Par un jugement n°s 0904541 et 1000859 du 11 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a condamné la société Solios Environnement à verser, d'une part, à la société Géval la somme de 64 662, 31 euros et d'autre part, à la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique, venue aux droits du syndicat mixte de la région d'Auray-Belz-Quiberon, la somme de 971 041, 24 euros.
Procédure devant la cour avant cassation :
I. Par une requête et deux mémoires, enregistrés sous le n° 15NT02571 le 13 août 2015 et les 9 février et 9 juin 2017, la société Fives Solios, représentée par Me I..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 11 juin 2015 en tant qu'il statue sur l'affaire n° 0904541 introduite par la société Geval en tant seulement qu'il rejette ses appels en garantie formés contre la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique, la société Vinci Environnement, la société Ingerop Conseil et Ingénierie et Me N..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société Litwin ;
2°) de condamner solidairement la société Vinci Environnement, la société Ingerop Conseil et Ingénierie, Me N..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société Litwin, et la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique à la garantir des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Geval ;
3°) de mettre à la charge solidaire de la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique, de la société Vinci Environnement, de la société Ingerop Conseil et Ingénierie et de Me N..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société Litwin, la somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer et de défaut de motivation ;
- elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du marché conclu avec le SIVOM, aux droits duquel vient aujourd'hui la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique ;
- la société Vinci Environnement, qui était chargée de concevoir et réaliser la réhabilitation du four d'incinération, a commis des fautes de nature à engager, à son égard, sa responsabilité quasi-délictuelle ;
- la société Ingerop Conseil et Ingénierie, chargée d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre, a également commis des fautes, de nature à engager à son égard sa responsabilité quasi délictuelle ; elle est donc fondée à rechercher sa garantie ou celle du mandataire liquidateur de la société Litwin, si celle-ci vient aux droits de la société Ingerop ;
- la communauté de communes, qui n'a pas introduit d'action à son encontre dans le délai de la garantie de parfait achèvement, doit la garantir des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Geval.
Par deux mémoires, enregistrés le 21 décembre 2015 et le 25 août 2016, Me N..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société Litwin, conclut au rejet des conclusions dirigées contre lui par la société Fives Solios et à l'incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur l'appel en garantie formé à son encontre par la société Ingerop. Il demande également que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Fives Solios au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les demandes de la société Ingerop à son encontre sont fondées sur un contrat de cession de fonds de commerce et ne relèvent donc pas de la compétence du juge administratif ;
- les sociétés Fives Solios et Ingerop sont irrecevables à lui demander le paiement d'une somme d'argent car aucune procédure n'était encore en cours le 1er février 2012 lorsqu'a été ouverte la procédure collective de la société Litwin ;
- la société Ingerop n'a pas déclaré sa créance au passif de la société Litwin ;
- l'expert n'a pas retenu de responsabilité de la maîtrise d'oeuvre ;
- la société Litwin n'a jamais été titulaire du marché objet du présent litige.
Par des mémoires, enregistrés le 1er février 2016 et le 29 mai 2017, la société Ingerop Conseil et Ingénierie conclut au rejet des conclusions dirigées contre elle par la société Fivess Solios et demande, d'une part, que les sociétés Litwin et Vinci soient condamnées à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, et d'autre part que la somme de 15 000 euros soit mise à la charge de la société Fives Solios en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
- elle n'était pas partie à l'expertise de sorte que les demandes formées à son encontre par la société Fives Solios ne sont pas recevables ;
- elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité ;
- en raison du transfert du contrat en cause alors qu'il était en cours de validité, son appel en garantie contre la société Litwin est fondé ;
- de même la société Vinci, qui s'est engagée à la garantir en cas de défaillance de la société Litwin, doit prendre en charge les condamnations prononcées à son encontre.
Par des mémoires, enregistrés le 21 mars 2016 et le 12 juin 2017, la société Vinci conclut, à titre principal, à l'incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur l'appel en garantie formé contre elle par la société Ingerop Conseil et ingénierie, à titre subsidiaire au rejet de cet appel en garantie et, à titre infiniment subsidiaire, elle appelle en garantie la société Acergy France pour la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre. Elle demande également que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Ingerop Conseil et Ingénierie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les demandes présentées contre elle par la société Ingerop Conseil et Ingénierie sont fondées sur un contrat et une convention de droit privé, de sorte que seule la juridiction judiciaire est compétente pour en connaître ;
- aucune somme n'a été déclarée au passif de la société Litwin par la société Ingerop Conseil et ingénierie ;
- la société Ingerop ne bénéficie pas d'une garantie autonome, mais seulement d'une garantie accessoire ;
- la société Stolt Offshore s'est engagée à la contre garantir à première demande des garanties et contre-garanties qu'elle avait accordées aux sociétés Ingerop et Ingerop Participations.
Par des mémoires, enregistrés le 23 septembre 2016 et le 22 mai 2017, la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Fives Solios au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué n'est entaché ni d'omission à statuer ni d'un défaut de motivation ;
- dès lors qu'elle n'a formulé aucune réserve dans le cadre de l'instance ayant conduit à l'établissement du décompte, la société Fives Solios n'est plus fondée à se prévaloir de la moindre créance vis-à-vis d'elle ;
- les réserves faites lors de la réception n'ont jamais été levées, de sorte que la responsabilité contractuelle de la société Fives Solios peut toujours être engagée ;
- la garantie de parfait achèvement vaut pour les désordres mentionnés au procès verbal de réception et ceux apparus dans l'année qui suit la réception ;
- en tout état de cause, l'article 35 du CCAG-travaux permet l'engagement de la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur après la réception pour des faits dommageables causés à des tiers par ses travaux.
