Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 juin et 9 août 2021, la SAS United Biscuits France représentée par Me Usunier demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 avril 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par le CSE de la SAS United Biscuits France devant le tribunal administratif de Nantes ;
3°) de mettre à la charge du comité social et économique de la SAS United Biscuits France, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement d'une somme de 5000 euros.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le document unilatéral valant plan de sauvegarde de l'emploi de la société n'avait pas mis en œuvre le critère relatif à la qualité professionnelle des salariés qui est énoncé au 4° de l'article L. 1233-5 du code du travail ;
- le tribunal a commis une erreur de fait ; en effet, la société a apporté des explications détaillées et étayées concernant la méthode générale retenue afin de déterminer les différentes catégories professionnelles mais également les catégories professionnelles contestées par le CSE ; ces explications avaient été fournies tant au CSE lors de la procédure d'information-consultation qu'à la DIRECCTE dans le cadre de la procédure d'homologation ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en ce qu'il n'a pas procédé à un contrôle réel et sérieux des catégories professionnelles, qui aurait abouti à la confirmation de la décision d'homologation ; il n'a en effet ni procédé à un contrôle de la démarche retenue par la société dans la définition des catégories professionnelles (contrôle objectif) ni caractérisé de manière motivée une intention de ciblage (contrôle subjectif) ;
- les autres moyens présentés devant le tribunal ne sont pas fondés.
La ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a présenté des observations, enregistrées le 16 juillet 2021 et le 13 août 2021.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2021, et un mémoire enregistré le 24 août 2021 - non communiqué -, le comité social et économique (CSE) de la société United Biscuits France représenté par Me Derksen, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à ce que soit mis à la charge de la société United Biscuits France le versement d'une somme de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SAS ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me Usunier, représentant la société par actions simplifiée United Biscuits France, de Me Derksen, représentant le comité social et économique de la société United Biscuits France et de Mme D..., représentant la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Considérant ce qui suit :
1. Au 31 août 2020, la société par actions simplifiée (SAS) United Biscuits France, appartenant au groupe Yildiz, qui fabrique et commercialise principalement des biscuits de marque BN employait 336 salariés dont la grande majorité - 313 - était affectée à la production des biscuits au sein de l'usine de Vertou (44). Compte tenu des difficultés économiques rencontrées et en vue de sauvegarder sa compétitivité sur le marché français des grandes et moyennes surfaces, la société a décidé de réorganiser son activité, la réduction des effectifs étant l'une des composantes de ce projet. Elle a ainsi envisagé la suppression de 37 postes et la mise en œuvre d'un projet de licenciement collectif pour motif économique susceptible de concerner 33 salariés. Une procédure de consultation du comité social et économique (CSE) a été engagée, trois documents ayant été remis par la société à ses membres : une " note économique " relative à l'opération projetée et ses modalités d'application, un document unilatéral relatif au projet de licenciement collectif et au plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) et enfin une note d'information relative aux " conditions de travail, hygiène et sécurité ". Un accord de méthode sur la consultation a été conclu le 21 octobre 2020 entre la société et les organisations syndicales, assistées par le cabinet APEX. A trois reprises les organisations syndicales ont été réunies pour négocier un accord majoritaire. A l'issue de la réunion du 24 novembre 2020, il a été constaté qu'un accord ne pourrait être trouvé. Le 30 novembre 2020, le CSE, qui a évoqué " l'artificialité des découpages " de plusieurs catégories professionnelles, a rendu un avis défavorable au projet. Le 1er décembre 2020, la société a transmis à la direction régionale des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) une demande d'homologation du document unilatéral. A la suite d'échanges avec l'administration, le dossier a été complété. Par une décision du 11 décembre 2020, le directeur régional adjoint des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi des Pays de la Loire, responsable de l'unité départementale de la Loire-Atlantique, a homologué la décision unilatérale de l'employeur fixant le contenu d'un PSE qui prévoit trente-sept suppressions de postes et trente-trois licenciements. Le CSE de la SAS United Biscuits France a, le 11 février 2021, saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Par un jugement du 23 avril 2021, cette juridiction a fait droit à cette demande et prononcé l'annulation de la décision du 11 décembre 2020. La SAS United Biscuits France relève appel de ce jugement.
