Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 11 août, 16 octobre et 23 novembre 2020, M. et Mme C..., représentés par Me Rodrigues Devesas, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la fraude, à l'absence d'intention matrimoniale et à la menace à l'ordre public ; elle méconnait les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 janvier 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Buffet,
- et les observations de Me Labarre, substituant Me Rodrigues Devesas, pour M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 13 mars 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. et Mme C... tendant à l'annulation de la décision du 27 décembre 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises en poste à Alger, refusant de délivrer à M. C... un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissante française. M.et Mme C... relèvent appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour. La durée de validité de ce visa ne peut être supérieure à un an. / (...) / Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article (...) ".
3. Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, de l'établir, la seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée n'y faisant pas obstacle. L'administration peut également refuser la délivrance du visa lorsque le demandeur présente une menace à l'ordre public.
4. Pour rejeter, par sa décision du 27 décembre 2018, la demande de visa de M. C..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur " le caractère complaisant du mariage, à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, dans le seul but de faciliter l'établissement en France du demandeur, connu sous deux identités et nationalités différentes, qui a fait l'objet d'une condamnation par le tribunal correctionnel de Nantes en 2014 et de plusieurs obligations de quitter le territoire français dont la dernière date du 17 novembre 2017 ".
5. D'une part, M. C..., né le 8 octobre 1978, de nationalité algérienne, a épousé, le 29 octobre 2016, à Saint-Philbert-de-Grand-Lieu (Loire-Atlantique), Mme B... A..., née le 27 avril 1964, de nationalité française. Si les requérants soutiennent qu'ils se sont rencontrés en 2014 et qu'ils se sont installés en 2016 au domicile de l'épouse, aucun élément versé au dossier ne permet d'attester d'une vie commune avant le mariage. Les intéressés produisent un contrat de location du 1er décembre 2016 pour un appartement situé 2, avenue de Bordeaux à Saint-Herblain. Toutefois, ce document mentionne qu'ils habitaient auparavant ensemble au 5, rue du Bonhomme à Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, alors que les bulletins de salaire que M. C... verse au dossier font apparaitre qu'il habitait à cette date au 4, avenue Saint Goazec à Nantes. Les factures d'énergie produites comportent également des contradictions en ce qu'elles sont établies tantôt au nom de M. C..., tantôt aux noms de M. C... et de Mme A.... Ces documents ne suffisent pas à attester de la réalité de l'intention matrimoniale des époux. Enfin ni les billets d'avions relatifs à des voyages entrepris après la décision contestée, ni les attestations, insuffisamment étayées, ni les quelques échanges de messages effectués sur le système de messagerie instantanée " Messenger ", non datés, postérieurs à 2018 ou comportant des dates incohérentes, ne suffisent à attester de la réalité d'une telle intention. Dans ces conditions, alors même que la sincérité des sentiments de Mme C... pour son mari n'est pas contestée en défense, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du caractère frauduleux du mariage de M. et Mme C....
6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré irrégulièrement en France le 27 août 2012 et qu'il a fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement les 4 juin 2012 et 24 avril 2015. Il résulte des mentions du bulletin n° 2 de son casier judiciaire qu'il est connu de la justice française sous deux identités différentes et qu'il a été condamné, le 2 janvier 2014, par le tribunal correctionnel de Nantes à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits d'agression sexuelle commis le 29 mai 2013. Eu égard à leur nature et à leur gravité, et à leur caractère relativement récent à la date à laquelle la décision de refus de visa en litige a été prise, ces faits sont de nature à caractériser l'existence d'une menace à l'ordre public.
7. Il résulte des développements qui précèdent que le moyen tiré de ce que la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 211- 2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant la demande dont elle était saisie aux motifs que le mariage était entaché de fraude et que M. C... représentait une menace pour l'ordre public doit être écarté.
8. Compte tenu de qui a été dit au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Leurs conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... épouse C..., à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente-assesseure,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2022.
La rapporteure,
C. BUFFETLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20NT02495