Par un mémoire, enregistré le 18 mai 2017, la société Vinci Environnement conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Fives Solios au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les désordres litigieux sont de la responsabilité exclusive de la société Fives Solios ;
- sa seule obligation était de respecter une valeur minimale de températures de fumées de 850° dans l'enceinte du four et elle a respecté cette obligation, de sorte qu'elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.
Par un mémoire, enregistré le 19 mai 2017, la société Acergy France conclut au rejet de l'appel en garantie formé à son encontre par la société Vinci et elle demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Vinci au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître de l'appel en garantie formé à son encontre par la société Vinci ;
- l'action de la société Vinci dirigée contre elle est prescrite ;
- la garantie consentie par Vinci à Ingerop n'est pas mobilisable ;
- les conditions de mise en oeuvre de la contre-garantie consentie par la société Stolt Offshore ne sont pas réunies.
II. Par une requête et deux mémoires, enregistrés sous le n° 15NT02572, le 13 août 2015 et les 9 février et 9 juin 2017, la société Fives Solios, représentée par Me I..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 juin 2015 en tant qu'il statue sur l'affaire n° 1000859 introduite par la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique ;
2°) à titre principal, de prononcer un non lieu à statuer sur la demande de première instance de la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique, et à titre subsidiaire de rejeter cette demande ;
3°) de condamner solidairement la société Vinci Environnement, la société Ingerop Conseil et ingénierie et Me N..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société Litwin, à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;
4°) de condamner solidairement la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique, la société Vinci Environnement, la société Ingerop Conseil et ingénierie et Me N..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société Litwin, aux dépens ;
5°) de mettre à la charge solidaire de la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique, de la société Vinci Environnement, de la société Ingerop Conseil et ingénierie et de Me N..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société Litwin, la somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car le rapporteur public n'a donné qu'une information tardive et incomplète du sens de ses conclusions ;
- le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer et de défaut de motivation ;
- du fait de l'intervention du décompte du marché, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la communauté de communes ;
- ces conclusions sont irrecevables du fait du défaut de qualité à agir de la communauté de communes et du principe d'unicité et d'intangibilité du décompte général et définitif ;
- pour ce qui concerne la corrosion du filtre à manche, le délai de la garantie de parfait achèvement est expiré ;
- elle n'était chargée d'aucune mission de maîtrise d'oeuvre et n'a commis aucune faute contractuelle ;
- ses prétendues fautes ne présentent pas de lien de causalité avec le préjudice allégué ;
- le montant du préjudice retenu ne correspond pas au préjudice certain ;
- la société Vinci Environnement, qui était chargée de concevoir et réaliser la réhabilitation du four d'incinération, a commis des fautes de nature à engager, à son égard, sa responsabilité quasi-délictuelle ;
- la société Ingerop Conseil et ingénierie, chargée d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre, a également commis des fautes de nature à engager à son égard sa responsabilité quasi délictuelle ; elle est donc fondée à rechercher sa garantie ou celle du mandataire liquidateur de la société Litwin, si celle-ci vient aux droits d'Ingerop.
Par des mémoires, enregistrés le 21 décembre 2015 et le 25 août 2016, Me N..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société Litwin, conclut au rejet des conclusions dirigées contre lui par la société Fives Solios et à l'incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur l'appel en garantie formé à son encontre par la société Ingerop. Il demande également que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Fives Solios au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les demandes de la société Ingerop à son encontre sont fondées sur un contrat de cession de fonds de commerce et ne relèvent donc pas de la compétence du juge administratif ;
- les sociétés Fives Solios et Ingerop sont irrecevables à lui demander le paiement d'une somme d'argent car aucune procédure n'était encore en cours le 1er février 2012 lorsqu'a été ouverte la procédure collective de la société Litwin ;
- la société Ingerop n'a pas déclaré sa créance au passif de la société Litwin ;
- l'expert n'a pas retenu de responsabilité de la maîtrise d'oeuvre ;
- la société Litwin n'a jamais été titulaire du marché objet du présent litige.
Par des mémoires, enregistrés le 1er février 2016 et le 29 mai 2017, la société Ingerop Conseil et ingénierie conclut au rejet des conclusions dirigées contre elle par la société Fives Solios et demande, d'une part, que les sociétés Litwin et Vinci soient condamnées à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, et d'autre part, que la somme de 15 000 euros soit mise à la charge de la société Fives Solios en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
- elle n'était pas partie à l'expertise de sorte que les demandes formées à son encontre par la société Fives Solios ne sont pas recevables ;
- elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité ;
- en raison du transfert du contrat en cause alors qu'il était en cours de validité, son appel en garantie contre la société Litwin est fondé ;
- de même la société Vinci, qui s'est engagée à la garantir en cas de défaillance de la société Litwin, doit prendre en charge les condamnations prononcées à son encontre.
