Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 mai 2018 et 12 décembre 2018, M.C..., représenté par Me Cavelier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 13 avril 2018 et d'annuler l'arrêté préfectoral du 25 octobre 2017 ;
2°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à MeB..., en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- la commission du titre de séjour devait être consultée avant l'édiction de l'arrêté litigieux ;
- le préfet aurait dû saisir le médecin de l'agence régionale de santé et non le médecin de l'office français de l'immigration et de l'intégration ;
- les dispositions de l'article L. 313-11 11° du CESEDA ont été méconnues ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision a été prise en méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- il renvoie à ses écritures de première instance qu'il reprend subsidiairement.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- et les conclusions de M. Sacher, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant arménien né le 20 août 1978, est entré irrégulièrement en France le 17 mars 2006. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 février 2007. A compter du 30 septembre 2015, il a bénéficié de récépissés de demande de carte de séjour au titre de son état de santé. Le 16 mars 2017, il a sollicité un titre de séjour auprès du préfet du Calvados. Le préfet du Calvados a toutefois opposé à celui-ci un refus de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français par un arrêté du 25 octobre 2017. La demande de M. C...a été rejetée par le tribunal administratif de Caen dans un jugement du 13 avril 2018. Ce dernier relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ". Si M.C..., fait valoir qu'il est entré en France en 2000, soit depuis plus de dix ans, il n'établit pas, par la seule production d'un courrier de France Terre d'asile, la réalité de sa présence en France avant le 3 avril 2006. Par ailleurs, il est constant que le requérant a été incarcéré à..., au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comme l'ont relevé les premiers juges. Ainsi, l'intéressé ne justifiant pas d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, le préfet du Calvados n'a pas méconnu les dispositions précitées en ne procédant pas à la saisine préalable de la commission du titre de séjour. Le moyen tiré d'un tel vice de procédure doit, dès lors et en tout état de cause, être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tel qu'il résulte du 3° de l'article 13 de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Le VI de l'article 67 de la loi précitée dispose que " le 3° de l'article 13 (...) s'applique aux demandes présentées après son entrée en vigueur ", soit après le 1er janvier 2017. Aux termes de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise. (...) " et aux termes de l'article R. 311-12 du même code, dans sa rédaction applicable : " Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. ".
4. Il résulte de ces dispositions que la demande de titre de séjour présentée par M. C... le 16 juin 2015 a fait l'objet, en l'absence de réponse dans un délai de quatre mois, d'une décision implicite de rejet malgré la délivrance à l'intéressé de récépissés de demande de titre de séjour successifs. Cette décision n'a pas été contestée. Au demeurant, il est constant que M. C...a déposé une nouvelle demande de titre de séjour le 16 mars 2017, postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 7 mars 2016. Ainsi, alors même que, dans l'arrêté attaqué, le préfet ne mentionne que la première demande de titre de séjour du 16 juin 2015, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet a fait application des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur nouvelle rédaction, en saisissant pour avis un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
5. En troisième et dernier lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, le 25 septembre 2017, que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort des pièces du dossier que M. C...souffre notamment d'épilepsie et d'une hépatite C et suit un traitement à base de Subutex, Seresta, Keppra et Rénutryl. S'il ressort des pièces du dossier que certains de ces médicaments ne sont pas disponibles en Arménie, le préfet établit que des molécules similaires y sont disponibles, le requérant n'apportant pas ensuite la preuve qu'il ne pourrait suivre un tel traitement alternatif. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
En ce qui concerne l a décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
8. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. S'il ressort des pièces du dossier que M. C...est présent en France depuis 2006, il a été incarcéré à.plusieurs reprises pour une durée totale de 21 mois et 15 jours, qui ne peut être prise en compte pour établir la durée de séjour en France En outre, il est constant qu'il est séparé de son ancienne compagne française. Il n'établit pas ni même n'allègue ne plus avoir de liens familiaux dans son pays d'origine. Ainsi, alors même qu'il aurait gardé des contacts amicaux avec son ancienne compagne et la fille de cette-dernière, qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche et produit une pétition en sa faveur, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 11 janvier 2019.
Le rapporteur,
P. PICQUET
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT01929