Par une requête enregistrée le 11 juin 2019, M. et Mme E..., représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du président du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de nommer un expert avec la mission suivante : prendre connaissance des pièces du dossier, se faire communiquer les documents techniques relatifs aux travaux de voirie effectués par la commune de Guiclan au voisinage de la parcelle G 270, leur appartenant, se rendre sur les lieux en présence des parties et de leurs conseils, préciser la superficie de leur propriété et procéder aux investigations requises pour permettre de se prononcer sur la réalité et l'étendue de l'emprise qu'ils dénoncent à la suite de ces travaux de voirie ; dans cette hypothèse, matérialiser cette emprise sur un plan, le cas échéant, estimer la valeur de la perte de propriété résultant de cette emprise, fournir tous les éléments de nature à permettre de se prononcer sur les éventuelles responsabilités encourues et, le cas échéant, sur les préjudices subis, s'il y a lieu faire toutes autres constatations nécessaires, entendre les observations de tous intéressés et annexer à son rapport tous documents utiles, de manière générale, fournir tous éléments techniques et de fait et faire toutes constatations de nature à permettre à la juridiction, le cas échéant saisie, d'apprécier les responsabilités encourues et les préjudices subis, dans les limites de cette mission, répondre aux dires et observations des parties, et dresser un rapport écrit de ces opérations, qui sera déposé au greffe dans un délai de trois mois à compter de l'avis de versement de la consignation.
Ils soutiennent que :
- lors d'un bornage de leur propriété situé au lieu-dit " Kerdravel " à Guiclan réalisé le 22 décembre 2015, le géomètre expert a constaté que la route située au droit de leur propriété empiétait sur la parcelle cadastrée à la section G sous le n° 270 leur appartenant ; la commune de Guiclan a refusé de procéder à la restitution de cette parcelle ; le propriétaire d'un terrain sur lequel la personne publique empiète ne se retrouve aucunement dépossédé de son droit de propriété ;
- leur demande ne tend pas à obtenir la délimitation de la parcelle cadastrée G n°270 dans sa limite avec la voie publique mais à une expertise portant, notamment, sur la réalité et l'étendue de l'empiètement d'un ouvrage public appartenant à la commune de Guiclan sur cette parcelle ;
- les pièces du dossier démontrent l'empiètement sur leur parcelle de l'ouvrage public appartenant à la commune de Guiclan et l'utilité d'une expertise qui aurait pour intérêt de rendre contradictoires et opposables les constats effectués ; la mesure d'expertise telle qu'elle est sollicitée permettrait, dès ce stade, de rendre contradictoire le constat d'un empiètement sans qu'une action à l'encontre d'un éventuel arrêté d'alignement ainsi qu'une nouvelle expertise ne soient nécessaires dans le futur ; elle présente donc un caractère d'utilité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2019, la commune de Guiclan, représentée par Me J... et Me G..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative n'est pas compétente pour ordonner l'expertise sollicitée si elle tend à la délimitation de la propriété des requérants au droit de la voie communale ; l'objet de la contestation des requérants porte sur la détermination respective de leur propriété et de celle de la commune ; cette question relève exclusivement de la compétence du juge judiciaire ;
- la fixation de la limite entre une propriété privée et le domaine public routier ne pouvant être opérée que par la voie de la procédure spéciale de l'article L.112-1 du code de la voirie routière, la mesure d'instruction sollicitée si elle tend à cette fin, est privée d'utilité.
Un mémoire, présenté pour M. et Mme E..., a été enregistré le 17 juin 2020 et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., pour M. et Mme E... et de Me B..., pour la commune de Guiclan.
Considérant ce qui suit :
1. Par une ordonnance du 27 mai 2019, le président de tribunal administratif de Rennes, statuant en référé, a rejeté la requête de M. et Mme E... tendant à ordonner une expertise portant, notamment, sur la réalité et l'étendue de l'empiétement d'un ouvrage public appartenant à la commune de Guiclan sur la parcelle cadastrée section G n° 270 leur appartenant. M. et Mme E... relèvent appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En vertu de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.
3. M. et Mme E... soutiennent que la route communale empiète sur la parcelle cadastrée à la section G sous le n° 270 leur appartenant et demandent, compte tenu de l'implantation irrégulière de cet ouvrage sur le terrain dont ils sont propriétaires, et dont ils ne contestent pas qu'elle n'a pas pour effet l'extinction de leur droit de propriété, que soit ordonnée une expertise portant " sur la réalité et l'étendue de l'empiètement de cet ouvrage public appartenant à la commune de Guiclan " sur cette parcelle, en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices qui leur ont été causés par cette atteinte à leur propriété.
4. Contrairement à ce que soutient la commune, cette mesure ne soulève pas une question sérieuse sur la propriété du terrain en cause mais soulève seulement une question relative à la réalité et à l'étendue de l'emprise irrégulière, ainsi qu'il ressort des écritures mêmes des requérants.
5. Les requérants versent au dossier un procès-verbal de délimitation de la voie publique au droit de la parcelle G 270, établi le 7 novembre 2015, par un géomètre-expert, à partir du procès-verbal de bornage amiable dressé le 2 mars 2009, des actes de propriété, de l'état des lieux et du cadastre, après une réunion contradictoire qui s'est tenue le 9 octobre 2015, en présence de Mme E... et d'un représentant de la commune, aux termes duquel " les parties reconnaissent comme réelle et définitive la limite de propriété objet du procès-verbal ". Ce document fixe les " limites de propriété séparatives communes et la limite de fait, par décision unilatérale, correspondant à l'assiette de l'ouvrage routier (...) entre la parcelle G 270 et la voie communale " et donc l'étendue de l'emprise de la voie publique sur la parcelle des requérants, ces derniers n'étant pas dépourvus, par ailleurs, de moyens leur permettant d'établir la valeur de leur bien, dont il n'appartiendra qu'au juge du fond d'apprécier la pertinence. Dans ces conditions, la mesure d'expertise sollicitée ne présente pas un caractère utile au sens des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.
6. Il résulte de ce qui précède, que M. et Mme E... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Rennes, statuant en référé, a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme E... le versement à la commune de Guiclan de la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Guiclan tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... et à la commune de Guiclan.
Délibéré après l'audience du 4 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme C..., présidente-assesseur,
- M. Franck, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 septembre 2020.
Le rapporteur,
C. C...Le président,
T. CELERIER
La greffière,
C. POPSE
La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02235