Sur les mémoires produits devant la cour par la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion :
2. Alors que l'Etat avait la qualité de partie défenderesse en première instance, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, qui s'est abstenue de former appel du jugement attaqué, n'a pas la qualité de partie à l'instance d'appel. Ayant reçu communication de la requête, la ministre déclare, " en soutien " à la requête de la SAS United Biscuits France, " conclure (...) à l'annulation du jugement " attaqué. Ses mémoires enregistrés le 16 juillet 2021 et le 13 août 2021 doivent toutefois être regardés comme présentant de simples observations en réponse à la communication faite par la cour. Il n'y a donc pas lieu de répondre aux moyens que la ministre développe dans ses observations, en particulier la fin de non recevoir opposée à la requête d'appel.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
3. Aux termes de l'article L. 1233-24-2 du code du travail : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63. / Il peut également porter sur : (...) 4° Le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées ; (...) ". L'article L. 1233-57-3 du même code prévoit qu'en l'absence d'accord collectif, ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés à l'article L. 1233-24-2 : " (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 (...) ".
4. En vertu de ces dispositions, il appartient à l'administration, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document qui fixe les catégories professionnelles mentionnées au 4° de l'article L. 1233-24-2 du code du travail cité ci-dessus, de s'assurer, au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, notamment des échanges avec les représentants du personnel au cours de la procédure d'information et de consultation ainsi que des justifications qu'il appartient à l'employeur de fournir, que ces catégories regroupent, en tenant compte des acquis de l'expérience professionnelle qui excèdent l'obligation d'adaptation qui incombe à l'employeur, l'ensemble des salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Au terme de cet examen, l'administration refuse l'homologation demandée s'il apparaît que les catégories professionnelles concernées par le licenciement ont été déterminées par l'employeur en se fondant sur des considérations, telles que l'organisation de l'entreprise ou l'ancienneté des intéressés, qui sont étrangères à celles qui permettent de regrouper, compte tenu des acquis de l'expérience professionnelle, les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, ou s'il apparaît qu'une ou plusieurs catégories ont été définies dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée.
5. Il ressort des pièces du dossier que la SAS United Biscuits France a classé les trois cent trente-six salariés présents dans son effectif au 31 août 2020 dans quarante-neuf catégories professionnelles. Le PSE en litige, qui tend à la suppression de trente-sept postes et au licenciement de trente-trois salariés, concerne seize catégories professionnelles dont sept d'entre elles sont unipersonnelles et onze d'entre elles, qui réunissent au total vingt-huit des trente-trois salariés visés par le licenciement, ne nécessitent pas la mise en œuvre des critères d'ordre de licenciement.
6. Pour prononcer l'annulation de la décision du 11 décembre 2020 homologuant le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société, le tribunal administratif a jugé que l'administration ne pouvait légalement valider le découpage des catégories professionnelles entre, en premier lieu, les fonctions de " directeurs d'enseignes " et " directeurs de zone ", en deuxième lieu, celles de " chef de projet BI " et " chefs de projets informatiques " et, enfin, entre celles de " directeur financier " et de " directeur administratif et financier adjoint ". Les premiers juges ont ainsi estimé que la société United Biscuits France, faute d'avoir apporté des éléments suffisants, des explications sérieuses ou des justificatifs de formation, devait être regardée comme s'étant fondée sur des considérations qui, tenant seulement à l'organisation de l'entreprise, ne sont pas propres à permettre de regrouper les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.
7. Il y a lieu tout d'abord de rappeler, sur la base des éléments versés au dossier, que dans le cadre du PSE, d'une part, 49 catégories professionnelles ont été définies pour un effectif de 331 postes, étant précisé que seules 16 catégories professionnelles sont concernées par les suppressions de poste et que, d'autre part, les catégories professionnelles définies sont réparties sur 15 métiers. Les éléments produits par les parties attestent également que le découpage ou les critères de permutabilité et de formation des salariés ont fait l'objet de plusieurs discussions avec le comité social et économique et la DIRECCTE lors de l'élaboration du PSE. Ainsi, le premier tableau des catégories professionnelles présenté le 21 septembre 2020 pour la première réunion du CSE a été complété le 26 novembre 2020 pour préciser et détailler les fonctions - compétences professionnelles - pour chaque catégorie.
