Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 juillet 2020, 9 novembre 2020 et 26 novembre 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) à titre principal, de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur sa requête par suite de la caducité de la décision de transfert et de l'expiration du délai de transfert ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement et ces arrêtés ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'autoriser à solliciter l'asile en France et de lui délivrer un récépissé en qualité de demandeur d'asile dans un délai de trois jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de reprendre l'instruction de sa demande d'asile et de rendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient :
S'agissant du non-lieu à statuer, que :
- le délai d'exécution de la mesure de transfert expirait le 21 août 2020 ; il n'est justifié d'aucun report du délai de transfert dès lors que le préfet ne justifie pas de l'accusé de réception généré par le point d'accès national allemand du report du délai ;
- il ne saurait être considéré comme étant en fuite dès lors qu'il ne s'est pas soustrait aux obligations de manière intentionnelle et systématique et que l'administration ne démontre pas avoir accompli des diligences pendant le délai de transfert pour assurer l'exécution de la mesure d'éloignement.
S'agissant du jugement attaqué, que :
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en estimant que sa demande d'asile n'avait pas été déposée dès sa présentation à la structure de pré-accueil ; il ne pouvait écarter ce moyen sans solliciter, avant dire droit, communication de tous les éléments de procédure justifiant notamment de la date à laquelle les services préfectoraux ont eu connaissance de la demande de protection internationale qu'il a déposée ;
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit dès lors qu'en application des articles 4 et 5 du règlement n° 604/213 du 26 juin 2013, les brochures d'information doivent nécessairement être remises avant l'entretien individuel ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que l'entretien avait été mené par une personne qualifiée en droit national dès lors qu'il n'est fait mention ni de sa qualité ni de ses initiales ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que l'absence d'examen du risque par ricochet lors de l'entretien n'entachait pas la procédure d'irrégularité ;
- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs dès lors qu'il a relevé que le préfet avait exactement déterminé l'Etat membre responsable sur le fondement du 18.d puis a mentionné que la demande de reprise en charge était fondée sur l'article 18.b ;
- en s'abstenant de tenir compte des rapports d'organisation gouvernementale et des articles de presse produit, le tribunal a entaché sa décision d'une erreur de droit ;
- son état de santé n'a pas été examiné dans sa totalité par le tribunal et nécessite des soins qui ne peuvent être interrompus.
S'agissant de l'arrêté de transfert, que :
- la décision de transfert est insuffisamment motivée en l'absence de mention des éléments permettant de définir le fondement de la responsabilité des autorités allemandes ;
- il n'est pas établi qu'il a reçu, dans une langue qu'il comprend, les informations prévues à l'article 4 du règlement du 26 juin 2013, qu'il a bénéficié d'un entretien individuel et, le cas échéant, d'un entretien conduit dans le respect des garanties prévues par l'article 5 du règlement ;
- le préfet ne justifie ni de la remise des brochures d'information avant l'entretien individuel ni de la remise de ces informations par écrit dans une langue qu'il comprend ; la brochure n'est pas signée par l'interprète ;
- sa situation personnelle n'a pas été examinée, ce dont témoigne les mentions erronées de la décision aux termes desquelles il a déposé une première demande de protection en Allemagne ; le préfet n'a pas examiné le risque de renvoi par ricochet ;
- le préfet n'a pas requis l'avis du collège des médecins de l'OFII pour se prononcer sur son état de santé ;
- il a été privé de son droit à un recours effectif à défaut de mention de ses demandes de protection internationale en Italie et en Suisse ;
- le préfet a commis une erreur de droit en estimant que l'Allemagne était responsable dès lors qu'il n'était pas possible de déterminer l'Etat membre responsable ; il n'est pas justifié des demandes de protection internationale déposées en Italie et en Suisse ;
- la saisine des autorités allemandes est entachée d'un défaut de base légale en l'absence de mention du texte sur le fondement duquel elles étaient considérées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile ;
- le préfet ne justifie pas s'être assuré qu'il disposait d'un recours effectif en vertu de l'article 46 de la directive 2013/32/UE ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait dès lors que c'est à tort que le préfet mentionne qu'il n'a pas consulté de médecin depuis son arrivée en France ;
- le préfet devait mettre en oeuvre la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement compte tenu du risque de persécution par ricochet, de l'incapacité de l'Allemagne à faire face à un afflux massif de migrants, de son état de santé et des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs.