Par des mémoires, enregistrés le 21 mars 2016 et le 12 juin 2017, la société Vinci conclut, à titre principal, à l'incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur l'appel en garantie formé contre elle par la société Ingerop Conseil et Ingenierie, à titre subsidiaire, au rejet de cet appel en garantie et, à titre infiniment subsidiaire, elle appelle en garantie la société Acergy France pour la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre. Elle demande également que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Ingerop Conseil et ingénierie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les demandes présentées contre elle par la société Ingerop Conseil et ingénierie sont fondées sur un contrat et une convention de droit privé, de sorte que seule la juridiction judiciaire est compétente pour en connaître ;
- aucune somme n'a été déclarée au passif de la société Litwin par la société Ingerop Conseil et ingénierie ;
- la société Ingerop ne bénéficie pas d'une garantie autonome, mais seulement d'une garantie accessoire ;
- la société Stolt Offshore s'est engagée à la contre garantir à première demande des garanties et contre-garanties qu'elle avait accordée aux sociétés Ingerop et Ingerop Participations.
Par des mémoires, enregistrés le 23 septembre 2016 et le 22 mai 2017, la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique conclut au rejet de la requête et demande, par la voie de l'appel incident, que la société Fives Solios soit condamnée à lui verser la somme de 3 169 742,76 euros TTC, assortie des intérêts à compter du 26 février 2010 et de leur capitalisation au 26 février 2011 et à chaque échéance annuelle ultérieure ; elle demande également que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Fives Solios au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société Fives Solios ne s'est plainte ni à l'audience ni par une note en délibéré de n'avoir pas eu connaissance suffisamment tôt du sens des conclusions du rapporteur public ;
- le jugement attaqué n'est entaché ni d'omission à statuer ni d'un défaut de motivation ;
- la clause de son contrat avec la société Geval, dont au demeurant la société Solios ne peut se prévaloir, ne concerne pas les travaux de réfection portant sur la structure même de l'ouvrage, de sorte qu'elle a bien qualité pour agir ;
- l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 18 juillet 2013, qui arrête les comptes entre les parties, réserve la question du litige avec la société Fives Solios ;
- les réserves faites lors de la réception n'ont jamais été levées, de sorte que la responsabilité contractuelle de la société Fives Solios peut toujours être engagée ;
- la garantie de parfait achèvement vaut pour les désordres mentionnés au procès verbal de réception et ceux apparus dans l'année qui suit la réception ;
- les désordres résultent de la seule faute de la société Fives Solios et non de fautes d'autres intervenants ;
- le montant du préjudice retenu par le tribunal est établi ;
- en revanche, doit également être retenu un préjudice d'un montant de 2 014 595,54 euros TTC au titre de la corrosion, un préjudice de 57 349,16 euros TTC au titre de la mise en service industriel et un préjudice de 863 093,40 euros TTC au titre du remplacement du filtre à manche.
Par un mémoire, enregistré le 19 mai 2017, la société Acergy France conclut au rejet de l'appel en garantie formé à son encontre par la société Vinci et elle demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Vinci au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître de l'appel en garantie formé à son encontre par la société Vinci ;
- l'action de la société Vinci dirigée contre elle est prescrite ;
- la garantie consentie par Vinci à Ingerop n'est pas mobilisable ;
- les conditions de mise en oeuvre de la contre-garantie consentie par la société Stolt Offshore ne sont pas réunies.
Par un mémoire, enregistré le 23 mai 2017, la société Vinci Environnement conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Fives Solios au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les désordres litigieux sont de la responsabilité exclusive de la société Fives Solios ;
- sa seule obligation était de respecter une valeur minimale de températures des fumées de 850° dans l'enceinte du four et elle a respecté cette obligation, de sorte qu'elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.
Par un arrêt n° 15NT02571 et 15NT02572 du 6 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a partiellement fait droit aux conclusions d'appel de la SA Fives Solios, venue aux droits de la société Solios Environnement en ramenant à 229 800,01 euros le montant de sa condamnation à l'égard de la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique et a rejeté le surplus de ses conclusions, en particulier celles relatives aux appels en garantie qu'elle a formés contre la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique, la société Vinci Environnement, la société Ingerop Conseil et Ingénierie et la société Litwin, en la personne de son mandataire liquidateur Me N....
Par une décision n° 414064 du 6 février 2019, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 6 juillet 2017 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'il avait rejeté la requête n° 15NT02571 de la SA Fives Solios et a renvoyé l'affaire à la cour pour y être jugée dans cette mesure.
