Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2019, M. F... H... B... et
Mme C... A..., agissant en leur nom propre et au nom de leur fille mineure I..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités ou, à défaut, de réexaminer leur demande, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 10 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au profit de Me E... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision contestée de la commission de recours méconnaît les dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par une décision du 1er juillet 2019, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nantes a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret no 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les observations de Me E..., représentant M. B... et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant bangladais né le 10 août 1980, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié le 25 mars 2014. Des visas de long séjour ont été sollicités pour son épouse alléguée, Mme C... A..., née le 20 novembre 1982, ainsi que leur fille alléguée G... Iram née le 9 septembre 2013. Par une décision du 1er décembre 2015, les autorités consulaires françaises à Dacca (Bangladesh) ont refusé de délivrer à ces dernières des visas de long séjour. Le recours formé contre cette décision consulaire a été rejeté par une décision du 31 mars 2016 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. M. B... et Mme A..., agissant en leur nom propre et au nom de leur fille mineure, relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande d'annulation de la décision de la commission de recours.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint (...) / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) / II. - (...) / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. / (...). "
3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
4. Il résulte des termes de la décision attaquée que, pour refuser de délivrer des visas de long séjour à Mme A... et à l'enfant G..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur la circonstance que les actes d'état civil produits à l'appui des demandes litigieuses étaient frauduleux et que l'identité et le lien familial des demanderesses avec le réfugié n'étaient pas établis.
5. Pour justifier de son identité, Mme A... produit un acte de naissance délivré le 7 janvier 2016 pour une naissance enregistrée le même jour, ainsi qu'un acte de naissance délivré le 2 avril 2015 pour une naissance enregistrée le 23 avril 2014. La production de deux actes de naissance différents pour une même personne est de nature à remettre en cause leur valeur probante. En outre, il ressort des pièces du dossier que le numéro d'identification personnel qui figure sur l'acte de naissance de 2016 et le passeport de l'intéressée diffère de celui qui figure sur sa carte d'identité, lequel ne correspond pas non plus au numéro d'identification personnel qui figure sur l'acte de naissance de 2015.
6. Pour justifier de l'identité de l'enfant G..., les requérants versent au dossier un acte de naissance délivré le 7 janvier 2016 pour une naissance enregistrée le même jour, ainsi qu'un acte de naissance délivré le 2 avril 2015 pour une naissance enregistrée le 10 avril 2014. La production de deux actes de naissance différents pour une même personne est de nature à remettre en cause leur valeur probante.
7. Il est enfin constant que M. B... et Mme A... ont par ailleurs produit un faux acte de mariage à l'appui de leur demande initiale de visa, de même qu'un acte de naissance frauduleux pour le jeune F... J... H..., qu'ils ont présenté comme leur enfant alors qu'il était né d'un premier lit de M. B....
8. Dès lors, en refusant de délivrer des visas de long séjour à Mme A... et à l'enfant G..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En second lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, l'identité et le lien familial entre M. B..., d'une part, et son épouse et sa fille alléguées, d'autre part, ne sont pas établis par les actes d'état civil versés au dossier. Les éléments de possession d'état avancés par les requérants ne sont, en tout état de cause, pas suffisants pour établir le lien de filiation entre M. B... et la jeune G.... La production d'un acte de mariage frauduleux fait par ailleurs obstacle à ce que les requérants puissent se prévaloir d'un lien matrimonial par la possession d'état, à la supposer invocable. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doivent être écartés.
10. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Dès lors, leur requête d'appel doit être rejetée, y compris leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... H... B..., à Mme C... A..., à Me E... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme Buffet, président-assesseur,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2020.
Le rapporteur,
F.-X. D...Le président,
T. Célérier
Le greffier,
C. Popsé
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 19NT03139