Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 mars 2017 et 6 décembre 2018, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Caen du 24 janvier 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 13 octobre 2015 ;
3°) de condamner le SDIS du Calvados à lui verser la somme de 10 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de sa requête, en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 13 octobre 2015 ;
4°) de mettre à la charge du SDIS du Calvados le versement de la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée constitue une sanction disciplinaire tendant à l'exclure du stage en cours, dès lors qu'il n'a jamais indiqué que les conditions du stage ne lui convenaient pas, mais a simplement souhaité savoir si le SDIS pouvait comptabiliser 8 heures de travail quand le planning du stage en prévoyait 9 ; les termes du courrier sont sans ambiguïté ;
- cette décision, qui le prive de la possibilité d'accéder à un emploi de nageur sauveteur côtier, de la possibilité de travailler en milieu aquatique et d'obtenir une mutation sur la côte, constitue une sanction prise sans respect de la procédure disciplinaire ;
- la décision du 13 octobre 2015 constitue une décision défavorable, prise en considération de sa personne, sans qu'il n'ait pu faire valoir ses observations ;
- cette décision n'est pas motivée ;
- la sanction consistant à l'évincer du stage SAV2 ne fait pas partie des sanctions autorisées par l'article 89 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur sur la qualification juridique des faits dès lors que la formation SAV2 avait une durée supérieure à 8 heures et que le temps de formation devait être assimilé à du temps de travail effectif ;
- il est fondé à solliciter la réparation des préjudices résultant de son épuisement physique et psychique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2018, le service départemental d'incendie et de secours du Calvados, représenté par la SELARL Auger-Vielpeau-Le Coustumer, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés ;
- ses conclusions indemnitaires sont, en tout état de cause, irrecevables à défaut d'avoir été précédées d'une réclamation préalable.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi du 22 avril 1905 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...a intégré le service d'incendie et de secours (SDIS) du Calvados en tant que sapeur pompier professionnel à compter du 1er septembre 2000. En septembre 2007, il a effectué un stage de scaphandrier autonome de niveau 1 (plongeur) et a obtenu le diplôme et la spécialité de scaphandrier autonome léger. Le 19 juin 2012, il obtenait le diplôme de nageur sauveteur aquatique de niveau 1. Au cours des mois d'août et septembre 2015, M. B...a préparé le stage de sauveteur en eaux vives de niveau 2 (SAV2) pour lequel sa candidature a été retenue. Ce stage devait lui permettre de postuler sur un emploi de nageur sauveteur côtier et devait se dérouler du 12 au 16 octobre 2015. M. B...relève appel de l'ordonnance du 24 janvier 2017 par laquelle le président de la première chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 octobre 2015, par laquelle le colonel Massol, directeur du SDIS du Calvados, l'aurait destitué de ce stage et à la condamnation du SDIS à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices résultant de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Par un courriel du 12 octobre 2015, adressé au capitaine Claude, conseiller technique des sauveteurs en eaux vives et formateur lors du stage du 12 au 16 octobre 2015, M. B...s'est étonné du fait qu'aucune heure supplémentaire ne serait décomptée à l'occasion des dépassements d'horaire lors de ce stage, alors qu'aucun texte ne le prévoyait. Les journées de cette formation commençaient à 7h45 sur place avec un petit-déjeuner jusqu'à 8h et se terminaient à 18h, avec entre 17h15 et 18 h, 3/4 d'heure de reconditionnement du matériel du lundi au jeudi et 2h15 pour cette même activité le vendredi après-midi entre 13h45 et 16h. Selon M.B..., le temps de travail était calculé sur la base de 9h à 17h, soit 8 heures au lieu de 10 heures, et le temps de trajet n'était pas comptabilisé. En réponse à ce courriel, le colonel Massol, directeur du SDIS du Calvados, a, le 13 octobre 2015, pris note que les conditions de stage ne convenaient pas à M. B...et l'a informé " en conséquence " qu'à compter du 13 octobre au soir, il était " libéré des contraintes liées à cette formation ". Il ajoutait vous " retournez à disposition de votre chef de centre pour assurer la prochaine garde qui vous a été planifiée " tout en précisant que les deux jours de stage effectués seraient décomptés conformément au règlement de décompte du temps de travail des sapeurs pompiers professionnels en garde postée. Il résulte de ce courrier que M. B...a été privé de la possibilité de poursuivre son stage alors que sa demande ne portait que sur les modalités de calcul des heures de présence à cette formation. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que cette lettre du 13 octobre 2015 constitue une décision d'exclusion de stage lui faisant grief. Dès lors, en rejetant comme irrecevable sa demande au motif que le courrier attaqué ne comportait aucune décision d'exclusion du stage, le président de la première chambre du tribunal administratif de Caen a entaché d'irrégularité son ordonnance.
3. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, pour la cour, d'annuler cette ordonnance et, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de se statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Caen.
4. En premier lieu, aux termes de l'article 89 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : L'avertissement ; Le blâme ; Deuxième groupe : L'abaissement d'échelon ; L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; Troisième groupe : La rétrogradation : L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois à deux ans : Quatrième groupe : La mise à la retraite d'office ; La révocation. (...) / Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité territoriale [compétente] après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline. Ce pouvoir est exercé dans les conditions prévues à l'article 19 du titre Ier du statut général. L'autorité territoriale peut décider, après avis du conseil de discipline, de rendre publics la décision portant sanction et ses motifs. ". Aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté ".
5. Alors que M. B...interrogeait sa hiérarchie sur les modalités de décompte des heures effectuées à l'occasion du stage SAV2 qu'il suivait depuis le 12 octobre 2015, le directeur du SDIS a suspendu sa participation à cette formation en lui demandant de retourner à disposition de son chef de centre pour assurer la prochaine garde qui lui avait été planifiée, le privant ainsi de la possibilité d'accéder à un emploi de nageur sauveteur côtier. Cette décision, qui fait grief à l'intéressé et constitue une mesure prise en considération de la personne, sans pour autant constituer une sanction disciplinaire au sens de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984, ne pouvait intervenir sans que l'intéressé soit mis à même d'obtenir communication de son dossier. Il n'est pas sérieusement contesté que M. B... n'a pas été invité à prendre connaissance de son dossier avant l'adoption de cette mesure, ni même qu'il aurait été mis en mesure d'assurer sa défense. Il a donc été privé de la garantie prévue par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, de sorte que la décision contestée est intervenue à la suite d'une procédure irrégulière.
Sur les conclusions indemnitaires :
6. Le SDIS a conclu à titre principal à l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires du requérant faute de liaison du contentieux. Il ne résulte pas de l'instruction que M. B... ait adressé une réclamation contentieuse préalable à l'administration tendant à obtenir la réparation des préjudices allégués. Dans ces conditions, les conclusions à fin d'indemnisation de l'intéressé doivent être rejetées comme irrecevables.
7. Il résulte de ce qui précède, que M. B... est fondé à solliciter l'annulation de la décision du 13 octobre 2015. En revanche, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant à la condamnation du SDIS à l'indemniser de ses préjudices résultant de l'illégalité de cette décision.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1600931 du 24 janvier 2017 du président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Caen est annulée.
Article 2 : La décision du 13 octobre 2015 du directeur du SDIS du Calvados est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions du SDIS du Calvados présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au service départemental d'incendie et de secours du Calvados.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 janvier 2019.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
J. FRANCFORT
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT00950