S'agissant des catégories professionnelles contestées relevant du service commercial :
8. D'une part, les éléments versés au dossier concernant les catégories " chef de secteur " et " responsable d'enseigne " qui indiquent les différences de niveaux de responsabilité et de compétences exigés pour chacun des métiers commerciaux en cause permettent de justifier la distinction retenue entre ces deux catégories. Les fiches de poste produites par la société détaillent de façon très précise, autour de 7 points et de 2 points, respectivement les missions différentes dévolues aux responsables d'enseigne, d'une part, et aux chefs de secteur, d'autre part, ainsi que les compétences techniques requises nécessaires à la mise en œuvre de celles-ci. Il est ainsi indiqué que les responsables d'enseigne sont chargés de négocier avec les centrales d'achat au niveau national, la négociation étant au cœur de leur fonction, et qu'ils sont responsables de la politique promotionnelle et budgétaire des enseignes dont ils ont la charge, ce qui impose notamment de maîtriser parfaitement les outils de suivi, de " reporting " et d'analyse. En revanche, les chefs de secteur sont, quant à eux, principalement chargés de vérifier l'application des accords négociés au niveau national sur le terrain et de développer la visibilité linéaire des produits et marques en points de vente, ce qui implique une visite physique des surfaces de vente. Les fonctions exercées par les salariés relevant de ces deux catégories, eu égard aux compétences qu'elles requièrent, ne sont donc pas comparables comme le confirment nettement les échanges intervenus lors de la réunion du 22 juin 2018 du comité d'entreprise UB France. Si le CSE, pour soutenir que ces catégories n'avaient pas à être distinguées, a relevé que " les responsables d'enseignes sont d'anciens chefs de secteur ", il ressort cependant des éléments apportés par la société qu'elle avait fait le choix, dans les suites des changements importants intervenus après 2018 dans l'organisation des négociations avec les enseignes, de promouvoir certains de ces chefs de secteurs devenus " responsables enseigne ". Il n'est en outre pas sérieusement contesté qu'indépendamment des quatre journées de formation reçues en externe, les salariés concernés ont pendant plusieurs mois reçu une formation interne, bénéficiant d'un tutorat de la part des directeurs d'enseigne. Ainsi, si certains chefs de secteur ont vu, à la faveur de leur promotion, leurs compétences professionnelles étendues, cette circonstance ne signifie pas, alors que les fiches de postes correspondant aux deux catégories professionnelles montrent au surplus très clairement la différence de niveau de formation et d'expérience requis - 3 à 5 ans d'expérience dans un cas, aucune expérience demandée dans l'autre - qu'il s'agirait de fonctions permutables après mise en œuvre si nécessaire d'une simple formation d'adaptation.
9. D'autre part, et pour des raisons similaires à celles qui viennent d'être données pour les responsables d'enseigne et chefs de secteurs, les directeurs d'enseignes et directeurs de zone, qui sont leurs supérieurs hiérarchiques, ne peuvent être regroupés au sein d'une même catégorie. Ainsi les fonctions, responsabilités et champs d'intervention entre les niveaux national et local sont nettement différents. Alors que le directeur d'enseigne a notamment la responsabilité des comptes d'exploitation liés aux clients dont il a la charge, des négociations annuelles auprès des centrales nationales, du référencement des nouveaux produits, le directeur de zone, quant à lui, a une activité tournée vers la gestion de la relation commerciale exerçant des responsabilités en matière de management. En outre, ce dernier gère un chiffre d'affaires qui est près de 40 fois inférieur à celui du directeur d'enseignes. Le cas évoqué par le CSE de M. B... A..., directeur de zone promu directeur d'enseigne en 2018, correspond en réalité à un cas particulier, l'intéressé ayant été recruté alors qu'il disposait d'une expérience de 10 années en tant que " compte-clé " - direction enseigne - dans des grands groupes internationaux de sorte que ce cas particulier ne saurait démontrer une " interchangeabilité générale " des postes en cause, ainsi que l'avançait le CSE. Au demeurant, les fiches de poste produites comme les fiches métiers versées aux débats mais également les échanges intervenus lors de la réunion du comité d'entreprise du 22 juin 2018 montrent que la formation requise respectivement des directeurs d'enseigne et des directeurs de zone ne permet en aucune façon de démontrer l'existence d'une permutabilité possible sous réserve d'une courte formation d'adaptation.
