Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2020, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes en date du 9 janvier 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de Maine-et-Loire du 27 décembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale, ou à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de transfert est insuffisamment motivée ; elle méconnaît l'article 4 du règlement n° 604/2013 dès lors qu'elle a reçu seulement les pages de garde des brochures d'information A et B et non l'intégralité de ces brochures ; l'Italie souffre de défaillances systémiques de sorte qu'il ne peut être exclu qu'elle soit soumise à des traitements visés aux articles 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de transfert vers ce pays ; compte tenu de son état de santé, le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant assignation à résidence repose sur une décision de transfert illégale ; elle est insuffisamment motivée.
Par un mémoire, enregistré le 2 avril 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante érythréenne née le 11 août 1987, a demandé l'asile auprès des services de la préfecture de Maine-et-Loire le 18 octobre 2019. La consultation du système Eurodac a révélé que les empreintes de l'intéressée avaient été relevées aux Pays-Bas le 10 avril 2019 et la consultation du système Visabio qu'elle était en possession d'un visa périmé depuis plus de six mois délivré par les autorités italiennes. Le préfet de Maine-et-Loire a alors demandé, le 23 octobre 2019, sa prise en charge par les autorités néerlandaises et italiennes. Les premières ont décliné leur responsabilité au motif que l'Italie avait déjà reconnu sa responsabilité et que Mme A... avait été déclarée en fuite et les secondes ont implicitement accepté la demande de prise en charge. Par deux arrêtés du 27 décembre 2019, le préfet de Maine-et-Loire a décidé, d'une part, le transfert de Mme A... aux autorités italiennes et, d'autre part, son assignation à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours renouvelables. Par un jugement du 9 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur l'arrêté de transfert :
2. En premier lieu, la requérante reprend en appel le moyen invoqué en première instance et tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté de transfert vers l'Italie. Il y a lieu d'écarter ce moyen par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
4. En l'espèce, l'entretien individuel exigé par l'article 5 du règlement n° 604/2013 a été réalisé à l'aide d'un traducteur en tigré. Ainsi qu'il ressort du compte-rendu de cet entretien, Mme A... s'est vue remettre à cette occasion les brochures d'information sur la procédure d'examen de sa demande d'asile. Ces brochures, conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, contenaient l'ensemble des informations prescrites par l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance de la garantie prévue par ce dernier article ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, la requérante invoque l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie. Toutefois, ses allégations ne permettent ni de considérer que les autorités italiennes, qui ont donné leur accord implicite à la demande de prise en charge adressée par les autorités françaises, n'étaient pas, à la date de l'arrêté contesté, en mesure de traiter sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, ni de supposer que, compte tenu de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie, la requérante courrait, à cette même date, dans cet Etat membre de l'Union européenne un risque réel d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision de transfert contestée ne méconnaît donc ni les dispositions précitées du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ni les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
6. En quatrième lieu, la requérante soutient que la fragilité de son état de santé et la présence en France de l'ensemble de ses attaches personnelles révèlent que la mesure de transfert vers l'Italie porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, d'une part, aucun élément du dossier ne suggère que la requérante, entrée en France selon ses déclarations le 15 septembre 2019, aurait en France de quelconques attaches. D'autre part, elle a elle-même indiqué lors de l'entretien dont elle a bénéficié le 18 octobre 2019 qu'elle n'avait aucun problème de santé, ne suivait aucun traitement médical et n'avait consulté aucun médecin en Europe. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.
Sur l'arrêté d'assignation à résidence :
7. En premier lieu, la requérante reprend en appel le moyen invoqué en première instance et tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté d'assignation à résidence. Il y a lieu d'écarter ce moyen par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge.
8. En second lieu, l'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert doit être écartée compte tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 6.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2020.
Le rapporteur,
T. B...Le président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00122
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