Procédure contentieuse devant la cour après cassation :
Par un mémoire, enregistré le 5 juin 2019, Me N..., ès qualités de liquidateur de la société Litwin, représenté par Me J..., demande à la cour :
1°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 juin 2015 en tant qu'il a rejeté l'appel en garantie de la société Ingérop comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaitre ;
2°) à titre principal, de rejeter toute demande de condamnation pécuniaire à son encontre, et notamment l'appel en garantie formé par la société Ingérop à son encontre ;
3°) à titre subsidiaire, de rejeter toutes les demandes de la SA Fives Solios et de la société Ingérop le concernant ;
4°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la juridiction administrative est incompétente pour connaitre de l'appel en garantie formé par la société Ingérop à son encontre puisque ces demandes sont fondées sur le contrat de cession de fonds de commerce du 12 mars 2001, contrat de droit privé ;
- les demandes à son encontre sont irrecevables :
o en application des dispositions, d'ordre public, des articles L. 622-21 et L. 622-7 du code de commerce, aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre de la société Litwin ou du liquidateur postérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire, le 1er février 2012, dès lors qu'aucune instance n'était en cours au jour d'ouverture de la procédure collective ; les demandes formées à son encontre visent bien une créance antérieure au jugement d'ouverture de la liquidation ; les créances n'ont pas été déclarées dans les deux mois suivant la publication du jugement au Bulletin des Annonces Civiles et Commerciales ;
o la société Ingérop n'a pas déclaré les créances dont elle entend se prévaloir à son encontre au passif de la société Litwin ; elle n'a déclaré au passif de la société qu'une somme correspondant au paiement de frais d'avocat dans diverses procédures antérieures ; les créances visées pour mémoire concernent d'autres instances ; en outre, l'absence de chiffrage de la créance en cause méconnait l'article L. 622-25 du code de commerce ;
- l'appel en garantie formé à son encontre n'est pas fondé :
o l'expert n'a retenu aucune responsabilité de la maîtrise d'oeuvre dans la survenue des désordres ; la mission du maître d'oeuvre ne comportait que la seule rédaction du programme et non d'un cahier des charges ; le maître d'oeuvre n'avait aucun rôle dans la conception des ouvrages proposés par les soumissionnaires ; la société Litwin a bien attiré l'attention sur les risques de corrosion et a demandé à plusieurs reprises communication des notes de calcul des ouvrages ;
o la société Litwin n'a jamais été titulaire du marché de maîtrise d'oeuvre en cause ; la transmission du fonds de commerce intervenue le 12 mars 2001 n'a pas entrainé la transmission du marché public, le SIVOM, maître d'ouvrage, n'ayant jamais donné son accord à la transmission par la société Ingérop du marché de maîtrise d'oeuvre et n'en ayant pas été informé ; aucune acceptation tacite n'est établie.
Par un mémoire, enregistré le 13 novembre 2019, la société Ingérop Conseil et Ingénierie, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0904541 du tribunal administratif de Rennes du 11 juin 2015 en tant qu'il a rejeté ses demandes d'appel en garantie dirigées contre la société Litwin comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaitre ;
2°) de condamner la société Litwin et Me N... à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
3°) de rejeter l'appel en garantie de la société Fives Solios dirigé à son encontre et l'ensemble des conclusions de cette société ;
4°) de mettre à la charge de la société Fives Solios la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative est compétente pour connaitre de ses conclusions contre la société Litwin et Me N... en raison de la participation de la société Litwin à l'exécution d'un travail public de reconstruction, pour le compte du SIVOM, d'une usine d'incinération ; en outre, dès lors que le fond du litige est de nature à relever, au moins en partie, de la compétence du juge administratif, le juge peut à bon droit mettre en cause une personne qui n'est intervenue dans la construction de l'ouvrage qu'en exécution de contrats de droit privé ;
- elle a bien procédé à sa déclaration de créance au passif de la société Litwin dans le délai de deux mois résultant des dispositions de l'article R. 622-24 du code de commerce, soit le 15 mars 2012 ; il est admis que des créances soient déclarées pour mémoire, sans être chiffrées, l'article L. 624-2 du code de commerce ne les excluant pas ;
- la cession du fonds de commerce, intervenue le 12 mars 2001 au profit de la société Litwin, qui s'est engagée à la relever totalement indemne de toute réclamation éventuelle de tiers à son encontre au titre des contrats cédés et non encore achevés, est bien opposable ; la SA Fives Solios est tiers dans le cadre de ses opérations et le contrat de maîtrise d'oeuvre des 6 mai 1998 et 28 juin 2000 a bien été explicitement cédé ; la cession du contrat a pour effet de substituer intégralement le cédant au titulaire initial du marché ; le cessionnaire est dégagé de toute obligation y compris pour la période durant laquelle il a assumé personnellement l'exécution du contrat ; le SIVOM, s'il n'a pas accordé d'autorisation expresse de transfert, en a accordé une tacite ; il a constamment échangé avec la société Litwin après l'intervention de la cession ; le constat d'achèvement des travaux du 6 juillet 1999 porte la mention de la société Ingérop-Litwin ; le SIVOM a assisté à la procédure d'expertise aux côtés de la société Litwin sans demander la mise en cause d'Ingérop ; la société Litwin a donné des avertissements tout au long de l'exécution du marché ; conformément à l'article 4.3.4 b) du contrat de cession de fonds de commerce, elle a procédé à la notification officielle de sa réclamation auprès de la société Litwin.
Par des mémoires, enregistrés le 22 novembre 2019 et le 10 janvier 2020, la SA Fives Solios, représentée par Me I..., demande à la cour :
1°) de lui allouer le bénéfice de ses écritures antérieures au pourvoi en cassation ;
2°) de rejeter toutes conclusions à son encontre présentées par la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique, la société Vinci Environnement, la société Ingérop Conseil et Ingénierie et Me N..., en qualité de mandataire liquidateur de la société Litwin, y compris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle renvoie expressément à l'ensemble de ses conclusions et moyens présentés dans l'instance n° 15NT02571.