S'agissant des catégories professionnelles contestées relevant du département informatique :
10. Il ressort des pièces versées au dossier, singulièrement de la fiche métier élaborée par l'association pour l'emploi des cadres (APEC) et produite au dossier, que la distinction entre les catégories professionnelles de chef de projet informatique et de chef de produit BI (Business Intelligence - Informatique décisionnelle) est objectivement justifiée en particulier par la forte spécificité de ce dernier poste. A cet égard, l'absence de permutabilité entre les deux catégories ressort très nettement, tout d'abord, de la nature différente des fonctions exercées - création d'outils répondant aux besoins des opérations et orientation vers l'agrégation et l'analyse de données permettant une décision stratégique sectorielle pour le chef de produit BI / applicatif et gestion des équipements et logiciels pour le chef de projet informatique -, ensuite, des logiciels différents utilisés et, enfin, des formations particulières requises pour chacun de ces deux métiers. L'attestation versée par le CSE, contestée sur la base d'arguments précis et techniques par la société requérante, ne permet pas de démontrer une interchangeabilité entre les salariés relevant des deux catégories professionnelles en cause.
S'agissant des catégories professionnelles contestées relevant du département finance :
11. Il ressort des pièces versées au dossier, notamment des fiches de poste et des éléments d'information présentés en 2018 au titre de la gestion prévisionnelle des emplois et compétences pour les deux emplois concernés, ainsi que de la délégation de pouvoir conférée comme du niveau élevé de formation requis du directeur administratif et financier que la société justifie ainsi suffisamment, en dépit de la proximité des intitulés, de la réalité et de la pertinence de la distinction opérée entre les catégories professionnelles de directeur administratif et financier, chargé notamment en collaboration étroite avec le groupe de piloter la stratégie financière et d'investissement de l'entreprise et de concevoir les commentaires de résultats, et de directeur administratif et financier adjoint, dont les fonctions relèvent plutôt de la mise en œuvre comptable au sein de la société, qui correspondent à des compétences professionnelles distinctes.
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 à 11, que le découpage qui a été opéré par la société United Biscuits France entre les catégories " directeurs d'enseignes " et " directeurs de zone ", " chef de projet BI " et " chefs de projets informatiques ", enfin, entre " directeur financier " et " directeur administratif et financier adjoint " ne méconnaît pas les principes rappelés au point 4 en application des dispositions de l'article L. 1233-24-2 du code du travail.
13. Il résulte de ce qui vient d'être dit que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé pour prononcer l'annulation de la décision du 11 décembre 2020 portant homologation du document unilatéral par le DIRRECTE des Pays de la Loire sur les motifs tirés de ce que l'employeur qui n'apportait pas les justifications nécessaires, " devait être regardé comme s'étant en partie fondé, pour définir les catégories professionnelles visées par les licenciements, sur des considérations qui, tenant seulement à l'organisation de l'entreprise, ne sont pas propres à regrouper les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ". Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le comité social et économique de la SAS United Biscuits France devant le tribunal administratif de Nantes.
En ce qui concerne les autres moyens développés par le comité social et économique de la SAS United Biscuits France :
14. En premier lieu, le CSE de la société United Biscuits France soutient qu'il n'a pas été informé par la DIRECCTE de la complétude du dossier de demande d'homologation du document unilatéral relatif au projet de licenciement pour motif économique établi par la société.
15. Aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur la décision de validation dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 et la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours à compter de la réception du document complet élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4. / Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité social et économique et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires. La décision prise par l'autorité administrative est motivée. / Le silence gardé par l'autorité administrative pendant les délais prévus au premier alinéa vaut décision d'acceptation de validation ou d'homologation. Dans ce cas, l'employeur transmet une copie de la demande de validation ou d'homologation, accompagnée de son accusé de réception par l'administration, au comité social et économique et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires. " et aux termes de l'article D. 1233-14-1 du même code : " Le délai prévu à l'article L. 1233-57-4 court à compter de la réception par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du dossier complet. / Le dossier est complet lorsqu'il comprend les informations permettant de vérifier le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les modalités d'information et de consultation du comité social et économique, la pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements, le calendrier des licenciements, le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées, et les modalités de mise en œuvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement et, lorsqu'un accord est conclu en application de l'article L. 1233-24-1, les informations relatives à la représentativité des organisations syndicales signataires. / Lorsque le dossier est complet, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi en informe, sans délai et par tout moyen permettant de donner date certaine, l'employeur, le comité social et économique ainsi que les organisations syndicales représentatives en cas d'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1. ".
