3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
en ce qui concerne la décision de réadmission en Italie :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la procédure est irrégulière dès lors que les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
- les dispositions de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation notamment au regard de sa vulnérabilité ;
- la décision est entachée d'un défaut de base légale ;
- en cas de renvoi en Italie il y a un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet n'a pas communiqué la preuve de la réception par les autorités italiennes de l'information du report du délai de transfert conformément à l'article 9.2 du règlement n° 1560/2003 ;
en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Italie ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 juin 2019 et le 17 juin 2019, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme C... n'est fondé.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 29 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lainé, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C..., ressortissante nigériane, née le 9 juin 1995, est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 28 février 2018 et y a sollicité l'asile, le 25 avril 2018 auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Italie le 20 octobre 2016 où elle avait sollicité l'asile. Par deux arrêtés du 19 juin 2018, le préfet de la Loire-Atlantique a ordonné sa remise aux autorités italiennes, qui avaient accepté implicitement sa reprise en charge le 12 juin 2018, et son assignation à résidence. Mme C... relève appel du jugement du 22 juin 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur l'arrêté de transfert aux autorités italiennes :
2. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
3. La décision prononçant le transfert de Mme C... aux autorités italiennes vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Elle relève en outre le caractère irrégulier de l'entrée en France de Mme C..., rappelle le déroulement de la procédure suivie devant les services de la préfecture de la Loire-Atlantique et précise que la consultation du système Eurodac a fait apparaître qu'elle était connue des autorités italiennes auprès desquelles elle a sollicité l'asile le 20 octobre 2016. Elle mentionne également que les autorités italiennes, saisies le 28 mai 2018 d'une demande de reprise en charge de l'intéressée en application du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013, ont implicitement accepté cette reprise en charge. Par ailleurs, le préfet, dont la décision révèle qu'il a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de la requérante, n'était pas tenu de motiver son refus de faire application des dispositions de l'article 17 du même règlement qui permettent à chaque Etat membre de l'Union de décider d'examiner une demande de protection internationale. Enfin, si la requérante soutient que l'arrêté contesté ne repose sur aucun critère permettant de déterminer l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il est, de ce fait, privé de base légale, il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment de la fiche décadactylaire Eurodac, que Mme C... a, antérieurement à son entrée en France, sollicité le bénéfice de la protection internationale en Italie le 20 octobre 2016 et que, contrairement à ce qu'elle soutient, il n'est pas établi que cette demande a déjà été rejetée par les autorités italiennes. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision et du défaut d'examen particulier de la situation de Mme C..., ainsi que le moyen tiré du défaut de base légale, doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, que Mme C... reprend en appel sans plus de précision, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe, cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
6. D'une part, si Mme C... fait état de l'existence de défaillances systémiques affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie, les documents qu'elle produit à l'appui de ses allégations ne permettent pas de tenir pour établi que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. D'autre part, si l'intéressée fait valoir qu'elle craint pour sa vie en cas de renvoi par les autorités italiennes au Nigéria, en raison de son orientation sexuelle, l'arrêté contesté n'a ni pour objet ni pour effet de l'éloigner vers son pays d'origine mais seulement de prononcer son transfert en Italie. Par ailleurs il n'est pas établi qu'elle ne serait pas en mesure de faire valoir auprès des autorités italiennes tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation qui prévaut dans son pays d'origine. Ainsi, Mme C... n'étant pas en situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France et en dépit même de l'absence de réponse expresse des autorités italiennes, le moyen tiré des erreurs manifestes d'appréciation qu'aurait commises le préfet de la Loire-Atlantique en ne faisant pas usage de la faculté d'instruire en France la demande d'asile de l'intéressée, au regard des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté.
7. Il ressort du document produit par l'administration le 31 juillet 2019, intitulé " Informations relatives à la prolongation des délais de transfert ou au report du transfert ", accompagné de son accusé de réception " Dublinet ", que le préfet de la Loire-Atlantique a informé le 23 octobre 2018 les autorités italiennes de la prolongation du délai d'exécution de la décision de transfert de Mme C... en date du 19 juin 2018 du fait que l'intéressée a été déclarée en fuite. Le moyen tiré de ce qu'en méconnaissance de l'article 9.2 du règlement n° 1560/2003 le préfet n'apporterait pas la preuve de la communication de cette information aux autorités italiennes manque donc en fait.
Sur l'arrêté d'assignation à résidence :
8. En premier lieu, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté en litige, que Mme C... reprend en appel sans plus de précisions, doit être écarté par adoption des motifs retenus à juste titre par le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes.
9. En deuxième lieu, il résulte des points 2 à 7 du présent arrêt que Mme C... n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes.
10. En troisième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure d'assignation à résidence de Mme C..., dont le caractère disproportionné n'est pas démontré, procéderait d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressée.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Loire-Atlantique du 19 juin 2018. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 27 septembre 2019.
Le président de chambre, rapporteur,
L. LainéL'assesseur le plus ancien
dans le grade le plus élevé,
C. Rivas
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT04130