Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 juin 2019, par la société MGF Easybike, représentée par Me F..., puis par des mémoires enregistrés le 26 mai 2020 et le 18 septembre 2020, la société Trajectoire, en la personne de Me B... agissant ès qualités d'administrateur judiciaire de la société MGF Easybike et la société SBCMJ, représentée par Me C... agissant ès qualités de mandataire judiciaire de la société MGF Easybike, représentées par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 avril 2019 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler le titre exécutoire n° 155 du 29 novembre 2016 par lequel la communauté de communes du Saosnois l'a constituée débitrice d'une somme de 76 713,01 euros, ainsi que le rejet de son recours gracieux par la communauté de communes ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Maine Saosnois la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les mentions du titre exécutoire relatives aux bases de liquidation sont insuffisantes ;
- le titre exécutoire est dépourvu de tout fondement dès lors que la convention dont il procède est entachée de nullité en raison de l'absence d'objet certain et du caractère indéterminé du coût des études ;
- le paiement des sommes réclamées par la communauté de communes conduirait à un enrichissement sans cause de celle-ci ;
- la créance dont la communauté de communes se prévaut est dépourvue de caractère certain ;
- la communauté de communes a manqué à son obligation de loyauté contractuelle en violation des articles 2 et 3 de la convention ;
- la communauté de communes a procédé à une résiliation irrégulière de la convention au regard des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration et sans notifier une décision de résiliation motivée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 août 2019 et le 4 septembre 2020, la communauté de communes Maine Saosnois, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société MGF Easybike une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société MGF Easybike ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant la communauté de communes Maine Saosnois.
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention signée le 28 novembre 2011, la communauté de communes du Saosnois, devenue à compter du 1er janvier 2017 communauté de communes Maine Saosnois, a proposé la location ou la vente de locaux à usage d'ateliers et de bureaux lui appartenant, situés sur le territoire de la commune de Mamers (Sarthe), à la société MGF Easybike qui a déclaré décider d'y implanter un site de production de vélos à assistance électrique. Le contrat prévoyait à son article 3 que, dans l'hypothèse où la société ne confirmerait pas son implantation dans ces locaux, elle rembourserait à la personne publique la totalité des frais engagés pour les études préalables à l'implantation menées par la collectivité et mentionnées à l'article 1 du contrat. Le 21 novembre 2012, la communauté de communes a émis un titre de recette d'un montant de 76 713,01 euros ayant pour objet le remboursement par la société MGF Easybike de ces frais d'études, que le tribunal administratif de Nantes a annulé le 10 février 2016. La communauté de communes a émis le 11 avril 2016 un nouveau titre exécutoire tendant au remboursement des frais d'études, d'un montant de 76 969,57 euros, puis estimant que le taux de TVA appliqué aux sommes ainsi réclamées était erroné, a retiré ce deuxième titre exécutoire au moyen d'un " titre exécutoire annulatif " émis le 29 novembre 2016. Le même jour, elle a émis un nouveau titre exécutoire, portant le n° 155, par lequel elle a constitué la société MGF Easybike débitrice d'une somme de 76 713,01 euros correspondant aux frais d'études cités. Par un jugement du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le recours en annulation formé par la société contre ce dernier titre exécutoire ainsi que sa demande de décharge de l'obligation de payer les sommes réclamées. La société MGF Easybike, en la personne en dernier lieu de Me B... agissant ès qualités d'administrateur judiciaire et de Me C... agissant ès qualités de mandataire judiciaire, relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la régularité formelle du titre exécutoire :
2. En premier lieu, la société MGF Easybike soutient que le titre exécutoire du 29 novembre 2016 serait insuffisamment précis s'agissant de l'indication des bases de la liquidation de la créance pour lequel il est émis et des éléments de calcul sur lesquels il se fonde. Elle reprend ainsi un moyen soulevé en première instance sans nouvelle précision. Il y a lieu dès lors de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le jugement du 4 avril 2019 en son point 3.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : "Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable".