Par un mémoire, enregistré le 22 novembre 2019, la société Vinci Environnement, représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) de rejeter toute conclusion de la SA Fives Solios tendant à sa condamnation ;
2°) de mettre à la charge de la SA Fives Solios la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 6 juillet 2017 est devenu définitif en tant qu'il rejette la demande de la SA Fives Solios tendant à la voir condamnée à la garantir des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique puisque la SA Fives Solios n'a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt qu'en tant qu'il a rejeté ses appels en garantie tendant à ce que la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique, la société Vinci Environnement, la société Ingérop et Me N..., en qualité de liquidateur de la société Litwin, la garantissent de la somme de 64 662, 31 euros qu'elle doit verser à la société Géval ;
- la demande de garantie de la SA Fives Solios doit être rejetée, puisqu'elle est la responsable exclusive des désordres ayant commis de multiples fautes de conception :
o la SA Fives Solios n'a pas mis en oeuvre des moyens de protection suffisants de ses équipements ;
o l'installation a été conçue de telle sorte par la SA Fives Solios que des ponts thermiques ont été créés ;
o la SA Fives Solios n'a pas prévu les fluctuations de température de combustion, alors qu'elle est une société spécialisée dans le traitement des fumées d'incinération des déchets ;
- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ; elle a parfaitement respecté les stipulations de son marché, qui imposaient de respecter une température minimale des fumées de 850 degrés dans l'enceinte du four et non en sortie de four, et n'a jamais eu connaissance du mémoire technique de la SA Fives Solios qui impliquait que les fumées en entrée de traitement soient à une température minimale de 1 000 degrés ; la SA Fives Solios ne l'a jamais informée de cette exigence en cours d'exécution des travaux ; son ouvrage ne peut donc être regardé comme une cause aggravante des désordres.
Par des mémoires, enregistrés le 25 novembre 2019 et le 4 février 2020, la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique, représentée par Me E..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal :
- de rejeter la requête de la SA Fives Solios ;
- de mettre à la charge de la SA Fives Solios la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) à titre subsidiaire :
- de condamner la société Géval à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
- de mettre à la charge de la société Géval la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle ne peut être condamnée à garantir la SA Fives Solios :
o l'article 35 du cahier des clauses administratives particulières 1976 applicable au marché en cause constitue une clause dérogatoire qui empêche l'appel en garantie ;
o le caractère définitif et sans réserves sur ce point du décompte arrêté par l'arrêt n° 11NT00886 de la cour administrative d'appel de Nantes du 18 juillet 2013 fait obstacle aux conclusions de la SA Fives Solios ; dans son arrêt, la cour administrative d'appel de Nantes n'a réservé que le point de l'instance engagée par le maître d'ouvrage à l'encontre de la SA Fives Solios ; aucune réserve n'a été formulée dans le cadre de cette instance par la SA Fives Solios ;
o les conclusions de la SA Fives Solios doivent être rejetées en raison de la primauté de la responsabilité contractuelle sur la responsabilité délictuelle ; les condamnations pour lesquelles la SA Fives Solios recherche la garantie du maître d'ouvrage concernent des surcoûts exposés par la société Géval, dans le cadre de l'exécution de son marché d'exploitation de l'usine ; la société Géval ne pouvait exercer d'action contre la personne publique dès lors que des comptes définitifs avaient été établis entre les parties ; la SA Fives Solios qui est subrogée dans les droits de la société Géval ne peut prétendre à plus de droits que n'en détenait la société Géval sur elle et ne peut donc engager sa responsabilité ;
- si les comptes définitifs de la société Géval n'étaient pas opposables à la SA Fives Solios, la société Géval doit être condamnée à la relever indemne de toute condamnation :
o il n'existe aucun motif légitime pour considérer comme irrecevables ses conclusions d'appel en garantie contre la société Géval alors même qu'elle pourrait intenter une action autonome contre la société Géval ; compte tenu de l'ancienneté de l'affaire, cela méconnaitrait le principe de bonne administration de la justice ;
o en raison du caractère définitif du décompte de la société Géval, il n'est pas acceptable que la communauté de communes supporte une somme quelconque par l'effet de l'appel en garantie de la SA Fives Solios ;
- en tout hypothèse, aucune condamnation à garantie ne pourra être prononcée au titre des intérêts attachés à la somme de 64 662, 31 euros, dont le retard de paiement est imputable au seul refus de prise en charge par la SA Fives Solios.
Par un mémoire, enregistré le 20 janvier 2020, la société générale de valorisation (GEVAL), représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) de rejeter l'appel en garantie formulée à son encontre par la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique ;
2°) de mettre à la charge de la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'appel en garantie de la communauté de communes à son encontre est irrecevable puisqu'il s'agit de conclusions nouvelles en appel ; la communauté de communes n'avait formulé aucune demande de condamnation à son encontre devant le tribunal administratif de Rennes ;
- l'appel en garantie de la communauté de communes à son encontre n'est pas fondé :
o la demande de la communauté de communes revient à demander à la victime, elle-même, de rembourser le responsable finalement tenu pour débiteur ; elle serait amenée à rembourser à la communauté de communes les sommes obtenues de la SA Fives Solios en réparation de ses propres préjudices ;
o le caractère définitif et intangible du décompte général des marchés conclu par la communauté de communes tant avec la SA Fives Solios qu'avec la société Géval interdit à la communauté de communes de rechercher auprès de ses anciens co-contractants le remboursement de sommes ; la communauté de communes n'a pas inscrit les sommes en cause dans les décomptes de deux marchés ;
o les sommes qui lui ont été versées l'ont été au titre de l'engagement de la responsabilité délictuelle de la SA Fives Solios à son égard et n'avaient pas vocation à rentrer dans les comptes du marché qu'elle a conclu avec le SIVOM.
