Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 juillet 2015 et 18 février 2016, M. B...C..., représenté par la SCP d'avocats Masse-Dessen-Thouvenin-Coudray, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 7 mai 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 août 2014 du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ;
3°) d'enjoindre au ministre de procéder à sa réintégration, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que la minute qui lui a été notifiée n'a pas été signée par les magistrats qui l'ont rendu, en violation des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté a été pris sur la base d'une procédure irrégulière dans la mesure où la présidente de la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire a manqué d'impartialité en exprimant son sentiment personnel négatif à son égard ;
- cet arrêté est entaché d'erreur de fait ; la matérialité des faits de carences professionnelles et de difficultés relationnelles avec ses élèves n'est pas établie ; si sa manière de servir a pu faire l'objet de critiques au cours de sa carrière, celles-ci n'ont pas été " récurrentes " ;
- cet arrêté est entaché d'erreur d'appréciation ; sa manière de servir ne justifie pas son licenciement pour insuffisance professionnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2016, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Par ordonnance du 20 décembre 2016, prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 20 janvier 2017 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bouchardon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de M.C....
Une note en délibéré présentée pour M. C...a été enregistrée le 22 mars 2017.
1. Considérant que M.C..., professeur de mathématiques et de sciences physiques en lycée professionnel, titularisé le 1er septembre 1994, relève appel du jugement du 7 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 août 2014 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la minute du jugement attaqué est, conformément aux dispositions précitées, signée du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier de l'audience qui s'est tenue le 16 avril 2015 ; que la circonstance que l'expédition du jugement notifiée à M. C...ne comporte pas ces signatures n'entache pas d'irrégularité ce jugement ; que, dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité dans la forme du jugement doit être écarté ;
Sur la légalité de l'arrêté du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 29 août 2014 :
En ce qui concerne la légalité externe :
4. Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté contesté énonce les considérations de droit qui le fondent, et précise de manière détaillée les motifs, tenant à des carences pédagogiques et relationnelles graves et récurrentes, pour lesquels le ministre a décidé de procéder à son licenciement pour insuffisance professionnelle ; que par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté ;
5. Considérant, en second lieu, que l'article 70 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat prévoit que le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire ; que M. C...soutient que l'avis rendu par la commission administrative paritaire (CAP) compétente à l'égard des professeurs de lycées professionnels du 2 juillet 2014 est irrégulier dès lors que sa présidente, secrétaire générale de l'académie de Caen, a manqué d'impartialité à son égard ; que, toutefois, il ne ressort pas des termes du procès-verbal de la réunion que la présidente de séance, par les propos qu'elle a tenus, aurait manifesté une animosité personnelle à l'égard de M. C...ou fait preuve de partialité ; que le moyen tiré de ce que la procédure au terme de laquelle l'arrêté contesté est intervenu aurait été viciée doit dès lors être écarté ;
En ce qui concerne la légalité interne :
6. Considérant que l'appréciation portée par l'autorité administrative sur les faits qui sont de nature à justifier une mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle d'un agent public est soumise au contrôle du juge de l'excès de pouvoir ; qu'en l'espèce, le ministre s'est fondé, dans son arrêté contesté, sur les " carences professionnelles fondamentales " de M. C...qui, " nonobstant le temps écoulé et les conseils donnés, apparaissent irrémédiables, compte-tenu de l'incapacité manifeste de l'intéressé de modifier sa pratique ", sur les " graves difficultés relationnelles de [M.C...] avec les élèves ", sur la circonstance qu'il " ne dispense pas l'enseignement de qualité que les élèves méritent ", et qu'il " apparaît définitivement incapable de créer des conditions favorables aux apprentissages et, plus généralement, d'exercer de manière satisfaisante des fonctions d'enseignement " ;
7. Considérant que la matérialité des carences pédagogiques et relationnelles reprochées au requérant est établie par les pièces au dossier qui reflètent une situation persistante, notamment par les rapports d'inspection des 10 février 1995 et 14 mai 1996, dans lesquels il est souligné que M. C..." devra chercher à être moins directif en prévoyant à l'avance qui fait quoi et comment pendant la séquence. Cela conduira les élèves à avoir quelques initiatives ", et qu'il " ne pourra se stabiliser dans un établissement que lorsqu'il sera conscient que son enseignement doit être centré sur ses élèves et non sur lui-même ", le rapport du 12 février 1998 faisant valoir que les relations de M. C...avec sa classe sont tendues et que seuls quelques élèves se sont convenablement investis dans les travaux proposés, ceux des 27 novembre 2000, 22 mai 2001 et 17 février 2007, qui conseillent à l'intéressé " d'adapter son discours " et constatent l'échec du suivi pédagogique mis en place, celui du 14 février 2008, invitant M. C...à assoir son autorité plus par le respect que par la contrainte, enfin, le rapport du 22 avril 2014 qui constate que " le tutorat assuré auprès de M. C...depuis mars 2012 pour l'accompagner dans une remise en cause de ses pratiques pédagogiques ne lui a pas permis de progresser (...). Il persiste à dispenser un enseignement peu rigoureux (voire faux) très éloigné des exigences des textes officiels. Les manquements perdurent voire s'aggravent (...). Il n'est plus en mesure d'être en responsabilité d'élèves " ; qu'il ressort en outre des nombreux rapports établis par différents chefs d'établissements que M. C...a rencontré de graves difficultés relationnelles avec ses élèves, notamment en créant lui-même des situations parfois " ingérables " ;
8. Considérant que les éléments invoqués par M.C..., notamment les circonstances qu'il enseignait dans des classes qualifiées d' " indisciplinées ", que des inspecteurs ont pu le juger plus proche de ses élèves en 2002 et 2005, que plusieurs notations réalisées par des chefs d'établissements, qui d'ailleurs ne reflètent pas la valeur pédagogique du professeur, auraient été sur plusieurs années en progression, qu'il a fait partie des jurys de validation des acquis de l'expérience ou a animé un groupe de recherche au sein de l'université de Caen, assorties de la production d'attestations en sa faveur d'un collègue, de son épouse, et de parents d'élèves qui ont eu recours à ses services dans le cadre de cours particuliers, ne sont pas de nature, au vu de l'ensemble des faits ci-dessus relatés, à faire regarder l'arrêté contesté comme fondé sur une appréciation erronée de sa valeur professionnelle, en particulier de ses qualités pédagogiques et relationnelles devant les classes dont il a eu la charge ; que, dans ces conditions, les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation doivent être écartés ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur la demande d'injonction sous astreinte :
10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.C..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par le requérant doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. C...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président assesseur,
- M. Bouchardon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mars 2017.
Le rapporteur,
L. BOUCHARDONLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. A... La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT02115