Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 avril 2020, M. A..., représenté par Me E... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces arrêtés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de l'arrêté de transfert :
- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas reçu, dès le début de la procédure, les informations prévues à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- il n'est pas établi que l'entretien individuel se soit déroulé dans les conditions prévues à l'article 5 du règlement n° 604/2013 avec une personne qualifiée ;
- la décision attaquée méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 compte tenu de ses problèmes de santé ;
S'agissant de l'arrêté l'assignant à résidence :
- il est illégal du fait de l'illégalité de l'arrêté de transfert aux autorités espagnoles.
Par un mémoire, enregistré le 11 juin 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés et précise que M. A... a été transféré en Espagne le 30 janvier 2020.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 mars 2020.
II. Vu la procédure suivante sous le n° 20NT01766 :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a renouvelé pour la première fois son assignation à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2000146 du 15 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 juin 2020, M. A..., représenté par Me E... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté n'est pas motivé ;
- le préfet a commis une erreur de droit en se fondant sur la circonstance qu'il n'a effectué aucune diligence en vue d'exécuter la mesure de transfert vers l'Espagne ;
- le préfet ne démontre pas en quoi il était justifié et proportionné de l'assigner à résidence pour une durée supplémentaire.
Par un mémoire, enregistré le 3 août 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures de première instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 juin 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 24 décembre 1998, entré en France le 22 mai 2019 selon ses déclarations, a sollicité l'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique le 2 août 2019. Les recherches entreprises sur le fichier Eurodac ont révélé que le requérant avait irrégulièrement franchi la frontière espagnole depuis moins de douze mois. Consécutivement à leur saisine le 5 août 2019, les autorités espagnoles ont implicitement accepté de prendre en charge l'intéressé le 20 août 2019. Par deux arrêtés du 7 octobre 2019, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de transférer l'intéressé aux autorités espagnoles et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Puis, par un arrêté du 10 décembre 2019, le préfet de Maine-et-Loire a renouvelé son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes l'annulation de ces décisions. Il relève appel des jugements du 2 décembre 2019 et du 15 janvier 2020 par lesquels le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.
2. Les requêtes n° 20NT01279 et n° 20NT01766 concernent le même requérant et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
Sur la décision de transfert aux autorités espagnoles :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Aux termes des dispositions de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre, le 2 août 2019, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile dans les services de la préfecture, et à l'occasion de son entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ainsi que le guide du demandeur d'asile en France, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'administration l'aurait privé d'une garantie au motif que l'information qui lui a été donnée par les services préfectoraux aurait dû l'être dès son passage dans la structure de pré-accueil qui l'avait accueilli. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".
7. Aucune disposition n'impose la mention sur le compte-rendu de l'entretien individuel prévu à l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien. Les services de la préfecture de la Loire-Atlantique, et en particulier les agents recevant les étrangers au sein du guichet unique des demandeurs d'asile mis en place dans cette préfecture, doivent être regardés comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
9. Si M. A... déclare avoir des problèmes de santé, dont il a fait état lors de l'entretien individuel du 2 août 2019, il ne produit aucun élément médical de nature à établir l'existence et la gravité de sa pathologie. Il n'établit ni même n'allègue qu'il ne pourra pas voyager sans risque ou bénéficier des soins requis par ses problèmes de santé en Espagne. Par suite, en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités espagnoles, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Sur la décision d'assignation à résidence :
10. M. A... n'est pas fondé, compte tenu de ce qui a été dit aux points 3 à 9, à exciper de l'illégalité de la décision de transfert à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 7 octobre 2019 l'assignant à résidence. L'intéressé ne soulevant aucun moyen tiré des vices propres de l'arrêté portant assignation à résidence, ses conclusions aux fins d'annulation de cet arrêté ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la décision de renouvellement de l'assignation à résidence :
11. Aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision d'assignation à résidence est motivée. (...) ". Aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° bis (...) fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis. ".
12. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait référence à la décision portant transfert aux autorités espagnoles dont M. A... fait l'objet. Il reprend les éléments essentiels relatifs à la situation personnelle de l'intéressé et mentionne avec suffisamment de précisions les circonstances de droit et de fait qui le fondent. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article 30 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Les coûts nécessaires au transfert d'un demandeur (...) vers l'Etat membre responsable sont à la charge de l'Etat membre procédant au transfert. (...) 3. Les coûts de ces transferts ne peuvent être mis à la charge des personnes à transférer en vertu du présent règlement. ".
14. Le préfet de Maine-et-Loire a renouvelé l'assignation à résidence de M. A..., au motif, notamment, que le requérant n'avait accompli aucune diligence en vue de son départ. Toutefois, cette seule considération de fait, permettant d'apprécier si l'éloignement de M. A... demeurait une perspective raisonnable justifiant du renouvellement de son assignation à résidence, ne permet pas de considérer que le préfet aurait entendu mettre à la seule charge de l'intéressé l'organisation et les coûts de son transfert en Espagne, en méconnaissance de l'article 30 du règlement (UE) n° 604/2013. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de Maine-et-Loire a entaché sa décision d'une erreur de droit doit être écarté.
15. En troisième lieu, si M. A... soutient que la mesure litigieuse n'est ni nécessaire ni proportionnée, il est constant qu'à la date de la décision attaquée, il faisait l'objet d'une décision de transfert qui n'avait pas encore été exécutée et que, par suite, il figurait au nombre des étrangers dont l'assignation à résidence est susceptible d'être renouvelée. Il ressort des pièces du dossier que l'exécution de son éloignement, demeurait, à la date de la décision en cause, une perspective raisonnable et que ce dernier présentait des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à cette mesure d'éloignement. La circonstance que le requérant ait respecté les prescriptions de l'assignation à résidence initiale et se soit présenté à toutes les convocations délivrées par la préfecture, n'est pas de nature à priver d'utilité la mesure d'assignation en cause ou à entacher cette mesure de disproportion. Par suite, en décidant de prolonger l'assignation à résidence de M. A..., le préfet n'a pas pris une mesure disproportionnée et n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes. Par conséquent, ses requêtes, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes n° 20NT01279 et n° 20NT01766 de M. A... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Couvert-Castéra, président de la cour,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2021.
Le rapporteur,
F. D...Le président,
O. COUVERT-CASTÉRA
Le greffier,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 20NT01279, 20NT01766 2
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