Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 avril 2021, M. K... Yadong C..., représenté par Me Besse, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. Yadong C... soutient que :
- le lien de filiation est établi par la production du Hukou et le livret vert des demandeurs et par la possession d'état ;
- la demande de réunification familiale n'est pas partielle dans la mesure où la demande tend à faire venir en France l'ensemble des membres de la famille se trouvant en Inde ; la décision contestée est entachée d'une erreur de fait ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 août 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. Yadong C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Buffet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 16 février 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. Yadong C..., ressortissant chinois d'origine tibétaine, tendant à l'annulation de la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 23 octobre 2017 des autorités diplomatiques françaises en Inde rejetant les demandes de visa d'entrée et de long séjour de Mme Yadong C... et des enfants I... Wangmo Yadong C... et Tenzin F... Yadong C... présentées en qualité de membre de famille de réfugié. M. Yadong C... relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " I.- Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans (...) / II.- Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. (...) Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil, (...) peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 111-6 du même code, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. La circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet la réunification familiale des enfants d'une personne admise à la qualité de réfugié ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public. Figure notamment au nombre de ces motifs l'absence de caractère probant des documents destinés à établir le lien de filiation entre le demandeur de visa et le membre de la famille qu'il projette de rejoindre sur le territoire français ainsi que le caractère frauduleux des actes d'état civil produits.
5. Pour justifier de l'identité et des liens familiaux avec Mme Yadong C... et les enfants I... Wangmo Yadong C... et Tenzin F... Yadong C..., a été produit un Hukou tenant lieu de livret de famille délivré, le 28 décembre 2007, en Chine, au nom de M. K... Yadong C... " en tant que chef de famille ", sur lequel Mme I... L... Yadong C... est mentionnée comme son épouse et I... Wangmo Yadong C..., O... F... Yadong C... et O... H... Yadong C... comme ses enfants. Ce document qui mentionne, outre l'identité des intéressés avec leur nom, prénom, date et lieu de naissance, leur origine, leur numéro de carte d'identité et l'agent de registre, constitue un document légal destiné à prouver l'état civil des citoyens et les relations entre les membres de la famille. M. Yadong C... produit, également, un livret vert des demandeurs de visas établi par l'administration tibétaine en exil, dont les énonciations ne sont pas contestées par le ministre. Les informations contenues dans ces documents sont conformes aux déclarations faites par M. Yadong C... devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lors du dépôt de sa demande d'asile. Dans ces conditions, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, en estimant que l'identité de Mme Yadong C... et des enfants I... Wangmo Yadong C... et Tenzin F... Yadong C... et leurs liens de filiation avec M. Yadong C... n'étaient pas établis, a fait une inexacte application des dispositions précitées.
6. Toutefois, aux termes de l'article L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " (...) / Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 411-1 à L. 411-3. Un regroupement partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. " Il résulte de ces dispositions que le regroupement familial doit concerner, en principe, l'ensemble de la famille du ressortissant étranger qui demande à en bénéficier et qu'un regroupement familial partiel ne peut être autorisé à titre dérogatoire que si l'intérêt des enfants le justifie.
7. Pour rejeter les demandes de visa, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est également fondée sur ce que la demande de réunification familiale présentait un caractère partiel.
8. Ainsi qu'il a été dit, il ressort du " Hukou " versé au dossier que M. et Mme Yadong C... ont trois enfants, I... Wamgme, Tenzin F... et Tenzin H.... Toutefois, il est constant qu'aucune demande de visa n'a été formée pour ce dernier né le 6 juillet 2007. Si M. Yadong C... soutient, pour justifier l'absence de demande de visa, que l'enfant est retourné vivre au Tibet avec ses grands-parents, la mère étant en difficulté pour s'occuper seule en Inde de leurs trois enfants, cette circonstance, laquelle est au demeurant contredite par une lettre jointe à la demande de visa, faisant état de ce que l'enfant O... H... n'est pas venu en Inde avec sa mère en raison des risques encourus lors de ce voyage, ne constitue pas un motif tenant à l'intérêt de l'enfant de nature à justifier une réunification partielle de la famille. Dès lors, en refusant, par la décision contestée, les visas sollicités au motif que leur délivrance aurait pour effet de rompre l'unité familiale, la commission de recours n'a pas entaché sa décision d'une erreur de fait, ni méconnu les dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni méconnu celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. Yadong C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. Yadong C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. K... Yadong C..., Mme Yadong C..., M. I... Wangmo Yadong C..., M. Tenzin F... Yadong C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de la formation de jugement,
- M. Frank, premier conseiller,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2022.
La présidente rapporteure,
C. BUFFETL'assesseur le plus ancien,
A. FRANK Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21NT01158