Il soutient que :
- l'arrêté du 3 juin 2021 portant transfert de M. A... B... en Italie n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; il n'est pas établi que la décision portant obligation de quitter le territoire italien du 23 mars 2021 fasse suite à une demande d'asile de M. A... B... auprès de autorités italiennes, la mesure ayant été édictée après un contrôle peu après son arrivée sur le territoire italien ; il n'est pas établi que M. A... B... aurait accompli les démarches pour déposer une demande d'asile auprès des autorités italiennes ;
- M. A... B... ne présente pas une situation de vulnérabilité particulière justifiant de faire application des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- il n'est pas établi qu'il existerait en Italie des défaillances systémiques au sens de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- il s'en remet à ses écritures devant le tribunal administratif de Nantes pour les autres moyens soulevés par M. A... B....
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2021, M. A... B..., représenté par Me Neraudau, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête du préfet de Maine-et-Loire ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocate en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Nantes, la décision de transfert méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- les dispositions de l'article 22 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues en l'absence de décision d'acceptation italienne.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 28 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Béria-Guillaumie, première conseillère,
- et les observations de Me Neraudau, représentant M. A... B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... A... B..., ressortissant soudanais né en janvier 1987, est entré en France pour la seconde fois en mars 2021. Il a déposé une demande d'asile qui a été enregistrée le 31 mars 2021. Par une décision du 3 juin 2021, le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile, et par une décision du même jour, a également prononcé son assignation à résidence. Le préfet de Maine-et-Loire relève appel du jugement du 17 juin 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions du 3 juin 2021 et lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de M. A... B....
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
3. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
4. Il est constant que M. A... B... a été transféré en Italie le 23 mars 2021 en vue de l'examen par les autorités de ce pays, responsables de l'examen de sa demande d'asile en application du 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Toutefois, interpellé le jour même par la police d'Etat italienne à l'aéroport de Rome, l'intéressé s'est vu notifier le même jour par l'autorité italienne compétente, la questura de Rome, une obligation de quitter le territoire italien, dans un délai de sept jours, sans aucune mention du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Si le préfet de Maine-et-Loire fait valoir que M. A... B... n'a pas déposé de demande d'asile en Italie et que la décision fait suite à son entrée sur le territoire italien, il n'en demeure pas moins que cette mesure d'éloignement, alors que l'Italie est responsable de l'examen de la demande d'asile de M. A... B... quel que soit le pays où il a déposé cette demande, était de nature à remettre en cause le déroulement normal de la procédure de demande d'asile dont les autorités italiennes avaient la charge en application des dispositions du règlement précité du 26 juin 2013 et de porter une atteinte grave au droit de l'intéressé à voir sa demande d'asile examinée, en raison notamment du caractère automatique de la mesure d'éloignement ainsi prise et du défaut de caractère suspensif du recours contre celle-ci, en violation des dispositions des paragraphes 2 et 3 de l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui exigent respectivement que soient accordés à la personne concernée, outre le droit à l'examen de sa demande de protection internationale, " un délai raisonnable pour exercer son droit à un recours effectif " et " le droit de rester dans l'Etat membre concerné en attendant l'issue de son recours ". M. A... B..., revenu en France quelques jours après cette mesure d'éloignement, a sollicité le 31 mars 2021 que lui soit accordé l'asile selon la procédure prévue à l'article L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fait état de la mesure d'éloignement prise à son encontre par les autorités italiennes. Dans ces conditions, et en l'absence de tout élément ou pièce produit par le préfet de Maine-et-Loire de nature à établir que l'intéressé serait désormais assuré de l'examen effectif de sa demande d'asile en Italie, dès lors notamment qu'il ne ressort pas du dossier que la mesure d'éloignement immédiatement exécutoire décidée par la questura de Rome aurait été abrogée, M. A... B... doit être regardé comme apportant la preuve qu'il existe un risque sérieux que sa demande ne soit pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il s'ensuit que l'intéressé est fondé à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne se saisissant pas de la faculté d'instruire sa demande d'asile en France en application de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Maine-et-Loire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé, d'une part, son arrêté du 3 juin 2021 décidant le transfert de M. A... B... aux autorités italiennes, et d'autre part, par voie de conséquence, son arrêté du même jour assignant l'intéressé à résidence.
Sur les frais liés au litige :
6. M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me Neraudau dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de Maine-et-Loire est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Neraudau la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... A... B..., à Me Neraudau et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2022.
La rapporteure,
M. BERIA-GUILLAUMIELe président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT01877