Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 août 2018 M. A...D..., représenté par la MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 9 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2017 du préfet du Doubs ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) d'enjoindre au préfet du Doubs de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;
5°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité car les premiers juges ont commis deux erreurs de fait ; il justifie être présent sur le territoire français de façon habituelle depuis l'année 2010 et il démontre disposer d'attaches familiales en France, notamment deux frères dont l'un est de nationalité française et l'autre titulaire d'une carte de résident d'une durée de dix ans ;
- le jugement critiqué est insuffisamment motivé quant à son insertion professionnelle ;
- En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée en fait et en droit et le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;
- elle méconnait le droit d'être entendu et le principe du contradictoire garantis par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'union européenne ;
- elle a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- En ce qui concerne la décision de ne pas accorder un délai de départ volontaire :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale par en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur de droit car elle méconnait les dispositions du II 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- compte tenu des motifs exposés s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français, elle a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour pour une durée de deux ans :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions du 8e alinéa du III de l'article
L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est intervenue en violation de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2018, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 2 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., ressortissant tunisien, a sollicité l'annulation de l'arrêté du 27 novembre 2017 par lequel le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour en France pour une durée de deux ans. Il relève appel du jugement du 9 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, le moyen tiré de ce que les premiers juges ont commis une erreur de fait s'agissant de l'existence d'attaches familiales en France de M. D...et de sa présence habituelle dans ce pays depuis l'année 2010 relève du bien fondé du jugement attaqué et est, par suite, sans incidence sur sa régularité.
3. D'autre part, pour répondre au moyen tiré de la violation par la décision portant obligation de quitter le territoire de sa vie privée et familiale de l'intéressé, les premiers juges ont indiqué dans le point 5 du jugement attaqué qu'il était constant que l'intéressé avait fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire français le 11 janvier 2014 et d'une deuxième le 5 juillet 2016, auxquelles il n'avait pas déféré, ajoutant que " si M. D...justifiait occuper un emploi depuis le mois de juillet 2014, cette insertion professionnelle, outre qu'elle était intervenue alors que l'intéressé était sous le coup des obligations de quitter le territoire français sus-évoquées, ne suffisait pas, à démontrer qu'il disposait en France de liens d'une intensité particulière et que si M. D...indiquait ne pas disposer d'attaches familiales en Tunisie, il ne soutenait pas, et a fortiori ne démontrait, disposer de telles attaches sur le territoire français, l'intéressé indiquant lui-même que son épouse et ses enfants résident en Italie ". Les premiers juges ont ainsi suffisamment motivé le jugement attaqué sur ce point.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
4. Si M.D..., qui est entré en France à l'âge de 35 ans, établit que deux de ses frères y résidant sont, pour l'un, de nationalité française et, pour l'autre, titulaire d'un titre de résident, il ne justifie pas toutefois avoir tissé des liens particuliers avec eux. Il a par ailleurs lui-même déclaré que son épouse et ses deux enfants résidaient en Italie et ne démontre pas être totalement dépourvu d'attaches familiales et privées dans son pays d'origine où il a passé la majeure partie de sa vie et dans lequel résident ses parents et d'autres frères et soeurs. Les éléments versés au dossier ne permettent pas d'établir non plus la réalité de son séjour habituel sur le territoire français depuis 2010 ainsi qu'il persiste à le soutenir. Il est également constant que le requérant a fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire français le 11 janvier 2014 et d'une seconde le 5 juillet 2016, auxquelles il n'a pas déféré et que l'insertion professionnelle dont il se prévaut depuis juillet 2014 en qualité de pizzaïolo est intervenue alors qu'il était sous le coup de ces mesures et était dépourvu de titre de séjour. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur de fait ni d'erreur d'appréciation que les premiers juges ont estimé qu'en obligeant l'intéressé à quitter le territoire français le préfet du Doubs n'avait pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale et n'avait pas, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni, pour les mêmes motifs, entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.
5. Par ailleurs et pour le surplus, M. D...se borne à invoquer devant le juge d'appel, sans plus de précisions ou de justifications, les mêmes moyens que ceux développés en première instance. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges et tirés de ce que l'arrêté contesté est suffisamment motivé, qu'il est intervenu à l'issue d'un examen particulier et attentif de la situation et n'a pas méconnu le droit du requérant à être entendu préalablement à une décision administrative défavorable, énoncé à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de ce que la décision de refus de délai de départ volontaire, la décision fixant le pays de renvoi et la décision portant interdiction de retour sur le territoire ne sont pas illégales en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de ce que le préfet du Doubs, qui ne s'est pas estimé en situation de compétence liée, n'a pas fait une inexacte application des dispositions du II 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni du 8e alinéa du III de cet article, enfin de ce que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues et de ce que l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. Il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : La requête de D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2019 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 25 janvier 2019.
Le rapporteur,
O. Coiffet Le président,
I. Perrot
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18NT031402