4. La convention conclue le 28 novembre 2011 ne prévoit aucune procédure particulière pour constater la renonciation par la société MGF Easybike à l'implantation d'un site de production à Mamers. Ainsi qu'il a été rappelé, la communauté de communes du Saosnois a mis en demeure celle-ci de confirmer son projet par un courrier du 3 septembre 2012 sous peine de constater sa renonciation à s'implanter à Mamers. Par suite, la société a été mise à même de présenter toutes observations qu'elle pouvait juger utiles et c'est sans méconnaitre les dispositions législatives citées, ou son obligation de loyauté contractuelle, que la communauté de communes a émis le titre de recette contesté le 29 novembre 2016, constatant ainsi la réalisation de la condition prévue à l'article 3 de la convention, sans engager une nouvelle procédure contradictoire.
En ce qui concerne le bien-fondé de la créance :
5. La convention conclue le 28 novembre 2011 entre la société MGF Easybike et la communauté de communes du Saosnois, d'une part, avait un objet prospectif, s'agissant de réaliser des études en vue de l'installation annoncée d'un site de production de vélos à assistance électrique par la société dans des locaux appartenant à la communauté de communes et nécessitant pour cela des travaux d'adaptation et, d'autre part, prévoyait que le financement des études nécessaires à l'implantation de cette entreprise serait à la charge de la communauté de communes dans l'hypothèse de l'installation de cette entreprise sur le site de production de Mamers, ou à celle de la société dans l'hypothèse inverse. Elle a fait suite à de nombreux échanges entre les parties sur le site concerné, une première estimation du coût des travaux d'adaptation du lieu aux besoins de l'entreprise et le lancement d'une mission de maitrise d'oeuvre. Le titre de recette exécutoire du 29 novembre 2016 émis par la communauté de communes tire les conséquences financières de la non implantation à Mamers du site de production annoncé par la société MGF Easybike, en application de la convention.
6. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.
7. En premier lieu, d'une part, la convention conclue le 28 novembre 2011 fixe avec suffisamment de précision la liste des études et missions sur lesquelles les parties s'accordent pour permettre l'implantation du site de production sans que, eu égard à l'objet prospectif de la convention, il puisse être désormais soutenu par la requérante qu'elle devait comprendre la fixation d'un prix déterminé. D'ailleurs les parties s'engageaient financièrement en l'espèce de manière identique dès lors que ces frais devaient être assumés soit par la communauté de communes soit par la société en fonction de la concrétisation ou non du projet. D'autre part, il résulte des factures produites correspondant aux études réalisées qu'elles entraient toutes par leur contenu dans l'objet défini par les parties à l'article 1er de la convention, qui mentionne explicitement que : " Cette offre d'implantation nécessite des études préalables, que la Communauté de Communes accepte d'engager, à savoir : - une étude macroscopique de l'agencement de l'atelier, - une étude d'accompagnement dans le choix et l'organisation des postes de production, - une étude de mise en place d'un E.R.P., - une mission de maîtrise d'oeuvre : procédure de consultation et études, et toute mission nécessaire à l'implantation de l'entreprise ". Du reste alors que la société MGF Easybike a été étroitement associée à la réalisation de ces études, notamment par sa participation à plusieurs réunions, elle n'établit pas qu'elle se serait opposée à leur réalisation. Enfin, la convention est claire dans ses stipulations sur les engagements pris par la société dès lors que son article 3 précise que " Dans le cas où la société Easy Bike ne confirmerait pas son implantation, elle s'engage à rembourser à la communauté de communes la totalité des frais engagés pour les études menées et mentionnées à l'article 1." Ainsi la société MGF Easybike n'est pas fondée à soutenir que la créance contestée reposerait sur une convention dont il y aurait lieu d'écarter l'application en raison de l'illicéité de son contenu ou d'un vice d'une particulière gravité relatif aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement.
