Procédure devant la cour :
I. Par une requête n°17NT01308, enregistrée le 25 avril 2017, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 avril 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme E...devant le tribunal administratif de Rennes.
Il soutient qu'il n'a pas méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement communautaire du 26 juin 2013 ; M. et Mme E...ont attesté par leurs signatures avoir reçu le guide du demandeur d'asile ; ils ont par ailleurs certifié le 13 avril 2017 avoir respectivement reçu le guide du demandeur d'asile ainsi que les deux brochures A et B lors du dépôt de leurs demandes d'asile le 15 novembre 2016.
II. Par une requête n° 17NT01309, enregistrée le 25 avril 2017, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 avril 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme E...devant le tribunal administratif de Rennes.
Il invoque les mêmes moyens que dans l'instance visée ci-dessus.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 mars 2018, M. et MmeE..., représentés par MeC..., concluent au rejet des conclusions du préfet d'Ille-et-Vilaine et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros à leur conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Ils soutiennent qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;
- le règlement européen (UE) n°603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement européen (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Francfort, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que le document enregistré sous le n°17NT01309 constitue en réalité le double de la requête présentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine et enregistrée sous le n° 17NT01308 ; que ce document doit être rayé du registre du greffe de la cour et joint à la requête n°17NT01308, sur laquelle il est statué par le présent arrêt ;
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 visée ci-dessus : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président (...) " ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'admettre M. et MmeE..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions précitées ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. Considérant que le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement du 13 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé ses arrêtés du 4 avril 2017 portant remise de M. et Mme E...aux autorités italiennes responsables de l'examen de leurs demandes d'asile et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de leurs demandes, en leur délivrant dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;
4. Considérant, qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. " ; qu'aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur (...) est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement européen (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce que l'étranger est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ; que cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement ; qu'eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que M. et Mme E...ont certifié sur l'honneur, en arménien, à l'issue de chacun de leurs entretiens individuels tenus à la préfecture le 17 juin 2016, que " le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaire " leur ont été remis ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les conditions dans lesquelles a été établie l'attestation établie le 13 avril 2017, produite par le préfet devant la cour, que les requérants doivent être regardés comme ayant reçu l'ensemble de l'information prévue par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
7. Considérant, par suite, que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que le premier juge ne pouvait retenir le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pour annuler les arrêtés du 4 avril 2017 ordonnant la remise de M et Mme E...aux autorités italiennes ;
8. Considérant qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme E...tant en appel que devant le tribunal administratif de Rennes ;
9. Considérant, en premier lieu, que le guide du demandeur d'asile, lequel a été remis aux requérants comme il a été dit au point 8, comporte les informations relatives aux avantages dont peuvent bénéficier les demandeurs d'asile et aux obligations que les Etats membres doivent respecter en ce qui concerne les conditions d'accueil ; que ce guide comporte notamment une liste non exhaustive d'organisations susceptibles d'assurer une assistance juridique aux demandeurs ou de les aider et les informer s'agissant des conditions d'accueil dont ils peuvent bénéficier ; que M. et Mme E...ne sont dès lors pas fondés à soutenir que le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait manqué aux obligations que lui imposent en la matière les dispositions de l'article 5 de la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale ;
10. Considérant, en deuxième lieu, que les comptes-rendus des entretiens individuels accordés à M. et Mme E...comportent la mention, contresignée par les intéressés, selon laquelle une copie de ces comptes-rendus leur a été remise ; qu'ainsi les intéressés doivent être regardés comme ayant eu accès en temps utile au résumé que comportait ce compte-rendu, conformément à ce que prévoient les dispositions du 6 de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
11. Considérant, enfin, que M. et Mme E...ne sont pas fondés à critiquer le délai mis par le préfet d'Ille-et-Vilaine pour saisir le 3 janvier 2017 les autorités italiennes d'une demande de prise en charge à la suite de la demande d'admission au séjour au titre de l'asile formée le 15 novembre 2016, dès lors que les dispositions de l'article 21.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, si elles énoncent qu'une telle demande doit être introduite " dans les plus brefs délais ", prévoient également que cette demande doit être envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception d'un résultat positif Eurodac, délai qui a été respecté en l'espèce ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé ses arrêtés du 4 avril 2017 portant remise de M. et Mme E...aux autorités italiennes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme dont M. et Mme E...demandent le versement au profit de leur conseil ;
D E C I D E
Article 1er : Les productions n° 17NT01309 seront rayées du registre du greffe de la cour pour être jointes à la requête n°17NT01308.
Article 2 : M. E...et Mme E...sont admis, à titre provisoire, au bénéfice de 1' aide juridictionnelle.
Article 3 : Le jugement du 13 avril 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 4 : Les demandes présentées par M. et Mme E...devant le tribunal administratif de Rennes et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...épouseE..., à M. A... E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 13 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Durup de Baleine, premier conseiller,
- M. Bouchardon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mai 2018.
Le président-rapporteur,
J. FRANCFORTL'assesseur le plus ancien,
A. DURUP DE BALEINE
La greffière,
E HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT01308, N°17NT01309 2
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