Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 avril 2020, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 mars 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Finistère du 6 novembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer une carte de séjour temporaire, et à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de trois jours à compter de l'arrêt à intervenir ou de réexaminer sa demande de titre de séjour dans le délai d'une semaine ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier car la minute n'est pas signée ;
- la décision de refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français violent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par des mémoires, enregistrés le 28 mai 2020 et le 16 septembre 2020, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant géorgien, est entré en France, selon ses déclarations, le 4 septembre 2010. Sa compagne l'y a rejoint en 2012. Les deux enfants du couple sont nés sur le territoire français, David, le 8 août 2016, et Eteri, le 24 septembre 2017. La demande d'asile de M. C... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 31 octobre 2012. Le recours contre cette décision a été rejeté par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 25 juillet 2013. Toutefois, un titre de séjour a été délivré à M. C... pour raison de santé. Il a ainsi disposé d'un titre de séjour du 1er octobre 2013 au 31 juillet 2015. Le 1er juin 2015, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, mais celui-ci lui a été refusé. En 2016 et 2017, M. C... a demandé la délivrance d'une carte de séjour temporaire au titre de la vie privée et familiale. Mais il a fait l'objet d'un arrêté du 8 février 2018 du préfet du Finistère portant refus de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le recours engagé devant le tribunal administratif de Rennes contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du 12 avril 2018. M. C... s'est cependant maintenu, en situation irrégulière, sur le territoire français. Le 20 juin 2019, il a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 6 novembre 2019, le préfet du Finistère a rejeté cette demande et lui a enjoint de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité. Par un jugement du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M. C... séjourne habituellement en France depuis 2010 et y a fondé sa famille. Ses enfants n'ont jamais séjourné en Géorgie. D'autre part, il ressort notamment d'un courrier du 15 novembre 2019, adressé à un médecin et cosigné par le psychiatre directeur technique du " centre d'action médico-sociale précoce " de Brest et un pédiatre, que le fils aîné de M. C... est suivi depuis juillet 2019 dans ce centre pour un autisme d'intensité sévère associé à un retard global des acquisitions et à une dépression de l'enfant et qu'une rupture de ce suivi porterait une atteinte grave à la santé et à l'intérêt supérieur de cet enfant. Dans ces conditions, en refusant le séjour à M. C... et en l'obligeant à quitter le territoire à destination de la Géorgie, le préfet du Finistère a méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Sur l'injonction :
3. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".
4. Compte tenu de ce qui vient d'être mentionné, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Finistère de délivrer au requérant, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
Sur les frais liés au litige :
5. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D..., avocate de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à ce conseil de la somme de 1 500 euros.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1906154 du 5 mars 2020 du tribunal administratif de Rennes ainsi que l'arrêté du 6 novembre 2019 du préfet du Finistère sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Finistère de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me D... la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 octobre 2020.
Le rapporteur,
T. A...Le président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
2
N° 20NT01298
1