8. En deuxième lieu, ainsi qu'exposé au point précédent, il n'y a pas lieu d'écarter au cas d'espèce l'application de la convention signée le 28 novembre 2011 et la société n'est dès lors pas fondée à soutenir que les études réalisées seraient à l'origine d'un enrichissement sans cause de la communauté de communes du Saosnois. Au surplus la seule circonstance qu'une nouvelle société, une entreprise d'élevage d'oiseaux, se soit ensuite installée dans les locaux n'est pas de nature à établir l'enrichissement de la communauté de communes alors qu'il résulte de l'instruction que les études réalisées pour la société MGF Easybike visaient l'implantation d'un site de production de vélos à assistance électrique et se sont révélées inadaptées pour l'entreprise finalement implantée.
9. En troisième lieu, il est constant qu'à la date de l'émission du titre de recette litigieux, le 29 novembre 2016, la société MGF Easybike avait renoncé à s'implanter dans les locaux objet de la convention signée le 28 novembre 2011 avec la communauté de communes du Saosnois. Par ailleurs, pour les motifs exposés aux points précédents, la convention signée le 28 novembre 2011 n'était pas nulle, comportait les précisions suffisantes, au regard de son objet, sur les engagements financiers pris par les deux parties en vue du projet d'établissement de la société appelante à Mamers et n'était pas constitutive d'un enrichissement sans cause de la personne publique. Par suite, et alors que le premier titre de recette émis par la communauté de communes du Saosnois le 20 novembre 2012 est réputé n'avoir jamais existé dès lors qu'il a été annulé par un jugement du 10 février 2016 du tribunal administratif de Nantes devenu définitif, la société MGF Easybike n'est pas fondée à soutenir que la créance fondant le titre de recette du 29 novembre 2016 présenterait un caractère incertain.
10. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction qu'après la réaffirmation écrite par la société MGF Easybike de son souhait de s'établir à Mamers dans une lettre du 31 mai 2012 qui prévoyait explicitement une reprise de contact début juillet, son dirigeant n'a plus répondu aux sollicitations de la communauté de communes. Le président de cette dernière lui a alors adressé le 3 septembre 2012 un courrier le mettant en demeure de lui confirmer son projet d'implantation, en communiquant sous dix jours son " business plan " et en exposant qu'à défaut les démarches seraient engagées pour obtenir le remboursement des frais exposés lors des études effectuées, conformément à l'article 3 de la convention du 28 novembre 2011. En l'absence de réponse à cette mise en demeure la société MGF Easybike pouvait régulièrement être regardée comme n'ayant pas confirmé son implantation et s'exposait dès lors à l'application de l'engagement de remboursement qu'elle avait souscrit, sans que puisse être utilement invoquée la circonstance que les discussions ont repris au premier semestre 2013, après qu'elle ait été informée de l'émission du titre de recette exécutoire, pour d'ailleurs finalement échouer. Il est en outre constant, d'une part, que suite à ce courrier la société n'a jamais demandé la communication des études réalisées en vue de son implantation dans la Sarthe et, d'autre part, qu'à la date de l'émission du titre de recette du 29 novembre 2016 elle avait en tout état de cause effectivement renoncé à son projet d'implantation sur le site dès lors que les négociations en ce sens ont été interrompues durant l'été 2013 et que divers contentieux ont ensuite opposé les parties. Par suite, la société MGF Easybike ne peut utilement soutenir à l'appui de sa contestation du titre de recette émis en 2016 qu'elle ne pouvait être regardée comme ayant renoncé à son implantation en septembre 2012 au motif qu'elle ne disposait pas des études réalisées par la commune qui lui auraient été nécessaires pour se prononcer suite à la mise en demeure du 3 septembre 2012 et que ces études étaient inachevées.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société MGF Easybike n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais d'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la société MGF Easybike. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette dernière, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 3 500 euros demandée par la communauté de communes Maine Saosnois.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société MGF Easybike est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté de communes Maine Saosnois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société MGF Easybike, à Me B... de la société Trajectoire, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société MGF Easybike, à Me C... de la société SBCMJ, ès qualités de mandataire judiciaire de la société MGF Easybike, et à la communauté de communes Maine Saosnois.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2020.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au préfet de la Sarthe en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19NT02170