Par une ordonnance du 21 janvier 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de commerce ;
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme M..., première conseillère,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la société Fives Solios, de Me L... représentant la société Vinci Environnement et de Me G... représentant la communauté de communes Auray Quiberon Terre Atlantique.
Une note en délibéré, présentée pour la communauté de communes Auray- Quiberon Terre Atlantique par Me E..., a été enregistrée le 17 novembre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. En 1998, le syndicat intercommunal de valorisation des ordures ménagères (SIVOM) de la région d'Auray-Belz-Quiberon a décidé de réaliser des travaux de modernisation de l'usine d'incinération des ordures ménagères située depuis 1978 sur le territoire de la commune de Plouharnel et de mettre en place un dispositif de traitement des fumées sur le four de l'usine. La maîtrise d'oeuvre de l'opération a été confiée par contrat du 6 mai 1998 à la société Ingérop Conseil et Ingénierie. Un premier marché a été conclu, en vue de la réhabilitation du four d'incinération, et a été confié, à la suite d'un appel d'offres sur performances, le 2 juillet 1999, à la société SGE Environnement, devenue ultérieurement la société Vinci Environnement. Un deuxième marché, relatif aux installations de refroidissement et de traitement des fumées, a été confié, à la suite d'un appel d'offres sur performances, le 6 juillet 1999 à la société Procédair, devenue ultérieurement la société Solios Environnement puis la société Fives Solios. L'exploitation de l'usine d'incinération des ordures ménagères a été confiée, par un marché du 6 juin 2000, à la société Générale de Valorisation (GEVAL). Les travaux de réhabilitation de l'usine se sont achevés le 12 février 2001 et le 18 juin 2001, le SIVOM a notifié à la société GEVAL le début de la phase d'exploitation normale de l'usine.
2. En raison d'un désaccord sur la réception des ouvrages, la société Solios Environnement a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rennes pour obtenir la désignation d'un expert afin d'avoir son avis sur la possibilité de réceptionner les travaux et la date éventuelle de cette réception. Par une ordonnance du 13 novembre 2001, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a désigné M. K.... Ultérieurement, le 23 décembre 2004, la société Solios Environnement a saisi ce même tribunal administratif d'une requête tendant à ce qu'il se prononce sur la date de réception des ouvrages objet du marché conclu avec le SIVOM de la région d'Auray-Belz-Quiberon et sur le projet de décompte général de ce marché. Par un jugement n° 0404643 du 31 décembre 2009, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette requête. Saisie par cette même société, la cour administrative d'appel de Nantes a, par un arrêt n° 11NT00886 du 18 juillet 2013, fixé la réception des ouvrages réalisés par la société Procédair, devenue Solios Environnement, pour le compte du SIVOM, à la date du 1er juillet 2001 avec les réserves mentionnées dans un procès-verbal dressé le 30 juillet 2001. La cour a par ailleurs condamné le syndicat mixte de la région d'Auray-Belz-Quiberon, qui s'était substitué au SIVOM, à verser à la société Solios Environnement la somme de 398 463, 31 euros TTC au titre du solde impayé du marché, ainsi qu'une somme complémentaire de 60 686, 16 euros au titre du décompte général et définitif de ce marché.
3. Entre-temps, confrontée à des phénomènes de corrosion du filtre à manche du dispositif de traitement des fumées de l'usine, révélés par les constats opérés par l'expert nommé par l'ordonnance du 13 novembre 2001, la société GEVAL, titulaire du marché d'exploitation de l'usine, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rennes d'une demande de désignation d'un expert pour constater le phénomène de corrosion. M. K..., expert précédemment désigné, a été désigné pour procéder à ces constations par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rennes du 21 mars 2002. Ultérieurement, par une ordonnance du 19 septembre 2002, la société Solios Environnement a obtenu du juge des référés du tribunal administratif de Rennes la désignation de M. C... en qualité d'expert pour déterminer l'origine des problèmes de corrosion révélés. M. C... a rendu son rapport le 19 juin 2007. Le 1er octobre 2009, la société GEVAL a saisi le tribunal administratif de Rennes pour obtenir la condamnation de la société Solios Environnement à l'indemniser des préjudices résultant des conséquences sur le fonctionnement de l'usine des problèmes de corrosion. Par ailleurs, le 26 février 2010, le SIVOM de la région d'Auray-Belz-Quiberon a saisi ce même tribunal pour obtenir la condamnation de la société Solios Environnement à l'indemniser des préjudices résultant des fautes commises dans la conception et la construction du dispositif de traitement des fumées de l'usine. Par un jugement n°s 0904541 et 1000859 du 11 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a condamné la société Solios Environnement à verser, d'une part, à la société GEVAL la somme de 64 662, 31 euros et d'autre part, à la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique, venant aux droits du SIVOM de la région d'Auray-Belz-Quiberon, la somme de 971 041, 24 euros. Par ailleurs, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les appels en garantie des sociétés Ingerop Conseil et Ingénierie et Ingerop Expertise et Structures dirigées à l'encontre de la société Vinci, de la société Litwin et de Me H... N..., mandataire liquidateur de la société Litwin, ainsi que les conclusions d'appel en garantie de la société Vinci dirigées à l'encontre de la société Acergy France comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître. Il a enfin rejeté l'appel en garantie de la société Solios dirigé contre les sociétés Vinci Environnement, Ingerop Conseil et Ingénierie, Litwin ainsi que contre le SIVOM et la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique en ce qui concerne les condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la société GEVAL, d'autre part contre la société Vinci Environnement, la société Ingerop Conseil et ingénierie, le SIVOM, la société Litwin et Me H... N..., en qualité de mandataire liquidateur de la société Litwin en ce qui concerne les condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique. Saisie de deux appels de la SA Fives Solios, par un arrêt n°s 15NT02571 et 15NT02572 du 6 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a, en premier lieu, ramené à 229 800, 01 euros la somme mise à la charge de la SA Fives Solios au profit de la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique, a rejeté les appels en garantie formés par la SA Fives Solios au titre de cette même somme et a rejeté la requête n° 15NT02571 de cette société tendant à être garantie de la somme de 64 662, 31 euros à laquelle le tribunal administratif de Rennes l'avait condamnée au profit de la société GEVAL par la communauté de communes, par la société Vinci Environnement, par la société Ingérop Conseil et Ingénierie et par Me N..., mandataire liquidateur de la société Litwin, acquisitrice du fonds de commerce de la société Ingérop.