S'agissant de l'arrêté l'assignant à résidence, que :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de transfert ;
-le préfet ne justifie ni qu'il ne pourrait quitter immédiatement le territoire ni que son éloignement ne présenterait une perspective raisonnable.
Par des mémoires, enregistrés les 21 août 2020 et 12 novembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le délai de transfert est reporté au 21 août 2021 dès lors M. A... est considéré comme en fuite en l'absence de respect de son obligation de pointage ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 modifié ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les observations de Me C..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sierraléonais né le 11 août 1998, est entré en France, selon ses déclarations, le 28 décembre 2019. Sa demande d'asile a été enregistrée le 3 janvier 2020 à la préfecture de la Loire-Atlantique. Les recherches entreprises sur le fichier Eurodac ont révélé que le requérant avait déjà sollicité l'asile auprès des autorités italiennes, suisses et allemandes. Consécutivement à leur saisine le 6 janvier 2020, les autorités allemandes ont accepté de reprendre en charge l'intéressé. Par deux arrêtés du 20 janvier 2020, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert de M. A... en Allemagne et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes l'annulation de ces deux arrêtés. Il relève appel du jugement du 21 février 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer :
2. Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. (...) ; / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté (...) à dix-huit-mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. (...) ". Aux termes du 2 de l'article 9 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003, modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014 : " Il incombe à l'État membre qui, pour un des motifs visés à l'article 29, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013, ne peut procéder au transfert dans le délai normal de six mois à compter de la date de l'acceptation de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée, ou de la décision finale sur le recours ou le réexamen en cas d'effet suspensif, d'informer l'État responsable avant l'expiration de ce délai. À défaut, la responsabilité du traitement de la demande de protection internationale et les autres obligations découlant du règlement (UE) n° 604/2013 incombent à cet État membre conformément aux dispositions de l'article 29, paragraphe 2, dudit règlement. ".
3. D'une part, il ressort du procès-verbal établi le 22 mars 2020 par l'agent de police judiciaire que M. A... ne s'est pas présenté au commissariat central de police de Nantes, en méconnaissance des obligations prévues par l'article 3 de l'arrêté du 20 janvier 2020. L'intéressé, qui ne conteste pas ne pas s'être présenté avant le 3 mars 2020, soutient qu'il s'est rendu au commissariat central à partir de cette date, lorsqu'il a eu connaissance de la notification du jugement du tribunal administratif de Nantes, mais qu'il n'a pas été mis à même de signer dans la mesure où les agents ne retrouvaient ni son dossier ni son nom sur la liste. S'il produit, au soutien de ses allégations, une attestation aux termes de laquelle il s'est déplacé au commissariat les 3, 4 et 5 mars mais qu'il n'a pu signer car les policiers ne retrouvaient pas son dossier, cette attestation n'est pas suffisante pour établir la véracité des faits, contraires aux mentions portées dans le procès-verbal du 22 mars 2020, dès lors que son auteur n'était pas présent aux côtés de M. A... aux moments où celui-ci se serait rendu au commissariat et ne fait que relater les dires de l'intéressé tenus le 9 mars 2020 lorsque celui-ci s'est présenté dans les locaux de la permanence d'accès aux droits. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le requérant, l'effet suspensif prévu par l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, en cas de saisine du tribunal administratif, fait obstacle à l'exécution d'office de la décision de transfert tant que ce tribunal n'a pas statué, n'a pas pour effet de suspendre l'obligation de pointage prévue par l'arrêté portant assignation à résidence pris à l'égard de l'étranger faisant l'objet de cette décision de transfert. Dès lors que M. A... n'a jamais respecté les obligations de pointage qui lui avaient été imposées dans le cadre de l'assignation à résidence qui avait été décidée en vue de son transfert vers l'Allemagne, le préfet a pu à bon droit, pour ce seul motif, regarder M. A... comme étant en fuite au sens de l'article 29 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, et en déduire que le délai imparti pour son transfert vers l'Allemagne était porté à dix-huit mois.
