Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2020, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 octobre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2020 du préfet de Maine-et-Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté de transfert est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile ;
- Il est intervenu en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le convention internationale des droits de l'enfant ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A....
- et les observations de Me B..., représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante congolaise née en 1994, déclare être entrée irrégulièrement en France le 23 février 2020. Le 10 juillet 2020, sa demande d'asile a été enregistrée par les services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac consécutive au relevé des empreintes digitales de l'intéressée a révélé que celles-ci avaient déjà été enregistrées aux Pays-Bas le 6 septembre 2019 et qu'elle y avait déposé une première demande de protection internationale. Saisies par les autorités françaises le 16 juillet 2020, les autorités néerlandaises ont explicitement accepté son transfert, et celui de son enfant, le 22 juillet suivant sur le fondement du c) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par un arrêté du 27 juillet 2020, le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités néerlandaises. Par un jugement du 13 octobre 2020, dont Mme D... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Enfin, selon les dispositions de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
4. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme D... s'est vu remettre, le 10 juillet 2020, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile dans les services de la préfecture, et à l'occasion de son entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées. Ces documents, dont les pages de garde ont été signées par l'intéressée le 10 juillet 2020, sont rédigés en français, langue qu'elle a déclaré comprendre, ainsi que cela ressort des termes du compte-rendu de l'entretien individuel sur lequel elle a également apposé sa signature. Dans ces conditions, Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée d'une garantie au motif que l'information qui lui a été donnée par les services préfectoraux aurait dû l'être dès son passage dans une structure de pré-accueil. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile prévu par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
5. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, que Mme D... reprend en appel sans plus de précision, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)".
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme D... et des conséquences de son transfert aux Pays-Bas au regard notamment de l'état de santé de son fils. A cet égard, si Mme D... expose que ce dernier présente une malformation congénitale justifiant une intervention chirurgicale prévue en France, les documents produits ne permettent pas à eux seuls de démontrer que son état de santé le placerait dans une situation d'exceptionnelle vulnérabilité et qu'il ne pourrait bénéficier aux Pays-Bas, qui ont explicitement accepté le transfert de la requérante et de son fils, les soins utiles requis. Dans ces conditions Mme D... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. L'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale pour les États membres dans toutes les procédures prévues par le présent règlement. (...) ". Aux termes de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ".
9. Pour les motifs exposés au point 7 s'agissant de son fils, et alors même qu'elle aurait retrouvé des membres de sa famille en France, Mme D... n'est pas davantage fondée à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une violation des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et des dispositions de l'article 6 du règlement cité au point précédent.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 juillet 2020 du préfet du Maine-et-Loire. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme E... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2021.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
S. Levant
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03991