Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 mai 2020 Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 décembre 2019 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 11 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros au titre des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal ne pouvait écarter le moyen tiré du vice d'incompétence en s'appuyant sur un arrêté de délégation de signature qui ne lui a pas été communiqué ;
- il n'a pas été justifié de la régularité de la procédure de consultation pour avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et le tribunal a inversé la charge de la preuve en écartant le moyen tiré du vice de procédure sans que cet avis ait été communiqué ;
- le préfet ne l'a pas invitée à présenter ses observations sur cet avis, préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté ; la matérialité et la teneur de l'avis émis par l'OFII n'est pas établie ;
- en s'estimant lié par cet avis, le préfet a commis une erreur de droit ;
- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des dispositions des 11° de l'article L. 313-11 et 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de renvoi a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 22 février 2021, le préfet des Côtes-d'Armor conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par Mme D... n'est fondé.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 17 mai 1968, est entrée irrégulièrement en France le 30 juin 2015. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 27 avril 2016 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 14 décembre 2016 par la Cour nationale du droit d'asile. Après avoir fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 3 mai 2017, l'intéressée a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales le 4 avril 2018. Par un arrêté du 11 avril 2019, le préfet des Côtes-d'Armor a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... relève appel du jugement du 27 décembre 2019 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le juge peut régulièrement se fonder, pour écarter un moyen d'incompétence, sur un arrêté de délégation de signature, lequel revêt un caractère réglementaire, dès lors qu'il a été régulièrement publié, quand bien même cet arrêté n'aurait été ni communiqué aux parties ni même produit devant le juge par l'une d'entre elles ou produit postérieurement à la clôture de l'instruction. L'arrêté du 11 décembre 2017 sur lequel s'est fondé le tribunal a été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture des Côtes-d'Armor, dans un numéro spécial 98 du même jour qui peut être consulté en ligne et se trouve accessible sur le site internet de la préfecture. Par suite, en se fondant sur cet arrêté sans en assurer la communication aux parties les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité.
3. Mme D... soutient que les premiers juges ont inversé la charge de la preuve en ce qui concerne la régularité de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce faisant, la requérante critique l'appréciation au fond portée par les premiers juges sur son recours pour excès de pouvoir et un tel moyen ne peut être utilement invoqué pour contester la régularité du jugement attaqué.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 de ce code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ".
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été pris après un avis rendu le 10 décembre 2018 par le collège de médecins de l'OFII. Si Mme D... se prévaut de l'irrégularité de la procédure de consultation de ce collège, elle n'apporte à l'appui de ce moyen aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
6. Pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité par Mme D... pour raisons médicales, le préfet des Côtes-d'Armor s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée n'avait pas produit d'élément de nature à contredire le sens de l'avis émis le 10 décembre 2018 par le collège de médecins de l'OFII selon lequel l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, d'une part, et pouvait lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine, d'autre part. Si Mme D... se prévaut d'un certificat établi le 7 mai 2019 par un psychiatre faisant notamment état de la nécessité d'une prise en charge médicale et psychiatrique et d'un traitement régulier dont le défaut serait susceptible d'exposer l'intéressée à un risque de rechute dépressive, d'idées noires et d'angoisses majeures, ce certificat, établi postérieurement à l'arrêté contesté ne suffit pas, eu égard notamment aux termes dans lesquels il est rédigé, à établir l'existence d'un risque de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de prise en charge. Dans ces conditions Mme D... ne peut utilement se prévaloir de la circonstance, à la supposer établie, qu'elle ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine des soins que nécessite son état de santé. Par suite, en refusant la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressée et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet des Côtes-d'Armor n'a pas méconnu les dispositions des 11° de l'article L. 313-11 et 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Pour le surplus, Mme D... se borne à invoquer devant le juge d'appel, sans plus de précisions ou de justifications, les mêmes moyens que ceux développés en première instance et tirés de ce que l'arrêté contesté aurait été signé par une autorité incompétente, de ce que le préfet ne l'a pas invité à présenter ses observations sur l'avis du collège de médecins de l'OFII et aurait commis une erreur de droit en s'estimant lié par cet avis et de ce que la décision fixant le pays de renvoi aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Côtes d'Armor.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président,
- Mme B..., président-assesseur,
- M. Berthon premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2021.
Le rapporteur
C. B...
Le président
I. Perrot
Le greffier,
A Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20NT015342