4. D'autre part, pour soutenir que la décision de transfert en litige est devenue caduque et que la responsabilité des autorités allemandes a cessé, M. A... soutient qu'il n'est pas établi que ces autorités auraient été informées de la prolongation du délai de transfert du fait de son placement en fuite. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que le délai de six mois prévu par les dispositions précitées, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'État membre requis, a été interrompu par l'introduction, par M. A... d'un recours devant le tribunal administratif de Nantes contre l'arrêté de transfert du 20 janvier 2020, notifié le 11 février suivant. En raison de la fuite de l'intéressé, qui n'a pas déféré aux obligations de pointage, le délai de transfert a été, par courrier du 3 mars 2020, porté à dix-huit mois et la nouvelle date limite de transfert a été fixée au 21 août 2021. Pour en justifier, le préfet de Maine-et-Loire produit le courrier du 3 mars 2020 ainsi que la copie d'un accusé de réception Dublinet du 3 mars 2020 mentionnant la référence " FRDUB69930348948-490 A... Amadu DE " qui correspond au numéro de référence attribué au requérant. Ce document, accompagné du courriel de saisine du 3 mars 2020 de la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur, qui gère le " point d'accès national " du réseau Dublinet pour la France mais également de l'accusé de réception " Dublinet " du même jour, est de nature à établir, contrairement à ce que soutient M. A..., que les autorité allemandes ont été informées de la prolongation du délai de transfert, alors même que l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau Dublinet, par le point d'accès national de l'Etat informé ne serait pas produit. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'Allemagne ne serait plus, à la date du présent arrêt, responsable de l'examen de sa demande de protection internationale, ni que la décision de transfert en litige serait devenue caduque. Par suite, ses conclusions tendant à ce que la cour constate qu'il n'y a plus lieu de statuer ne peuvent être accueillies.
Sur la régularité du jugement attaqué :
5. En premier lieu, si M. A... soutient que les premiers juges ont commis diverses erreurs de droit ou d'appréciation dans l'analyse des moyens qu'il a présentés devant le tribunal administratif, cette argumentation est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
6. En second lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., le magistrat désigné, qui a fondé sa décision sur les seules pièces versées au dossier par les parties, n'a entaché son jugement d'aucune irrégularité en s'abstenant de demander, avant dire droit, au préfet de produire les éléments de procédure justifiant de la date à laquelle les services préfectoraux ont eu connaissance de sa demande de protection internationale.
Sur la légalité de l'arrêté de transfert :
7. En premier lieu, M. A... se borne à reprendre en appel, sans apporter aucun élément nouveau de fait ou de droit, les moyens invoqués en première instance contre l'arrêté de transfert et tirés de l'insuffisance de sa motivation, du défaut d'examen de sa situation personnelle, de la méconnaissance de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, du vice de procédure en l'absence de saisine du collège de médecins de l'OFII, de l'erreur de fait et du défaut de base légale. Il y a lieu, en conséquence, d'écarter ces moyens par adoption des motifs, retenus à bon droit par le premier juge qui y a suffisamment et justement répondu, aux termes desquels la décision est suffisamment motivée, n'est entachée ni d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. A... ni d'un vice de procédure en l'absence de saisine du collège des médecins de l'OFII ni d'une erreur de fait, ne repose pas sur une base légale erronée et ne méconnaît pas l'article 5 du règlement du 26 juin 2013.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".
9. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre, le 3 janvier 2020, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées ainsi que le guide du demandeur d'asile en anglais, dans une langue qu'il a déclaré comprendre. Les informations que ces documents contiennent lui ont été communiquées oralement au cours de l'entretien pendant lequel il bénéficiait de l'assistance d'un interprète en peul, ainsi qu'il en a attesté en signant le compte-rendu de cet entretien. Contrairement à ce que soutient M. A..., il ne peut être inféré de l'absence de signature des brochures par l'interprète que l'information qui lui a été communiquée par oral est insuffisante. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 doit être écarté.
