Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 9 juillet 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés des 24 et 25 juin 2020 du préfet du Loiret décidant respectivement son transfert aux autorités britanniques et son assignation à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de l'admettre au séjour en France au titre de l'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
en ce qui concerne l'arrêté de transfert :
- il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article 19 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que si l'intéressé a effectué une demande d'asile en Grande-Bretagne en 2015, il a ensuite regagné l'Afghanistan ;
en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Grande-Bretagne.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 août et 8 septembre 2020, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant afghan né en 1993, est entré irrégulièrement en France en 2019 selon ses déclarations. Une attestation de demande d'asile en procédure Dublin lui a été remise le 13 janvier 2020. Après consultation du fichier Eurodac les autorités britanniques ont été saisies d'une demande de transfert qu'elles ont explicitement acceptée le 13 mars 2020 sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par deux arrêtés des 24 et 25 juin 2020, le préfet du Loiret a, d'une part, décidé son transfert aux autorités britanniques et, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département d'Indre-et-Loire pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ".
3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
4. M. A... fait valoir qu'il n'a pas reçu les informations prévues par ces dispositions en langue pachto. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est vu remettre, le 13 janvier 2020, soit le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées. Ces documents lui ont été communiqués en langue pachto, ainsi qu'il résulte de l'indication suivie de sa signature figurant sur la couverture de ces documents. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, relatif à l'entretien individuel : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. (...) ".
6. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. A... qu'il a bénéficié le 13 janvier 2020 de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. S'il soutient qu'il n'a pas bénéficié d'un interprète en langue pachto il résulte toutefois des écritures et pièces produites par le préfet du Loiret, corroborées par le fait que le compte-rendu de cet entretien, signé de M. A..., mentionne le détail donné par l'intéressé de son parcours migratoire et de la composition de sa famille, qu'une telle carence n'est pas établie. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions citées au point précédent n'est pas fondé et doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " L'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) " et aux termes de l'article 19 du même règlement : " (...) 2. Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, cessent si l'État membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de prendre ou reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres pendant une durée d'au moins trois mois, à moins qu'elle ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité délivré par l'État membre responsable. Toute demande introduite après la période d'absence visée au premier alinéa est considérée comme une nouvelle demande donnant lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'État membre responsable. / 3. Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, points c) et d), cessent lorsque l'État membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres en exécution d'une décision de retour ou d'une mesure d'éloignement délivrée à la suite du retrait ou du rejet de la demande. (...) ".
8. M. A... soutient que la décision de transfert, est entachée d'une erreur de droit dès lors que les autorités britanniques l'ont renvoyé en Afghanistan en 2017, après le rejet de sa demande d'asile, et qu'il n'est revenu en France qu'en 2019. Toutefois, les autorités britanniques ont explicitement accepté son transfert sur le fondement du b) de l'article 18 du règlement n° 604-2013, considérant ainsi qu'elles n'ont pas statué sur sa demande d'asile, et non sur celui des c) ou d) du même article seules visées par l'article 19 du règlement. En tout état de cause, les affirmations de M. A... ne sont étayées par aucun élément. Par suite, l'erreur de droit alléguée ne peut qu'être écartée.
9. En dernier lieu, il résulte des points 2 à 8 du présent arrêt que M. A... n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités britanniques.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés des 24 et 25 juin 2020 du préfet du Loiret. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2020.
Le rapporteur,
C. B...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02207