Procédures devant la cour :
I) Par une requête, enregistrée le 2 mars 2015 sous le n° 15NT00760, M. B...D..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 janvier 2015 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 6 janvier 2015 du préfet de Loire Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, son avocat s'engageant à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.
M. D...soutient que :
En ce qui concerne la décision portant remise aux autorités polonaises
- il peut exciper de l'illégalité de cette décision, celle-ci ayant été prise en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 17 du Règlement communautaire dit Dublin III ;
- la décision litigieuse méconnaît également elle-même les dispositions des articles 4 et 17 du Règlement communautaire ;
- la décision litigieuse est insuffisamment motivée ;
- a décision litigieuse méconnaît les dispositions de l'article 17 du Règlement communautaire et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation s'agissant de l'appréciation portée par le préfet sur sa situation particulière ;
- la décision litigieuse méconnaît les dispositions de l'article 3-2 du Règlement communautaire et les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence
- la décision est illégale dès lors qu'il n'a pas été invité préalablement à présenter ses observations ;
- la décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant remise aux autorités polonaises, dont il entend exciper ;
- l'obligation de pointage quotidien auprès des services de police est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle est dépourvue de nécessité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2016, le préfet de Loire Atlantique conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir que, à titre principal, il n'y a plus lieu de statuer dès lors qu'il a été procédé à l'éloignement de M.D..., et que, à titre subsidiaire, aucun des moyens d'annulation soulevés par le requérant n'est fondé.
II) Par une requête, enregistrée le 2 mars 2015 sous le n° 15NT00761, M. A...D..., représenté par MeC..., demande à la cour (, dans le dernier état de ses écritures) :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 janvier 2015 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 6 janvier 2015 du préfet de Loire Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, son avocat s'engageant à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.
M. D...soutient que :
En ce qui concerne la décision portant remise aux autorités polonaises
- il peut exciper de l'illégalité de cette décision, celle-ci ayant été prise en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 17 du Règlement communautaire dit Dublin III ;
- la décision litigieuse méconnaît également elle-même les dispositions des articles 4 et 17 du Règlement communautaire ;
- la décision litigieuse est insuffisamment motivée ;
- la décision litigieuse méconnaît les dispositions de l'article 17 du Règlement communautaire et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation s'agissant de l'appréciation portée par le préfet sur sa situation particulière ;
- la décision litigieuse méconnaît les dispositions de l'article 3-2 du Règlement communautaire et les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence
- la décision est illégale dès lors qu'il n'a pas été invité préalablement à présenter ses observations ;
- la décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant remise aux autorités polonaises, dont il entend exciper ;
- l'obligation de pointage quotidien auprès des services de police est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle est dépourvue de nécessité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2016, le préfet de Loire Atlantique conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir que, à titre principal, il n'y a plus lieu de statuer dès lors qu'il a été procédé à l'éloignement de M.D..., et que, à titre subsidiaire, aucun des moyens d'annulation soulevés par le requérant n'est fondé.
Par deux ordonnances du 3 mars 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 21 mars à 12 heures.
M. B...D...et M. A...D...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 28 janvier 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mony a été entendu lors de l'audience publique.
1. Considérant que M. B...D...et M. A...D...relèvent appel du un jugement n° 1500125-1500126 du 9 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés du préfet de Loire Atlantique portant remise aux autorités polonaises et assignation à résidence des intéressés ;
2. Considérant que les requêtes n° 15NT00760 et n° 15NT00761 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur l'étendue du litige :
3. Considérant que la circonstance que les décisions dont la légalité est contestée par la présente requête aient été exécutées n'a pas pour effet de faire perdre leur objet aux conclusions tendant à leur annulation ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient le préfet, il y a lieu de statuer sur la requête de M. B...D...et de M. A...D...tendant à l'annulation du jugement en date du janvier 2015 ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
En ce qui concerne la remise aux autorités polonaises
4 Considérant que M. B...D...et M. A...D...soutiennent, en premier lieu, qu'ils peuvent utilement exciper de l'illégalité des décisions portant refus d'admission au séjour prises antérieurement à leur encontre, en ce que celles-ci ont méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement communautaire dit Dublin III relatives au droit à l'information des demandeurs d'asile, et de l'article 17 dudit règlement, en ce que le préfet n'a pas examiné leur situation au regard de ses dispositions lui permettant de faire usage d'une clause dite de souveraineté lui permettant d'admettre au séjour en qualité de demandeur d'asile un étranger pour lequel un autre Etat-membre de l'Union Européenne se serait déjà déclaré responsable ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B...D...et M. A...D...ont rempli, suite à leurs demandes d'asile, un imprimé traduit en langue russe, indiquant, en page 5, la remise du guide du demandeur d'asile et de l'information sur les règlements communautaires ; que la signature de cet imprimé par les intéressés doit être regardée comme constituant un commencement de preuve de ce que les documents indiqués leur ont effectivement été remis ; qu'il ne ressort aucunement des pièces du dossier que le préfet, qui n'est nullement tenu de justifier des raisons pour lesquelles il ne fait pas usage de la clause discrétionnaire de l'article 17 du Règlement Dublin III, ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation personnelle de M. B...D...et de M. A...D..., qui, de leur côté, n'établissent pas avoir fait état, lors de leur entretien en préfecture, un compte rendu synthétique de celui-ci figurant dans leur dossier de demandeur d'asile, de circonstances d'une nature justifiant qu'il soit fait usage de cette clause ; que la circonstance que les intéressés soient frères ne saurait constituer, en tout état de cause, un tel motif d'utilisation de cette clause ; qu'ainsi, à défaut d'établir l'illégalité des décisions par lesquelles le préfet a refusé leur admission au séjour en qualité de demandeurs d'asile, les requérants ne peuvent utilement en exciper à l'encontre des décisions de remise aux autorités polonaises prises à leur encontre ;
