Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 avril 2017, M. et Mme A..., représentés par MeB..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er mars 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 28 mai 2015 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France portant rejet du recours de M.A... ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à M. A...un visa de long séjour dans l'espace Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision consulaire est intervenue sans avoir fait l'objet, au préalable, d'un examen sérieux de la situation personnelle de M.A... ;
- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le motif de la décision consulaire tiré de ce que les informations qu'il a fournies ne sont pas fiables est injustifié ;
- son épouse et lui-même justifient de revenus suffisants pour financer son séjour en France ;
- il ne présente aucun risque de détournement du visa à des fins migratoires ; il entend uniquement rendre visite à son épouse et ses enfants, ainsi que les autres membres de sa famille ;
- le refus de visa qui lui est opposé porte une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie familiale normale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions attaquées méconnaissent la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il serait illogique et dispendieux d'obliger son épouse et leurs quatre enfants à se déplacer au Maroc pendant les vacances scolaires, alors qu'il peut venir à moindre coût en France hors vacances scolaires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Des pièces complémentaires, présentés pour les épouxA..., ont été enregistrés le 27 mars 2018, postérieurement à la clôture d'instruction.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. et Mme A...n'est fondé.
Mme A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale/partielle par une décision du 8 août 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990
- le code civil ;
- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Sacher a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., ressortissant marocain né en 1964, est entré régulièrement en France en 1989 ; que sa carte de résident est arrivée à expiration le
14 juillet 2012 alors que l'intéressé était incarcéré au Maroc ; que, le 25 mars 2015, il a sollicité la délivrance d'un visa de court séjour pour visite familiale ; que, par une décision du 31 mars suivant, l'autorité consulaire française a refusé de faire droit à cette demande ; que, le 9 avril 2015 le requérant a formé un recours administratif contre cette décision auprès de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; que, M. et Mme A...relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nantes qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision consulaire du 31 mars 2015 ainsi que de la décision du
28 mai 2015 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours ;
Sur les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision de l'autorité consulaire française du 31 mars 2015 :
2. Considérant qu'aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en raison des pouvoirs ainsi conférés à la commission, les décisions par lesquelles elle rejette les recours introduits devant elle se substituent à celles des autorités diplomatiques et consulaires qui lui sont déférées ; que, par suite, les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision de l'autorité consulaire française à Fès (Maroc) du 31 mars 2015 sont irrecevables et doivent être ainsi rejetées ;
Sur les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 28 mai 2015 :
3. Considérant en premier lieu, que compte tenu de ce qui a été énoncé au point précédent les moyens tirés de ce que la décision du 31 mars 2015 n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation, de ce que ses motifs ne sont pas justifiés, de ce qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et de ce qu'elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la convention internationale relative aux droits de l'enfant sont sans incidence sur la légalité de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, qui s'y est substituée ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 10 de la convention d'application de l'accord de Schengen : " 1. Il est institué un visa uniforme valable pour le territoire de l'ensemble des Parties contractantes. Ce visa (...) peut être délivré pour un séjour de trois mois au maximum (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 en vigueur à la date des décisions attaquées: " 1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois sur une période de six mois, les conditions d 'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : (...) c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'obtention d'un visa de court séjour est subordonnée à la condition que le demandeur justifie à la fois de sa capacité à retourner dans son pays d'origine et de moyens de subsistance suffisants pendant son séjour ; qu'il appartient au demandeur de visa dont les ressources personnelles ne lui assurent pas ces moyens d'apporter la preuve de ce que les ressources de la personne qui l'héberge et qui s'est engagée à prendre en charge ses frais de séjour au cas où il n'y pourvoirait pas sont suffisantes pour ce faire ;
5. Considérant que le ministre de l'intérieur soutient que M. A...ne justifie pas de ressources propres ; qu'il ressort de la demande de visa de M. A...versée au dossier par le ministre de l'intérieur que M. A...se déclare sans profession ; que si son épouse est locataire d'un appartement, il ressort des pièces du dossier qu'elle ne subvient à ses besoins et ceux de ses quatre enfants qu'à l'aide des prestations sociales, pour un montant ne dépassant pas 1 884 euros par mois ; que dans ces circonstances, la commission n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que M. A...et son épouse ne disposaient pas de ressources suffisantes pour lui permettre d'assurer ses frais de voyage et de séjour en France ;
6. Considérant, en troisième lieu, que M. A...est sans profession alors que son épouse et leurs quatre enfants mineurs vivent en France ; que dans ces conditions la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation estimer qu'il existait un risque que le visa soit détourné de son objet ;
7. Considérant en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) " ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a résidé régulièrement sur le territoire national de 1989 à 2012 et que son épouse et leurs quatre enfants respectivement nés en 2000, 2003, 2006 et 2010 vivent sur le territoire national ; que toutefois, M. A...n'apporte aucun élément de nature à attester du maintien de liens avec son épouse et leurs enfants depuis son incarcération au Maroc au mois de mai 2012, pour des faits de trafic de stupéfiants ; que si les requérants se prévalent de leurs nombreuses conversations téléphoniques, il ne les établissent par aucun document ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M.A..., qui au demeurant se déclare sans profession et n'établit pas non plus être resté en contact avec ses enfants, serait à même d'apporter à sa famille le soutien nécessaire dont les époux se prévalent en fournissant des certificats médicaux faisant état de la mauvaise santé de la mère et de certains de ses enfants ; que dans ces circonstances, alors même que les requérants soulignent le coût élevé d'une visite de la famille à M. A...au Maroc, la décision du président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale ; que dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
9. Considérant que la décision de refus de visa n'entraîne par elle-même aucun risque de séparation entre un enfant et l'un de ses deux parents, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 doit être écarté
10. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande ; que leurs conclusions aux fins d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles qu'il ont présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., à Mme C...E...épouse A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Mony, premier conseiller,
- M. Sacher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 avril 2018.
Le rapporteur,
E. SACHERLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
C.GOY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01320