Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés le 19 mars et le 23 avril 2018, le ministre de la cohésion des territoires demande à la Cour d'annuler ce jugement du 16 janvier 2018.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en ce qui concerne l'application de l'article R.111-27 du code de l'urbanisme compte tenu de la proximité de la cathédrale de Chartres, classée au patrimoine mondial de l'UNESCO ;
- les premiers juges ont également commis une erreur d'appréciation en ce qui concerne l'application de ce même article de l'implantation dans la zone de sensibilité forte du point de vue des enjeux de préservation de la cathédrale de Chartres identifiés par le schéma éolien départemental d'Eure-et-Loir et par le schéma régional du Centre Val de Loire.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 juin 2018 et 4 septembre 2018, la société Parc Eolien d'Ermenonville la Grande, représentée par MeA..., conclut au rejet du recours, et, par la voie de l'appel incident à l'annulation de l'article 2 du jugement du 16 janvier 2018 et à titre principal, à ce que la cour délivre le permis de construire sollicité, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de délivrer le permis de construire sollicité dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt de la cour ceci sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard, à titre infiniment subsidiaire, à ce que la cour délivre le permis de construire pour quatre des cinq éoliennes ou à défaut, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de délivrer le permis de construire sollicité pour quatre des cinq éoliennes en cause dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt de la cour sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard, et en toute hypothèse, à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges auraient du enjoindre au préfet de délivrer l'autorisation sollicitée ;
- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
- les moyens soulevés par le ministre de la cohésion des territoires ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées que l'affaire était susceptible, à compter du 5 septembre 2018, de faire l'objet d'une clôture d'instruction à effet immédiat en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Vu l'avis d'audience en date du 13 septembre 2018 portant clôture immédiate de l'instruction en application des articles R 611-11-1 et R 613-2 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la société Parc Eolien d'Ermenonville la Grande.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que la SAS Parc Eolien d'Ermenonville la Grande a sollicité, le 17 février 2014, la délivrance d'un permis de construire afin de permettre la réalisation d'un parc éolien comprenant 5 aérogénérateurs et un poste de livraison électrique. Le projet prévoit ainsi l'édification, sur une zone d'implantation située sur le territoire de la commune d'Ermenonville-La-Grande, de 5 éoliennes d'une hauteur sommitale de 150 mètres, comportant un mat de 91 mètres de haut et un rotor à trois pales d'un diamètre de 116,8 mètres. Le projet prévoit que ces éoliennes sont alignées à proximité immédiate de l'autoroute A11, selon un axe sud-ouest/nord-est et sur une longueur de près de 2 kilomètres, la plus septentrionale des éoliennes, référencée E05, étant approximativement située, au vu des différentes cartes figurant au dossier, à une distance de 14 kilomètres de la cathédrale de Chartres. Cette demande de permis de construire a fait l'objet d'un refus implicite du préfet de la région Centre-Val de Loire le 5 juin 2015. Ce dernier, par un arrêté du 11 janvier 2016, a retiré ce refus implicite pour lui substituer une décision explicite de refus de délivrer le permis de construire sollicité. Le ministre de la cohésion des territoires relève appel du jugement du 16 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif d'Orléans, saisi par la société pétitionnaire d'une demande d'annulation de ce refus explicite, a fait droit à cette demande. Par la voie de l'appel incident, la société Parc Eolien d'Ermenonville la Grande, demande la réformation de l'article 2 du jugement attaqué en tant que par cet article le tribunal a donné un délai de 3 mois au préfet pour délivrer le permis de construire sollicité et que l'autorisation sollicitée lui soit délivrée dès la notification de l'arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur l'appel principal :
2. Aux termes de l'article R. 111-27 applicable à la date à laquelle le préfet de la région Centre-Val de Loire a pris sa décision de refus de permis de construire et dont le ministre demande qu'il soit fait application : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales.". Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
3. Comme indiqué au point 1, le projet litigieux prévoit la construction de cinq éoliennes d'une hauteur de cent cinquante mètres, pales comprises, dont la plus proche se situe à une distance de moins de 14 kilomètres de la cathédrale de Chartres, monument historique de renommée internationale inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. La société requérante, en se référant aux nombreux photomontages qu'elle a réalisés, indique, dans l'étude paysagère annexée au dossier, que la perception des éoliennes en cas de covisibilité avec la cathédrale sera " faible " et que " dans les rares cas de vues lointaines des flèches et du projet depuis un même point (secteur Ouest ou secteur Est), d'une part la hauteur apparente des flèches de la cathédrale et celle des éoliennes sont très faibles et d'autre part les flèches de la cathédrale et le parc éolien sont très distantes l'une de l'autre sur l'horizon ". Cependant, il ressort de l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France du 15 juin 2015 que le parc éolien en litige se situe entre deux sites importants, la cathédrale de Chartres et la ZPPAUP d'Illiers-Combray et constitue " une menace forte pour la qualité des approches du patrimoine remarquable régionalement et internationalement ". Par ailleurs, le dossier ne comprend aucun photomontage permettant réellement d'apprécier l'impact paysager du projet selon une perspective nord-sud, les photomontages 4 et 9 étant situés à une trop grande distance du projet. Le ministre démontre en outre, sans être sérieusement démenti par la société requérante, que les éoliennes en cause seront en situation de covisibilité avec la cathédrale de Chartres pour tout observateur observant à courte distance ces éoliennes selon cette perspective. Dans ces conditions, et alors même que le projet était implanté en ligne courbe et situé dans la zone favorable du schéma régional éolien, le tribunal administratif d'Orléans a commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet litigieux ne portait pas atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants ou à la conservation des perspectives offertes sur la cathédrale de Chartres.
4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Parc Eolien d'Ermenonville la Grande tant devant le tribunal administratif d'Orléans que devant la cour.
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en reprenant, en se les appropriant, dans l'arrêté du 11 janvier 2016, les motifs retenus par l'architecte des bâtiments de France pour fonder son avis défavorable du 15 juin 2015, l'autorité préfectorale puisse être regardée comme s'étant estimée liée, à tort, par cet avis. Cette même circonstance ne saurait davantage constituer un défaut de motivation de l'arrêté litigieux. Les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué et de son absence de motivation doivent donc être écartés.
6. Par suite, et sans qu'il soit besoin ni de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni de faire droit à la demande de mesure d'instruction sollicitée, le ministre de la Cohésion des Territoires est fondé à en demander l'annulation ainsi que le rejet de la demande présentée par la société Parc Eolien d'Ermenonville la Grande.
Sur les conclusions d'appel incident :
7. Compte tenu de ce qui précède les conclusions à fin d'injonction présentées par la société Parc Eolien d'Ermenonville la Grande dans son appel incident tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de lui délivrer sans délai l'autorisation sollicitée sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée au titre de ces dispositions par la société Parc Eolien d'Ermenonville la Grande.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1503769-1600529 du 16 janvier 2018 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.
Article 2 : La demande de la société Parc Eolien d'Ermenonville La Grande est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées en appel par la société Parc Eolien d'Ermenonville La Grande est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la SAS Parc Eolien d'Ermenonville la Grande
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la région Centre Val de Loire.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président-assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.
Le rapporteur,
P. PICQUETLe président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01205