5. Considérant que M. B...D...et M. A...D...soutiennent, en deuxième lieu, que les décisions de remise aux autorités polonaises sont irrégulières en ce qu'elles méconnaissent également les mêmes dispositions de l'article 4 du règlement communautaire évoquées au point précédent relatives au droit à l' information des demandeurs d'asile placés sous procédure Dublin, et de l'article 17 relatif à la clause de souveraineté ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point précédent ;
6. Considérant, en troisième lieu, que les décisions attaquées, qui mentionnent le Règlement communautaire du 26 juin 2013 dit Dublin III, et qui indiquent également que le relevé des empreintes des intéressés auquel il a été procédé a fait apparaître que celles-ci figuraient déjà dans le fichier Eurodac et que les autorités polonaises, saisies d'une demande de reprise en charge de M. B...D...et de M. A...D..., avaient accepté d'y faire droit, doivent être regardées, quand bien même elles ne feraient pas apparaître la disposition particulière du Règlement précité relative au critère ayant permis au préfet de Loire Atlantique de déterminer l'Etat membre de l'Union Européenne responsable du traitement des demandes d'asile des intéressés, comme suffisamment motivées en fait et en droit ;
5. Considérant, en quatrième lieu, que si les requérants soutiennent que les procédures suivies à leur encontre ont été irrégulières, en ce qu'ils n'ont pas été informés conformément aux exigences posées par l'article 4 du Règlement communautaire dit Dublin III, il ressort des pièces du dossier que les intéressés se sont vus remettre en préfecture le 12 novembre 2014, lors du dépôt de leurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile, ainsi qu'en atteste leur signature, un guide du demandeur d'asile rédigé dans une langue qu'ils comprenaient ainsi qu'une information sur leurs droits ; que M. B...D...et M. A...D..., qui ont été mis en possession des informations requises par les différents Règlements communautaires relatifs au traitement des demandes d'asile, doivent ainsi être regardés comme ayant été suffisamment informés ;
6. Considérant que M. B...D...et M. A...D...soutiennent, en dernier lieu, que les disposions portant remise aux autorités polonaises sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent tant les dispositions de l'article 3-2 du règlement communautaire Dublin III que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce que les autorités polonaises seraient systématiquement défaillantes dans le traitement des demandes d'asile et qu'ils seraient exposés à des menaces en cas de retour dans ce pays ; que, toutefois, les requérants, qui se bornent à produire des documents émanant d'une ONG datant de 2008, n'apportent aucun commencement de démonstration de ce qu'ils seraient effectivement privés, en cas de retour en Pologne, des droits ouverts aux demandeurs d'asile, ni qu'ils y seraient exposés, en leur qualité de proches d'opposants au régime en place, à un quelconque risque, alors même qu'il ressort des pièces du dossier que les intéressés ont laissé derrière eux dans leur pays leurs conjoints et leurs enfants ;
En ce qui concerne l'assignation à résidence
7. Considérant que M. B...D...et M. A...D...soutiennent, en premier lieu, que les décisions portant assignation à résidence prises à leur encontre sont irrégulières en ce qu'ils n'ont pas été invités préalablement à présenter leurs observations ; que, toutefois, comme indiqué précédemment, les intéressés ont été reçus en entretien individuel dans les services préfectoraux à l'occasion de l'enregistrement de leurs demandes d'asile ; qu'ils ont été mis en possession des documents relatifs à la procédure dite " Dublin " ; que les décisions litigieuses leur ont été notifiées le 6 janvier 2015, en présence d'un interprète ; que ces notifications mentionnent la possibilité pour les intéressés de former, outre un recours contentieux, un recours administratif contre ces décisions ; que les décisions litigieuses, destinées à permettre l'exécution d'une mesure d'éloignement d'un étranger non autorisé au séjour, trouvent leur fondement légal dans les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles régissent de manière complète la procédure devant être suivie, qui ne fait nullement obstacle à ce que l'étranger concerné puisse, s'il l'estime utile, demander à être entendu par l'administration ; que le moyen dont s'agit ne peut ainsi qu'être écarté ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que les requérants, par les éléments qu'ils font valoir, ne démontrent pas l'illégalité des décisions par lesquelles le préfet a décidé leur remise aux autorités polonaises et ne peuvent ainsi utilement l'invoquer, par voie d'exception, à l'encontre des décisions portant assignation à résidence prises à leur encontre ;
9. Considérant, en troisième lieu, que si les intéressés soutiennent que l'obligation qui leur est faite de se présenter quotidiennement aux services de police, à l'exception des week-ends et des jours fériés, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en l'absence de toute nécessité d'une telle mesure, ils ne démontrent toutefois aucunement en quoi celle-ci présenterait un caractère excessif, eu égard à la finalité d'une mesure d'assignation à résidence qui n'intervient qu'en vue d'assurer l'exécution d'une décision d'éloignement d'un étranger non admis au séjour ; que ce moyen ne peut dès lors être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...D...et M. A...D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes ; que leurs conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 ne peuvent également, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. B... D...et de M. A...D...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 8 juillet 2016, où siégeaient :
-M. Lenoir, président,
-M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 juillet 2016.
Le rapporteur,
A. MONYLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
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N° 15NT00760, 15NT00761