrative ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition établi le 29 septembre 2015 lors de l'interpellation de M. A...alors qu'il se trouvait à proximité du centre de rétention administrative de Coquelles, que l'intéressé a été informé qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à cette occasion, il a été invité à faire valoir ses éventuelles observations ; que par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne manque en fait et ne peut dès lors, et en tout état de cause, qu'être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., célibataire et sans enfant, est entré irrégulièrement en France et a été interpellé le 29 septembre 2015 alors qu'il tentait d'emprunter le tunnel sous la Manche pour rejoindre clandestinement l'Angleterre ; qu'il est constant que l'intéressé, qui soutient avoir quitté le Soudan au cours du mois de septembre 2013, a séjourné plusieurs jours dans la " jungle de Calais " et n'a effectué en France aucune démarche, ni présenté aucune demande de titre de séjour, y compris en qualité de réfugié, en vue de la régularisation de sa situation administrative ; que dans ces conditions, en prenant l'arrêté contesté le préfet du Pas-de-Calais n'a entaché ses décisions d'aucune erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressé ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu de la directive du 16 décembre 2008, le placement en rétention n'est possible que si l'assignation à résidence n'est pas suffisante pour éviter le risque que l'étranger ne se soustraie à l'obligation de quitter le territoire dont il fait l'objet ; que, toutefois, il résulte des termes de la directive que, d'une part, le placement en rétention peut trouver à s'appliquer notamment s'il existe un risque de fuite ou si l'étranger empêche la réalisation de la mesure d'éloignement et que, d'autre part, l'assignation à résidence ne doit être privilégiée que dans des cas particuliers et à condition que cette mesure puisse être appliquée efficacement ; qu'il résulte du II de l'article L. 511-1 et de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la rétention administrative de l'étranger ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français n'est possible que s'il s'est soustrait à cette obligation ou s'il existe des éléments objectifs qui, sauf circonstances particulières, permettent à l'autorité administrative de regarder comme établi le risque qu'il s'y soustraie ; que les cas particuliers justifiant que soit prononcé un placement en rétention administrative, prévus à l'article 15 de la directive précitée, sont définis à l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en outre, l'autorité administrative est tenue d'effectuer, sous le contrôle du juge, un examen de la situation de chaque étranger afin notamment d'examiner si les conditions légales permettant le placement en rétention sont réunies et si l'étranger bénéficie de garanties de représentation effectives ; qu'il en résulte que les dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne méconnaissent ni l'exigence de proportionnalité rappelée par le 4 de l'article 8 de cette directive ainsi que son seizième considérant, ni les conditions de traitement de l'étranger placé en rétention, mentionnées au paragraphe 17 du préambule de cette directive ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ;
5. Considérant que pour le surplus, M. A...se borne à invoquer devant le juge d'appel, sans plus de précisions ou de justifications, les mêmes moyens que ceux développés en première instance ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné du tribunal administratif, et tirés de ce que l'arrêté contesté est suffisamment motivé et ne révèle aucun défaut d'examen de la situation individuelle et familiale de l'intéressé, de ce que le préfet n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de ce que cette autorité, qui contrairement à ce que soutient le requérant a fixé son pays de renvoi en indiquant qu'il quittera la France " à destination du pays qui reconnaîtra sa nationalité ou tout autre pays dans lequel il est légalement admissible à l'exception de la région du Darfour si celui-ci est reconnu ressortissant soudanais ", n'a entaché sa décision portant placement en rétention administrative d'aucune erreur de droit et n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 551-1, L. 551-2 et L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif, qui n'a pas renversé la charge de la preuve, a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer une carte de séjour temporaire, doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. Lemoine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 juin 2016
Le rapporteur,
V. GélardLe président,
O. Coiffet
Le greffier,
A. Maugendre
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT03426