11. En troisième lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, lorsqu'une demande de protection internationale est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dénommé Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 de son chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement.
12. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a déclaré lors de l'entretien du 3 janvier 2020 avoir traversé l'Italie, la Suisse, l'Allemagne et avoir déposé une demande d'asile ayant fait l'objet d'une décision de rejet en Allemagne et en Suisse. Le préfet de Maine-et-Loire a saisi les autorités suisses et italiennes, lesquelles ont rejeté leur responsabilité le 6 janvier 2020, ainsi que les autorités allemandes qui ont donné leur accord pour reprendre en charge le requérant le 14 janvier 2020. Par suite, l'autorité administrative a pu légalement estimer que l'Allemagne était responsable du traitement de sa demande d'asile et décider de le transférer aux autorités allemandes.
13. En quatrième lieu, aux termes du 2 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dans les cas relevant du champ d'application du paragraphe 1, point d), lorsque la demande a été rejetée en première instance uniquement, l'État membre responsable veille à ce que la personne concernée ait la possibilité ou ait eu la possibilité de disposer d'un recours effectif en vertu de l'article 46 de la directive 2013/32/UE ". M. A... ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions qui s'adressent à l'Etat responsable des demandes d'asile au sens de ce règlement et ne sont donc pas applicables à la décision en litige.
14. En cinquième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable. ".
15. M. A... soutient que l'Allemagne connait des dysfonctionnements sérieux dans le traitement des demandes d'asile en raison notamment d'un afflux important de demandeurs. Toutefois, l'Allemagne est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales. Si cette présomption peut être renversée lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant, les éléments produits par le requérant, non actualisés, ne permettent pas d'attester de l'existence de défaillances systémiques en Allemagne à la date de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent doit être écarté.
16. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
17. M. A... évoque, d'une part, l'existence d'un risque de renvoi par ricochet dans son pays d'origine en cas de transfert en Allemagne. Toutefois, si l'accord des autorités allemandes a été donné sur le fondement des dispositions du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, relatives aux ressortissants étrangers dont la demande d'asile a été rejetée, il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier qu'une mesure d'éloignement revêtant un caractère définitif aurait été opposée à M. A... en Allemagne. Par ailleurs, M. A... ne précise aucunement les risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine à supposer qu'il soit susceptible d'y être renvoyé.
18. D'autre part, les documents produits par M. A... concernant les pathologies dont il souffre ne permettent pas à eux-seuls de démontrer que son état de santé le placerait dans une situation d'exceptionnelle vulnérabilité et qu'il ne pourrait bénéficier en Allemagne des soins requis.
19. Par suite, en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités allemandes, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Sur la légalité de l'arrêté d'assignation à résidence :
20. En premier lieu, M. A... se borne à reprendre en appel, sans apporter aucun élément nouveau de fait ou de droit, le moyen invoqué en première instance contre l'arrêté d'assignation à résidence et tiré de l'insuffisance de sa motivation. Il y a lieu, en conséquence, d'écarter ce moyen par adoption des motifs, retenus à bon droit par le premier juge qui y a suffisamment et justement répondu, aux termes desquels la décision est suffisamment motivée.
21. En deuxième lieu, M. A... n'est pas fondé, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, à exciper de l'illégalité de la décision de transfert à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'assignant à résidence.
22. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'exécution de son éloignement, demeurait, à la date de la décision en cause, une perspective raisonnable. Par suite, en décidant de l'assignation à résidence de M. A..., le préfet n'a commis ni erreur de droit ni erreur d'appréciation.
23. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant dire droit la production de nouvelles pièces, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions relatives au frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Couvert-Castéra, président de la cour,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2021.
Le rapporteur,
F. D...
Le président,
O. COUVERT-CASTÉRA
Le greffier,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N° 20NT02046 2
1