16. Le DIRRECTE des Pays-de-la Loire ne conteste pas ne pas avoir notifié au CSE de la société United Biscuit France, ainsi que l'exigent les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article D. 1233-14-1 du code du travail, l'information - autrement dénommée " acte de complétude " - portant sur le caractère complet du dossier élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4 du même code. Toutefois, en l'espèce, la décision d'homologation a été prise de façon expresse le 11 décembre 2020 et notifiée tant à l'employeur qu'au comité social et économique et ce dernier, comme au demeurant les salariés à titre individuel, ont pu contester cette décision. Dans ces conditions, la méconnaissance de l'article D. 1233-14-1 n'a privé, ni le comité social et économique, ni les salariés de garanties et a été sans influence sur le sens de la décision d'homologation. Le moyen sera écarté.
17. En deuxième lieu, le CSE de la société United Biscuits France soutenait que la procédure d'information-consultation des représentants du personnel est entachée de plusieurs irrégularités qui tiennent au recours abusif à la visioconférence pour ses réunions, 8 réunions - celles des 21 et 29 septembre, 7 et 15 octobre, 2, 16, 18 et 26 novembre 2020 - s'étant tenues par l'entremise de moyens de télécommunication.
18. Lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Il appartient à ce titre à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité d'entreprise, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause.
19. S'agissant du recours à la visioconférence, il y a lieu de rappeler que si les réunions se tiennent en principe en présence des membres du CSE, la crise sanitaire qui a débuté en mars 2020 a conduit à un aménagement des règles. Ainsi l'ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020 a autorisé, en son article 6, le recours notamment à la visioconférence pour les réunions du CSE, de manière illimitée même en l'absence d'accord. Ce dispositif a été réactivé lors du second état d'urgence sanitaire par une ordonnance n° 2020-1441 du 25 novembre 2020 qui a toutefois encadré plus spécifiquement les réunions à distance en prévoyant à leur recours illimité des exceptions, au nombre desquelles la procédure de licenciement collectif dans le cadre d'un PSE. Ensuite, pour la période non couverte par les ordonnances évoquées plus haut, soit du 10 juillet au 26 novembre 2020, les dispositions de droit commun s'appliquaient. Ainsi l'article L. 2315-4 du code du travail prévoyait que " le recours à la visioconférence pour réunir le comité social et économique peut être autorisé par accord entre l'employeur et les membres élus de la délégation du personnel du comité. En l'absence d'accord, ce recours est limité à trois réunions par année civile ".
20. Au cas d'espèce, il ressort, tout d'abord, des pièces versées au dossier, que les 9 réunions ayant trait à la procédure d'information-consultation - les 5 dernières des 2, 16, 18, 26 et 30 novembre 2020 étant postérieures à l'accord de méthode - se sont déroulées en réalité, à l'exception de la toute dernière, de façon mixte : en présentiel (pour trois élus et pour les 4 premières en présence de tous les titulaires) et en distanciel via un dispositif de visioconférence. La dernière, du fait de l'exercice par la majorité des élus appelés à siéger du droit d'opposition prévu par l'ordonnance du 25 novembre 2020, s'est tenue exclusivement en présence des membres. Ensuite, il ressort des pièces versées au dossier qu'un accord de méthode qui visait à encadrer le calendrier et les modalités d'information-consultation et négociation dans le cadre du projet de réorganisation de la société, évoqué au point 1, a été conclu au sein de l'entreprise avec les organisations syndicales CFE-CGC et CFDT le 21 octobre 2020. Il ressort des termes de cet accord produit au dossier qu'il a prévu et organisé expressément la tenue de réunions en visio ou audio conférences. Dans ces conditions, compte tenu des modalités retenues pour assister aux réunions et sur la base des dispositions qui étaient alors applicables, rappelées au point précédent, le CSE de la société United Biscuits France n'est pas fondé à soutenir " qu'aucune disposition légale ne permettait à l'employeur d'imposer un tel recours à la visioconférence - une " telle sujétion " - aux représentants du personnel ". En tout état de cause, il ne ressort d'aucun élément du dossier - procès-verbaux, accord de méthode, échanges entre la DIRRECTE et les élus délégués syndicaux - que les modalités de consultation retenues, aucune réunion ne s'étant d'ailleurs déroulée en visioconférence exclusive, auraient de quelque façon que ce soit, empêché le CSE d'exprimer son avis en toute connaissance de cause. Le moyen tiré d'un prétendu usage abusif et illégal à la visioconférence doit en conséquence être écarté.
