Procédure devant la cour :
I - Par un recours enregistré le 24 juillet 2017, sous le n° 17NT02268, la ministre du travail demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 29 juin 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif d'Orléans.
Elle soutient que :
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation :
en estimant qu'il avait été opposé à M. E... un motif de licenciement tiré de la constance de son refus de travailler le dimanche, distinct de celui invoqué par l'employeur à l'appui de sa demande de licenciement ;
l'autorité administrative peut utiliser des éléments complémentaires recueillis dans le cadre de l'enquête contradictoire afin d'apprécier la gravité des faits reprochés, quand bien même ces éléments ne seraient pas inscrits dans la demande, dans la mesure où l'autorité administrative n'ajoute pas de nouveaux griefs ;
la décision ne mentionne pas de griefs qui n'auraient pas été allégués à l'appui de la demande ;
sur le défaut de justification de l'absence de M. E... le 14 novembre 2014 qui constitue un manquement à l'exécution de son contrat de travail ayant un caractère fautif ;
* sur la gravité des faits fautifs reprochés au salarié, l'attitude de M. E... démontrant une persistance et un caractère délibéré dans son comportement fautif.
Par un mémoire, enregistré le 26 septembre 2017, la société par actions simplifiée (SAS) " Cars Simplon ", représentée par MeB..., conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 29 juin 2017, au rejet de la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif d'Orléans et à ce que soit mis à la charge de M. E... le versement d'une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a commis une erreur dans l'interprétation de la motivation du ministre du travail ;
- les griefs formulés à l'encontre de M. E...dans le cadre de la demande d'autorisation de licenciement et des recours exercés, sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2017, M.E..., représenté par MeA..., conclut au rejet du recours de la ministre et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal, à bon droit, a retenu que le ministre lui avait opposé un motif de licenciement distinct de celui invoqué par l'employeur à l'appui de sa demande ;
- les motifs invoqués pour le licencier ont été modifiés à plusieurs reprises par son employeur et par le ministre ;
- la décision du 14 août 2015 méconnait le principe du contradictoire en ce que le ministre a pris en compte des éléments non débattus contradictoirement ;
- le jugement contesté est suffisamment motivé ;
- les faits des 27 novembre et 5 décembre 2014 ne peuvent être invoqués dans le cadre du présent litige, ces faits n'étant pas mentionnés dans la décision du ministre du 19 mars 2015 ;
- c'est à juste titre que le tribunal a estimé qu'au vu des circonstances, ses absences ne pouvaient à elles seules conduire légalement à autoriser son licenciement.
II - Par une requête enregistrée le 30 août 2017, sous le n°1702669, la SAS Cars Simplon, représentée par Me B...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 29 juin 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif d'Orléans.
3°) de mettre à la charge de M. E...le versement d'une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a commis une erreur dans l'interprétation de la motivation du ministre du travail ;
- le tribunal n'a pas justifié son refus d'autorisation et les griefs formulés à l'encontre de M. E...dans le cadre de la demande d'autorisation de licenciement et des recours exercés, sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons ;
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public ;
- et les observations de Me D...pour la SAS Cars Simplon.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M.E..., recruté le 19 novembre 2013 par la SAS Cars Simplon en qualité de conducteur de bus, exerce le mandat de conseiller du salarié depuis le 12 mai 2014. Il a acquis le mandat de représentant de la section syndicale " syndicat anti-précarité (SAP) le 7 février 2015. Le 23 janvier 2015, la SAS Cars Simplon a sollicité auprès de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. E...pour motif disciplinaire. Par une décision du 19 mars 2015, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de l'intéressé. La SAS Cars Simplon a effectué un recours hiérarchique contre cette décision et, par décision du 14 août 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de M.E.... La ministre du travail ainsi que la SAS Cars Simplon, relèvent appel du jugement du 29 juin 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 14 août 2015.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. D'une part, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. En outre, pour accorder ou refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de prendre en compte l'existence de manquements antérieurs à la discipline pour apprécier si le fait reproché au salarié constitue ou non une faute grave.