4. Par une décision n° 414064 du 6 février 2019, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 6 juillet 2017 uniquement en tant qu'il avait rejeté la requête n° 15NT02571 de la SA Fives Solios et a renvoyé cette affaire devant la cour dans cette seule mesure.
Sur la recevabilité des conclusions d'appel provoqué de la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique :
5. Les conclusions de la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique, tendant à être garanties par la société GEVAL, qui n'ont pas été soumises aux premiers juges, présentent, comment le soutient la société GEVAL, le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel et sont, par suite, irrecevables.
Sur la régularité du jugement attaqué :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
7. Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés devant lui par la SA Fives Solios à l'appui de ses moyens, a indiqué au point 16 de son jugement du 11 juin 2015 les motifs pour lesquels il estimait que le délai de garantie de parfait achèvement avait été interrompu. D'autre part, il a développé aux points 14 et 44 de son jugement les motifs pour lesquels il ne retenait pas la responsabilité de la société Vinci Environnement, et au point 45, les motifs pour lesquels il ne retenait pas la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre. Il suit de là que la SA Fives Solios n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué ne serait pas suffisamment motivé.
8. En deuxième lieu, si antérieurement au pourvoi en cassation introduit par la société Fives Solios devant le Conseil d'Etat, la société Ingérop Conseil et Ingénierie présentait des conclusions d'appel en garantie contre la société Litwin, représentée par son mandataire liquidateur, Me N..., et contre la société Vinci, laquelle avait acquis la société Litwin, postérieurement à la cassation prononcée par le Conseil d'Etat, la société Ingérop Conseil et Ingénierie ne dirige plus son appel en garantie que contre la société Litwin, représentée par son mandataire liquidateur. Néanmoins, le juge administratif n'est pas compétent pour statuer sur cet appel en garantie dès lors qu'il est fondé sur un contrat de cession de fonds de commerce conclu le 12 mars 2001 entre la société Ingérop et la SA Ingérop-Litwin qui est un contrat de droit privé. Ces conclusions doivent donc être, ainsi que l'a opposé le tribunal administratif de Rennes, rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaitre.
9. En troisième lieu, si la société Vinci présente des conclusions tendant à être garantie par la société Acergy France, le juge administratif n'est pas compétent pour statuer sur cet appel en garantie, qui est fondé sur une lettre de contre-garantie du 17 juillet 2001, acte de droit privé, émise par la société Stolt Offshore, aux droits de laquelle vient la société Acergy France, à l'occasion de l'achat par la société Stolt Offshore de la société Ingérop-Litwin, anciennement détenue par la société Vinci. Ces conclusions doivent donc être, ainsi que l'a opposé le tribunal administratif de Rennes, rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaitre.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'appel principal de la SA Fives Solios :
S'agissant de l'appel en garantie de la SA Fives Solios dirigé contre la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique :
10. Lorsque sa responsabilité est mise en cause par la victime d'un dommage dû aux désordres affectant un ouvrage public, le constructeur de celui-ci est fondé, sauf clause contractuelle contraire, à demander à être garanti en totalité par le maître d'ouvrage dès lors que la réception des travaux à l'origine des dommages a été prononcée sans réserve et que ce constructeur ne peut pas être poursuivi au titre de la garantie de parfait achèvement ni de la garantie décennale. Il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise au constructeur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part.
11. L'article 35 du cahier des clauses administratives générales " Travaux ", approuvé par le décret du 21 janvier 1976, applicable au présent marché, stipule que : " L'entrepreneur a, à l'égard du maître de l'ouvrage, la responsabilité pécuniaire des dommages aux personnes et aux biens causés par la conduite des travaux ou les modalités de leur exécution, sauf s'il établit que cette conduite ou ces modalités résultent nécessairement de stipulations du marché ou de prescriptions d'ordre de service, ou sauf si le maître de l'ouvrage, poursuivi par le tiers victime de tels dommages, a été condamné sans avoir appelé l'entrepreneur en garantie devant la juridiction saisie (...) ".
12. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la réception judiciaire des travaux confiés à la société Procédair, aux droits de laquelle vient la société Fives Solios, et qui sont à l'origine des dommages de la société GEVAL, a été prononcée, par l'arrêt n° 11NT00886 de la cour administrative d'appel de Nantes du 18 juillet 2013 devenu définitif, à la date du 1er juillet 2001, avec les réserves mentionnées au procès-verbal des opérations préalables à la réception dressé le 30 juillet 2001. Par ailleurs, l'arrêt n°s 15NT02571,15NT02572 de la cour administrative d'appel du 6 juillet 2017, en ce qu'il statue définitivement sur les conclusions d'appel principal de la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique, juge, d'une part, que les désordres de corrosion affectant les surfaces métalliques du filtre à manche équipant le système de traitement des fumées du site, ainsi que les corrosions affectant la tour de refroidissement aval, la cheminée et les gaines de liaison n'ont pas fait l'objet de réserves et, d'autre part, que pour ces mêmes désordres de corrosion aucune action en parfait achèvement ne pouvait être conduite à l'encontre de la société Fives Solios. Il n'est par ailleurs pas allégué que cette société pourrait être poursuivie au titre de la garantie décennale. Enfin, compte tenu des conditions de la fixation de la réception des ouvrages, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas allégué que cette réception aurait été acquise à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de la société Procédair.
13. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique, les stipulations de l'article 35 du CCAG " Travaux " citées au point 8 n'ont pas pour objet ou pour effet de prolonger la responsabilité contractuelle des constructeurs, qu'au demeurant la communauté de communes intimée ne caractérise pas, au-delà de la réception des travaux.
14. En troisième lieu, l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. S'il résulte de l'instruction que le décompte général définitif du marché de travaux conclu par la société Procédair, aux droits de laquelle vient la société Fives Solios, a été établi par l'arrêt déjà évoqué de la cour administrative d'appel de Nantes du 18 juillet 2013, ses conclusions d'appel en garantie dirigées contre la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique sont fondées, non sur les droits et obligations financiers résultant de l'exécution du marché litigieux, mais sur les condamnations prononcées au profit de la société GEVAL, qui a la qualité de tiers par rapport au marché. Par suite, le caractère intangible du décompte général et définitif du marché dont était titulaire la société Procédair ne saurait faire obstacle à la recevabilité des appels en garantie de la société Fives Solios.
15. En quatrième lieu, la circonstance que, par le dispositif non frappé d'appel de l'article 1er du jugement n°s 0904541 et 1000859 du 11 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a condamné la société Fives Solios à verser à la société GEVAL la somme de 64 662,31 euros ne saurait en aucune manière subroger la société appelante dans les droits de la société GEVAL. Dans ces conditions, la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique ne peut sérieusement soutenir que l'appel en garantie de la société Fives Solios à son encontre serait irrecevable faute d'engagement possible de sa propre responsabilité contractuelle envers la société GEVAL.
16. En cinquième lieu, il résulte de l'article 1er du jugement n°s 0904541 et 1000859 du 11 juin 2015 du tribunal administratif de Rennes que la somme de 64 662, 31 euros, au paiement de laquelle il a condamné la société Fives Solios au profit de la société GEVAL, est assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2008 et de leur capitalisation à chaque échéance annuelle à compter du 1er octobre 2009. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus ce dispositif n'a pas été frappé d'appel, et dès lors au demeurant qu'aucun retard particulier n'est imputable en l'état de l'instruction à la société Fives Solios, la communauté de communes intimée n'est pas fondée à soutenir que ces intérêts ne pouvaient être inclus dans l'appel en garantie exercé par la société Fives Solios.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la société Fives Solios est fondée à demander à être garantie en totalité par la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la société GEVAL par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rennes n°s 0904541 et 1000859 du 11 juin 2015.
S'agissant des appels en garantie de la SA Fives Solios dirigés d'une part contre la société Vinci Environnement, et d'autre part contre la société Ingérop Conseil et Ingénierie et Me N..., liquidateur de la société Litwin :
18. Ainsi qu'il a été rappelé au point 7 du présent arrêt, en dehors du cas où la réception aurait été acquise à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives du constructeur, ce dernier, dont la responsabilité a été mis en cause par la victime d'un dommage dû aux désordres affectant l'ouvrage public à la construction duquel il a participé, est fondé à demander à être garanti en totalité par le maître d'ouvrage, dès lors que la réception des travaux à l'origine des dommages a été prononcée sans réserve et que ce constructeur ne peut pas être poursuivi au titre de la garantie de parfait achèvement ni de la garantie décennale. Dès lors qu'en application de ces principes la société Fives Solios est fondée à demander à être garantie en totalité par le maître d'ouvrage, ses conclusions tendant à être garantie par les autres constructeurs ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais du litige :
19. Il n'apparait pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les frais d'instance qu'elles ont exposés.
DECIDE :
Article 1er : La communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique garantira la société Fives Solios de la somme mise à la charge de la société Solios Environnement au titre de l'article 1er du jugement n°s 0904541,1000859 du tribunal administratif de Rennes du 11 juin 2015.
Article 2 : Le jugement n°s 0904541,1000859 du tribunal administratif de Rennes du 11 juin 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de toutes les parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Fives Solios, à Me N..., en qualité de mandataire de la société Litwin, à la société Vinci Environnement, à la société Ingerop Conseil et Ingénierie, à la société Acergy France, à la société générale de valorisation (GEVAL), et à la communauté de communes Auray-Quiberon Terre Atlantique.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Rivas, président de la formation de jugement,
- M. Jouno, premier conseiller,
- Mme M..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 décembre 2020.
La rapporteure,
M. M...Le président,
C. RIVAS
La greffière,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT00614