21. En troisième lieu, le CSE de la société United Biscuits France soutenait que lors de la réunion du 30 novembre 2020 qui correspond à la restitution des avis et est la dernière réunion requise pour la procédure engagée par la société, le directeur des ressources humaines groupe, M. V. B a participé aux échanges et que du fait de sa présence, le nombre maximal à la délégation employeur était dépassé, situation contribuant à la commission du délit d'entrave.
22. Il ne ressort d'aucun élément versé au dossier, et notamment des mentions portées sur le procès-verbal de la réunion en cause, que la présence de M. V.B, dont la venue n'était effectivement pas annoncée, aurait pu avoir une quelconque incidence sur le déroulement des échanges, aucun propos ne lui étant attribué. L'évocation d'un éventuel délit d'entrave, dont les éléments constitutifs font défaut au cas d'espèce, demeure en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision du DIRRECTE portant homologation du PSE. Le moyen sera écarté.
23. En quatrième et dernier lieu, le CSE de la société United Biscuits France qui se plaint de modifications répétées du document unilatéral soumis à homologation (3 versions du Livre I et 2 versions du Livre II), déplorant le fait que les dernières versions lui ont été transmises 4 jours avant la date de restitution des avis du CSE, invoquait le caractère déloyal de la procédure d'information-consultation.
24. Il résulte de ce qui a été dit au point 18 ci-dessus que l'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi ne peut être légalement accordée si le comité d'entreprise n'a pas disposé des informations, notamment sur les raisons économiques, financières ou techniques invoquées par l'employeur, lui permettant de formuler en toute connaissance de cause ses avis sur l'opération projetée et sur le projet de licenciement.
25. Au cas d'espèce, s'agissant des différentes versions du document unilatéral soumis à homologation par la DIRRECTE présentées aux membres du CSE, il ne ressort pas des pièces du dossier, d'une part, que des modifications qui auraient porté sur les catégories professionnelles ou les critères d'ordre seraient intervenues entre le 26 et le 30 novembre 2020, date de la dernière réunion du CSE où les avis ont été rendus. D'autre part, au cours de cette même période, il est établi que les seules modifications intervenues sont celles qui affectent les modalités du congé de reclassement - possibilité de retour dans ce congé après une période d'essai infructueuse -, qu'elles sont mineures, offrent une garantie supplémentaire aux salariés licenciés et sont d'ailleurs intervenues à la suite d'une demande des élus ainsi qu'en atteste le procès-verbal de la dernière réunion du CSE, le 30 novembre 2020. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration, qui s'en était assurée, a estimé que le comité social et économique avait été mis en mesure de rendre un avis éclairé sur le document unilatéral soumis à homologation. Le moyen sera écarté.
26. Il résulte de ce qui a été dit aux points 15 à 25 que l'administration pouvait légalement homologuer le document unilatéral proposé par la SAS United Biscuits France, les autres moyens présentés par le CSE dirigés contre la décision contestée du 11 décembre 2020 du DIRRECTE adjoint des Pays de la Loire n'étant pas fondés et devant, par suite, être écartés.
27. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SAS United Biscuits France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 11 décembre 2020, par laquelle le directeur régional adjoint des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi des Pays de la Loire a homologué le document unilatéral relatif au plan de sauvegarde de l'emploi de la société United Biscuits France.
Sur les frais liés au litige :
28. D'une part, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du CSE la somme que la SAS United Biscuits France demande en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D'autre part, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie, la somme que demande le comité social et économique de la SAS United Biscuits France au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2101604 du tribunal administratif de Nantes du 23 avril 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par le comité social et économique (CSE) de la société par actions simplifiée (SAS) United Biscuits France devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la SAS United Biscuits France et le comité social et économique (CSE) de la société par actions simplifiée (SAS) United Biscuits France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée (SAS) United Biscuits France et au comité social et économique (CSE) de la société.
Copie en sera adressée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. C..., président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 septembre 2021.
Le rapporteur,
O. C...Le président,
O. GASPON
La greffière
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21NT01666 3