4. Il est reproché à M. E...pour justifier son licenciement de ne pas avoir prévenu de son absence avant le début de son service le 14 novembre 2014, d'avoir utilisé à des fins personnelles le véhicule de société le 27 novembre 2014 et d'être rentré au dépôt à 14h50 au lieu de l3H00, de ne pas avoir communiqué l'attestation signée par le salarié assisté mentionnant le lieu, la date et la durée de l'entretien dans le cadre de son absence du 6 décembre 2014, de ne pas être venu travailler le dimanche 14 décembre 2014 et de ne pas avoir prévenu de son absence du 15 décembre 2014 dès sa prise de service, conformément aux dispositions du règlement intérieur.
5. Il ressort des motifs du jugement attaqué que pour annuler la décision du 14 août 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, le tribunal s'est fondé sur la circonstance que le ministre avait opposé à M. E...un motif de licenciement, tiré de la constance de son refus de travailler le dimanche, distinct de celui invoqué par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement.
6. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que pour annuler la décision de l'inspecteur du travail refusant le licenciement de l'intéressé, le ministre s'est notamment fondé sur le grief tenant à son absence au travail le 14 décembre 2014, en contradiction avec les dispositions de l'accord de branche et de l'accord d'entreprise, et ce, alors même que son employeur lui avait rappelé ses obligations à plusieurs reprises. Puis, dans le cadre du contrôle de gravité suffisante des faits reprochés pour justifier le licenciement disciplinaire de l'intéressé, le ministre a pris en compte les absences précédentes de M. E..., notamment un lundi et certains dimanches d'octobre, novembre et décembre 2014, pour estimer que ces absences cumulées témoignaient d'une constance de l'attitude de M. E...et constituaient dès lors des faits fautifs suffisamment graves pour justifier le licenciement. Dès lors, c'est à tort que le tribunal a estimé que le ministre du travail avait opposé à M. E...un motif de licenciement distinct de celui invoqué par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement, alors que l'autorité administrative s'est bornée à prendre en compte des agissements antérieurs recueillis dans le cadre de son enquête afin d'apprécier la gravité des faits reprochés au salarié.
7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E...à l'appui de sa demande.
8. M. E...soutient que la décision du 14 août 2015 méconnaît le principe du contradictoire, les éléments retenus à son encontre n'ayant pas été débattus contradictoirement.
9. D'une part, aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail : " En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié ". D'autre part, l'article R. 436-4 du code du travail dispose que l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat ". Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions citées impose à l'autorité administrative d'informer le salarié concerné, de façon suffisamment circonstanciée, des agissements qui lui sont reprochés.
10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les agissements relevés par le ministre du travail pour apprécier la gravité des faits reprochés au salarié, en l'occurrence la circonstance qu'une partie de la rémunération de M. E...lui a été retirée au titre d'absences injustifiées des dimanches 19 octobre, 2 novembre, 28 décembre, ainsi que du lundi 17 novembre 2014, caractérisant une constance dans le comportement de l'intéressé, aient été précisément indiqués à M. E... lors de l'entretien préalable à son licenciement ou lors des enquêtes contradictoires diligentées par l'inspecteur et le ministre du travail, le seul fait reproché se limitant à la mention " absences injustifiées ". Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que M. E... ait été mis en mesure de présenter des observations sur l'existence et le caractère réel de ces absences qualifiées d'injustifiées avant l'intervention de la décision du 14 août 2015. Par suite, l'autorité administrative ne saurait être regardée comme ayant informé M. E..., de façon suffisamment circonstanciée, des agissements qui lui étaient reprochés et a méconnu de ce fait le principe du contradictoire. Dès lors, M. E... est fondé à demander l'annulation de la décision du 14 août 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision du 19 mars 2015 de l'inspecteur du travail et a autorisé son licenciement.
11. Il résulte de ce qui précède que la ministre du travail et la SAS Cars Simplon ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 14 août 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social annulant la décision du 19 mars 2015 de l'inspecteur du travail et autorisant le licenciement de M. E....
Sur les frais liés au litige :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. E... de la somme de 1 000 euros au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : Le recours n° 17NT02268 de la ministre du travail et la requête n° 17NT02669 de la SAS " Cars Simplon " sont rejetés.
Article 2 : L'Etat versera à M. E... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre du travail, à la société par actions simplifiée Cars Simplon et à M. C... E....
Délibéré après l'audience du 26 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 novembre 2018.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 17NT02268, 17NT02669