Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2015, MmeC..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 juillet 2014 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 11 septembre 2013 et du 4 décembre 2013 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder à un nouvel examen de sa situation, en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour dans l'attente ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- sur le refus d'admission provisoire au séjour :
. l'arrêté contesté se borne à recourir à une motivation stéréotypée et procède d'un défaut d'examen complet de sa situation ;
. la décision a été prise en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
. le recours à la procédure prioritaire est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- sur le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire :
. c'est à tort que le tribunal a rejeté les moyens soulevés à l'appui de l'exception d'illégalité du refus d'admission au séjour au titre de l'asile ;
. la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- sur la fixation du pays de renvoi :
. en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de sa situation par la décision fixant l'Angola comme pays de renvoi ;
. la fixation de l'Angola comme pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Une mise en demeure a été adressée le 8 avril 2015 au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Par ordonnance du 24 février 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 11 mars 2016.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 novembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Francfort, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeC..., ressortissante angolaise entrée en France irrégulièrement le 30 mars 2011, a sollicité, le 29 juin 2011, son admission provisoire au séjour au titre de l'asile ; que sa demande d'octroi du statut de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 18 juin 2012, confirmée le 1er juillet 2013 par la Cour nationale du droit d'asile ; que Mme C...ayant sollicité le réexamen de sa demande d'asile, le préfet d'Ille-et-Vilaine a, par un arrêté du 11 septembre 2013, refusé de l'admettre provisoirement au séjour et a transmis sa demande, selon la procédure prioritaire, à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui l'a rejetée par une décision du 30 septembre 2013 ; que, par un arrêté du 4 décembre 2013, le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté la demande de titre de séjour de l'intéressée, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Angola comme pays de renvoi ; que Mme C...relève appel du jugement du 7 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 11 septembre 2013 et du 4 décembre 2013 ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que les premiers juges ont omis de répondre au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressée et de l'insuffisance de motivation, tel qu'il était invoqué au soutien des conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays à destination duquel la mesure d'éloignement est susceptible d'être exécutée ; que dans cette mesure le jugement attaqué est irrégulier et ne peut qu'être annulé ;
3. Considérant par voie de conséquence qu'il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi que comporte l'arrêté du 4 décembre 2013 et par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus d'admission provisoire au séjour :
4. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'en particulier, il cite les dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et expose les éléments se rapportant à la situation personnelle de MmeC..., dont la demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 juin 2012 puis par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 1er juillet 2013 et qui a, dès le 28 août 2013, manifesté l'intention de solliciter de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le réexamen de sa demande et requis, auprès du préfet d'Ille-et-Vilaine, une nouvelle autorisation provisoire de séjour ; qu'ainsi, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que le préfet, qui a estimé que cette nouvelle demande n'était présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement, n'aurait pas suffisamment motivé sa décision de refus d'admission au séjour et n'aurait pas procédé à un examen complet de sa situation ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger présent sur le territoire français qui, n'étant pas déjà admis à séjourner en France, sollicite son admission au séjour au titre de l'asile, est informé par les services de la préfecture des pièces à fournir en vue de cette admission et doit se voir remettre un document d'information sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter, ainsi que sur les organisations susceptibles de lui procurer une assistance juridique, de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil offertes aux demandeurs d'asile ; que cette information doit être faite dans une langue dont il est raisonnable de penser que l'intéressé la comprend ; qu'eu égard à l'objet et au contenu de ce document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, sa remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile, pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes ;
