Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 mars 2014, M. et MmeA..., représentés par MeD..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 janvier 2014 ;
2°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) d'Indre-et-Loire le versement d'une somme de 81 365 euros en réparation des préjudices mobiliers et immobiliers consécutifs à la reprise de feu dans leur habitation, et d'une somme de 15 000 euros en réparation des préjudices immatériels ;
3°) de mettre à la charge du SDIS d'Indre-et-Loire le versement d'une somme de 3 000 euros par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a estimé, qu'avec une probabilité d'environ 90%, le second sinistre était dû à une reprise de feu ;
- le SDIS a commis une faute dans sa mission de surveillance pour parer à une telle reprise de feu : compte tenu des caractéristiques de la construction, le contrôle superficiel par caméra thermique ne garantissait pas à lui seul l'absence de feu couvant sous le plancher ou dans un mur et le SDIS aurait dû dans ces conditions, laisser sur place un piquet de surveillance ;
- le plafond de la garantie du mobilier ayant été atteint avec les conséquences du 1er sinistre, les époux A...ont conservé à leur charge une somme de 81 365 euros ;
- contraints de se reloger pendant 18 mois, ils ont en outre enduré une perte de jouissance et un préjudice moral, Mme A...a en outre subi des conséquences psychologiques ;
- le SDIS ne saurait en tout état de cause établir l'existence d'une faute de M. A...susceptible d'exonérer sa responsabilité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2014, le Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) d'Indre-et-Loire, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de M. et Mme A...le versement d'une somme de 3 000 euros par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 9 octobre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 9 novembre 2015 en application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales.
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Loirat,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant M. et MmeA....
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 19 novembre 2011, vers deux heures du matin, un incendie s'est déclaré dans la maison d'habitation des épouxA..., située dans la commune de Saint-Avertin ; que les sapeurs pompiers du service départemental d'incendie et secours (SDIS) d'Indre-et-Loire sont intervenus rapidement et ont circonscrit cet incendie, d'origine électrique, qui avait affecté le rez-de-chaussée de la construction, vers 4 heures ; qu'un nouvel incendie s'est déclaré le même jour vers 14 heures, provoquant très rapidement un embrasement général de la maison ; que M. et MmeA..., estimant que ce second incendie est dû à une reprise de feu, elle-même rendue possible par un défaut de surveillance et de contrôle, ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le SDIS d'Indre-et-Loire à les indemniser des préjudices qu'ils ont ainsi subis ; que, par la présente requête, ils relèvent appel du jugement du 30 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande ;
Sur la responsabilité du SDIS d'Indre-et-Loire :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : " Les services d'incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. / Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l'évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu'aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : / 1° La prévention et l'évaluation des risques de sécurité civile ; / 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l'organisation des moyens de secours ; / 3° La protection des personnes, des biens et de l'environnement ; / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la maison d'habitation des époux A...est une construction en pierres de type " longère " datant du XVII ou XVIIIème siècle, comportant un étage mansardé sous un toit de tuiles, dont la structure porteuse et la charpente sont en bois et le plancher garni d'un remplissage en torchis ; que l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a successivement écarté les hypothèses d'un feu d'origine naturelle en l'absence d'orage, d'un feu d'origine électrique dès lors que le courant électrique était coupé depuis le premier incendie, et d'un incendie causé par un mégot car le feu se serait en pareil cas déclaré beaucoup plus rapidement ; que l'expert estime que l'hypothèse d'un incendie volontaire est très peu vraisemblable, alors que n'ont été relevés ni traces d'effractions ni présence d'accélérant ou hydrocarbures, et que le portail d'accès était resté fermé à clé depuis le départ de M. A...vers 11h30 ; que l'expert conclut dès lors à l'existence d'une reprise de feu par combustion lente de la poutre longitudinale en chêne depuis la verticale du premier incendie, le délai constaté entre l'extinction du premier incendie vers 4 heures du matin et la reprise de feu vers 14 heures étant compatible avec la vitesse de combustion d'une telle poutre, et que cette combustion, développée dans un plenum étroit, hétérogène et confiné, aurait provoqué une auto-inflammation favorisée par la très forte présence de bois dans la construction et la circulation de l'air résultant de l'ouverture des chiens-assis de l'étage ;
4. Considérant qu'il incombe aux services de secours et de lutte contre l'incendie de prendre toute mesure de vérification et de contrôle destinée à prévenir le risque d'une reprise du feu ; qu'il résulte de l'instruction qu'après extinction du premier incendie et avant leur départ du site, vers 4 heures, les pompiers ont procédé au contrôle des derniers points chauds par caméra thermique et aux opérations de ventilation et dégarnissage, ainsi qu'au mouillage des dernières poutres ; qu'une première ronde de surveillance a eu lieu vers 6 heures 30, au cours de laquelle il a été mentionné que subsistaient quelques fumerolles, et qu'une nouvelle ronde aurait lieu vers 9 heures ; que lors de cette seconde ronde, l'usage de la caméra thermique n'a relevé aucun point chaud, la présence de monoxyde de carbone n'a pas été détectée et la ventilation naturelle a été maintenue ; que si M.A..., présent lors de ces rondes de surveillance, a signalé avoir senti une chaleur sous ses pieds au-dessus du point de départ du premier incendie, le pompier a vérifié cet endroit au moyen de la camera thermique et constaté que la température y était normale ; que dans ces conditions, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction et en particulier du rapport d'expertise que les mesures de surveillance ainsi mises en oeuvre n'auraient pas été appropriées à la configuration des lieux ou aux caractéristiques de la construction en cause, la circonstance que les pompiers n'ont pas procédé à la destruction du plancher à l'endroit précité signalé par M. A...ne saurait constituer une faute ; que par ailleurs, compte tenu de l'ampleur relativement limitée du premier sinistre et alors que M. A...est resté sur les lieux jusqu'à 11 heures 30, la circonstance que le SDIS d'Indre-et-Loire n'a pas mis en place un piquet de surveillance ne constitue pas davantage un manquement aux obligations précitées du SDIS de prévenir tout risque de feu ; qu'il s'ensuit qu'aucune faute de nature à engager la responsabilité du SDIS d'Indre-et-Loire ne peut être imputée aux sapeurs-pompiers ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. et Mme A...doivent, dès lors, être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme A...le paiement au SDIS d'Indre-et-Loire de la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du SDIS d'Indre-et-Loire tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...et au service départemental d'incendie et de secours d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 9 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er mars 2016.
Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT00616