Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 octobre 2017, M. B...A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen du 11 septembre 2017 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 5 septembre 2017 par lesquels le préfet du Calvados a, d'une part, ordonné sa remise aux autorités croates et, d'autre part, décidé de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Il soutient qu'au regard des traitements inhumains et dégradants auxquels il a été exposé lors de son séjour en Croatie et auxquels il risque d'être à nouveau exposé en cas de retour dans ce pays, l'arrêté portant remise aux autorités croates est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le moyen n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Francfort, président, a été entendu au cours de l'audience publique
1. Considérant que M.A..., ressortissant irakien né le 24 avril 1994 à Bagdad, déclarant être entré irrégulièrement sur le territoire français durant le mois de mars 2017, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile auprès des services de la préfecture du Calvados le 14 avril suivant ; que l'instruction de sa demande a révélé que M. A...avait sollicité son admission au même titre auprès de la préfecture de police de Paris, laquelle, ayant constaté après consultation du fichier Eurodac que l'intéressé était déjà connu des autorités grecques et croates, avait saisi ces dernières d'une demande de reprise en charge de l'intéressé sur le fondement de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; que les autorités croates ont, par courrier du 17 mars 2017, donné leur accord à la reprise en charge de M.A... ; que le préfet du Calvados a, par deux arrêtés du 5 septembre 2017, décidé de remettre M. A...aux autorités croates et de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ; que le requérant relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable " ; et qu'aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 qu'une demande d'asile est en principe examinée par un seul Etat membre ; que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par le chapitre III de ce règlement, dans l'ordre énoncé par ce chapitre ; que lorsqu'il y a de sérieuses raisons de croire que le transfert d'un demandeur vers l'Etat membre responsable de sa demande d'asile l'expose, en raison des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, à des risques de traitements inhumains ou dégradants, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable doit poursuivre l'examen des critères fixés par le chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ; que, selon le même règlement, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est écartée en cas de mise en oeuvre, soit de la clause dérogatoire définie par le paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre, soit de la clause humanitaire définie par le paragraphe 2 de ce même article ; que le paragraphe 1 de cet article prévoit en effet qu'un Etat membre peut, même s'il n'est pas responsable en application des critères fixés par le règlement, " décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée " ; que la mise en oeuvre par les autorités françaises de l'article 17 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, aux termes duquel : " Les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif " ;
4. Considérant, d'autre part, que si la Croatie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ;
5. Considérant que M. A...n'établit pas, par la production d'un article de presse sur la situation des demandeurs d'asile en Croatie ainsi que de deux certificats faisant état d'un suivi médical pour des troubles du sommeil, ni qu'il serait exposé en cas de transfert en Croatie à des traitements inhumains ou dégradants, ni que l'instruction de sa demande d'asile dans ce pays ne répondrait pas aux garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que par voie de conséquence, M. A...n'est pas fondé à soutenir qu'en ne faisant pas application de la clause dérogatoire prévue par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 le préfet aurait entaché l'arrêté portant remise aux autorités croates d'une erreur manifeste d'appréciation ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Pons, premier conseiller,
- M. Bouchardon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 mai 2018.
Le président-rapporteur,
J. FRANCFORTL'assesseur le plus ancien,
F. PONS
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03057