6. Considérant que si Mme C...soutient ne pas avoir reçu l'ensemble des informations prescrites par l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que cette information n'aurait pas été faite dans une langue qu'elle comprend, il est constant qu'ayant déjà sollicité l'asile peu de temps auparavant, elle connaissait la procédure à suivre et les pièces à présenter ; qu'elle ne soutient pas sérieusement que, lors de sa demande initiale, ces documents ne lui auraient pas été remis ; que l'éventuelle omission d'une ou plusieurs pièces, à la supposer établie, lors de l'examen de cette seconde demande, est donc sans incidence, dans les circonstances de l'espèce, sur la légalité de la décision ;
7. Considérant, en troisième lieu, que Mme C...s'étant vue refuser l'asile par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 1er juillet 2013, elle a produit le 28 août 2013 une lettre datée du 5 juillet 2013 afin de justifier d'une demande de réexamen de sa demande d'asile ; que, compte tenu de la proximité de la date de sa demande de réexamen et de celle de la confirmation du rejet de sa première demande, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que la nouvelle demande d'admission au séjour présentée par Mme C... était présentée en vue de faire échec à une mesure d'éloignement imminente, et devait être traitée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le cadre de la procédure prioritaire ; qu'au demeurant sa demande de réexamen a été rejetée, en l'absence d'élément nouveau, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 30 septembre 2013 ;
En ce qui concerne le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant, en premier lieu, que les décisions par lesquelles le préfet refuse, en fin de procédure, le séjour à l'étranger dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et l'oblige à quitter le territoire français ne sont pas prises pour l'application de la décision par laquelle le préfet statue, en début de procédure, sur l'admission provisoire au séjour ; que la décision prise sur l'admission au séjour ne constitue pas davantage la base légale du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ; que par suite, les moyens soulevés par Mme C...au soutient de l'invocation, par voie d'exception, de l'illégalité du refus d'admission provisoire au séjour qui lui a été opposé, ne peuvent être utilement invoqués à l'appui de son recours dirigé contre les décisions par lesquelles le préfet, après la notification du rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de la demande d'asile traitée dans le cadre de la procédure prioritaire, refuse le séjour et oblige l'étranger à quitter le territoire français ;
9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
10. Considérant que Mme C...fait état des difficultés qu'auraient ses deux filles, Elizabeth et Sofia Kanda Victor, nées respectivement en 2005 et 2007, qui sont scolarisées en France, à poursuivre leur scolarité en Angola compte tenu du faible taux de scolarisation après le primaire pour les filles dans ce pays ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la requérante et ses filles sont arrivées en France au mois de mars 2011, soit depuis moins de trois ans à la date des décisions contestées ; qu'ainsi eu égard au caractère récent de leur séjour et en l'absence d'obstacle à ce qu'elles poursuivent ensemble leur vie familiale en Angola, où il n'est pas établi que les enfants de la requérante seraient dans l'impossibilité d'être scolarisées, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
11. Considérant que la décision fixant l'Angola comme pays de destination comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est, dès lors, suffisamment motivée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision n'aurait pas été précédée d'un examen particulier de la situation de l'intéressée et des craintes invoquées ;
12. Considérant que si Mme C...soutient qu'elle a fui l'Angola en raison de l'engagement de son époux au sein du Front de libération de l'enclave du Cabinda (FLEC), après la disparition de ce dernier, et s'être évadée de l'hôpital militaire où elle se trouvait à la suite de sa propre interpellation par les forces de police et son incarcération, l'intéressée, dont les demandes d'asile et de réexamen ont été rejetées par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides des 18 juin 2012 et 30 septembre 2013 et par la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 1er juillet 2013, ne produit, à l'appui de ses allégations, aucun élément de nature à établir qu'elle serait personnellement exposée à des risques graves et actuels en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 11 septembre 2013 portant refus d'admission au séjour au titre de l'asile et de l'arrêté du 4 décembre 2013 en tant qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et d'autre part, que la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de ce dernier arrêté en tant qu'il fixe le pays de renvoi ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête n'implique aucune mesure d'exécution ; que dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C...ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme à ce titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 juillet 2014 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de Mme C...tendant à l'annulation de la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine du 4 décembre 2013 fixant le pays de renvoi.
Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation de la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine du 4 décembre 2013 fixant le pays de renvoi et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 8 juillet 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 juillet 2016.
Le rapporteur,
J. FRANCFORT
Le président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
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N° 15NT00120